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Extrait

La reporter rencontre une militante soviétique près de Moscou

Le Petit Parisien

Elle m’accueillit cordialement. Médiocre installation que la sienne et où, de nouveau et encore, je rencontrai la faim.
Voici comment :
Son enfant geignait derrière un rideau.
Elle me dit :
– Il ne peut pas s’habituer à la nourriture. Tenez, regardez ce que l’on donne dans les crèches…
Elle me tendit un récipient rempli d’un liquide qui sentait comme du chou cru. Elle ajouta :
– Les enfants souffrent beaucoup de la révolution.
Quand les pleurs cessèrent, elle me proposa :
– Mangeons nous-mêmes.
Nous nous assîmes en face d’une énorme bouilloire qu’elle avait rapportée de voyage et dont l’éclat blanc détonnait dans la terne ambiance. Elle prépara le thé, une assiettée de croûte de pain, un pot de beurre et quelques pommes sautées.
[…]
Le téléphone sonnait à chaque instant :
– Ce sont mes camarades qui savent que j’arrive de Lettonie et qui demandent à me voir. Elles espèrent attraper un peu de sucre et des biscottes. Mais je ne peux pas nourrir tout le monde !
Ces sonneries… autant d’appels de ventre vides.

Louise Weiss, Le Petit Parisien, 11 novembre 1921

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