Blaise Pascal, Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont esté trouvées aprés sa mort parmy ses papiers
Paris, Guillaume Desprez, 1670.
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RÉS D-21375
© Bibliothèque nationale de France
Munie d’un achevé d’imprimer daté du 2 janvier 1670, l’édition originale des Pensées commença d’être diffusée une quinzaine de jours plus tard environ : le 21 janvier 1670, Gilbert de Choiseul du Plessis-Praslin, évêque de Comminges, l’un des prélats auxquels le livre avait été soumis pour approbation en 1669, écrivait à Florin Périer pour accuser réception du livre et remercier les éditeurs d’avoir pris en compte les « changements qui [lui avaient] paru nécessaires ». L’exemplaire ici présenté est relié aux armes de Pierre-Daniel Huet (1630-1721) et est rendu très précieux par les notes de lecture qu’il y a laissées : éminent savant de l’Europe de son temps, doté d’une très vaste culture littéraire, historique et philosophique, Huet a marqué les passages qui l’ont le plus retenu par de nombreux soulignements dans le texte ou à sa marge, et développé aussi sa pensée dans des notes qui vont de brefs renvois bibliographiques à d’autres lectures jusqu’à des remarques critiques longues de plusieurs lignes.
Au-delà des faits historiques qu’il oppose ponctuellement à Pascal en puisant à son immense érudition, Huet, allant droit au cœur du projet apologétique des Pensées, s’intéresse surtout au mode d’affirmation propre à la foi chrétienne : de là l’attention qu’il prête aux passages relatifs aux prophéties bibliques comme preuves scripturaires et à la question générale des rapports de la foi et de la raison. Sa lecture exprime un point de vue fidéiste très affirmé : Huet relève chez Pascal toutes les formules d’humiliation de la raison qui soulignent l’impuissance de celle-ci à établir une vérité en matière de foi. La conviction d’une disjonction radicale de la foi et de la raison l’amène aussi à instruire une critique de l’argument du pari, dans lequel il décèle un reste de rationalisme : l’argumentation pascalienne soumet à juste titre la raison à la foi, mais elle « suppose que cette soumission même doit dépendre de la raison ; et il me semble au contraire que de soumettre la raison à la foi, est plutôt l’ouvrage de la foi que de la raison », note-t-il p. 48, face à l’un des fragments de la liasse « Soumission et usage de la raison » (S. 205). Pour Huet, toute affirmation de l’existence de Dieu dans laquelle la raison aurait quelque part, fût-elle réduite à parier faute de pouvoir démontrer, revient à nier son absolue transcendance.
Huet a inscrit la date du 23 février 1670 à la fin du volume. Elle se rapporte à l’acquisition du livre et non à sa lecture, qui, par l’unité d’écriture de l’annotation, paraît avoir été faite d’une traite et non par étapes successives. Or on relève parmi les notes une référence au second tome de la Recherche de la vérité de Malebranche, paru en 1675. Aussi la lecture de Huet est-elle sans doute contemporaine de la préparation de sa Demonstratio evangelica (1679), ouvrage qui partage avec les Pensées un même dessein d’apologie du christianisme mais, s’appuyant sur une histoire comparée des religions, le conduit selon des voies très différentes.
 
 

> partager
 
 

> l'image sur Gallica : page1, page2
 
 
 

 
> copier l'aperçu