Rembrandt graveur

2e état
© Biblioteca Nacional de Madrid
Petit buste de la mère de Rembrandt
2e état
La plaque, qui mesurait 65 x 65 mm, a été légèrement réduite en largeur, signée et datée. Le portrait, qui ne comportait que la tête et une partie du voile, est complété.
Le petit buste de 1628 est léger, lumineux. Le visage ne reflète plus la profonde tristesse du Portrait de la mère de Rembrandt à la bouche pincée et, même si la vieille femme nous donne également l'impression d'être plongée dans ses pensées, on entrevoit un sourire placide dans la commissure des lèvres. Rembrandt fait preuve d'une impressionnante maîtrise pour représenter, avec une grande économie de moyens, la légèreté du voile qui sert de coiffe à la vieille femme, ses cheveux blancs et sa peau luisante.
© Biblioteca Nacional de Madrid
Dans de nombreux cas, il est possible de reconstituer tout le processus de création d'une image et, à travers les épreuves successives que l'artiste tirait pour vérifier l'état d'avancement de son travail sur la planche, il semble que l'on puisse suivre comme avec ses yeux la progression de l'œuvre, que l'on puisse pénétrer ses états d'âme. On comprend pour quelle raison il travaille une zone de l'image plus qu'une autre, comment, à l'aide de deux traits d'un noir intense placés à un endroit précis, il parvient à modifier l'atmosphère ou l'espace, ou pour quelle raison certaines figures sont travaillées avec une extrême minutie à l'aide de tracés très fins, presque imperceptibles, tandis que d'autres se résument à des silhouettes parfois à peine ébauchées, sans manquer pour autant de présence physique. Dans d'autres cas, il est intéressant d'observer les images étonnamment différentes résultant du tirage d'une même planche sur papier chine, papier japon, parchemin ou papier européen. Rembrandt parvenait à créer des œuvres différentes lors du tirage, en encrant et en nettoyant la matrice à chaque fois de façon distincte, réalisant ainsi de véritables monotypes. Chacun de nous peut appréhender une estampe à sa manière, en fonction de ce qu'il cherche.
Tantôt ce qui nous intéresse au premier chef est le sujet qu'elle représente et les divers éléments qui composent l'image. Tantôt nous admirons l'habileté de la composition ou le jeu des lumières et des ombres, du blanc et du noir, et toute la variété des nuances, à moins que nous ne tentions d'identifier la technique utilisée par le graveur voire, s'il les a mélangées, de discerner celles qu'il a employées. En regardant attentivement les estampes de Rembrandt, nous constatons qu'à ces titres divers, elles constituent toujours des chefs-d'œuvre.
À la recherche de l'expressivité

Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre
1er état
Épreuve avec retouches à la pierre noire sur le rebord de pierre, qu'il a complété en traçant sur la droite deux pierres qui vont jusqu'au bord du papier ; il a également rajouté un pli au bonnet sur la droite et il a complété le bord inférieur du même côté, le distinguant des cheveux. Il existe d'autres épreuves du 1er état, également retouchées par Rembrandt. Au 2e état, la petite mèche sur le bord inférieur du bonnet sera effacée, laissant place à une ligne continue.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits parmi la multitude de ceux que grava Rembrandt. L'artiste est dans une période faste de sa vie. Il est célèbre, riche et heureux. Tout en lui évoque le bien-être, la prospérité et l'élégance. C'est le portrait, à la fois idéaliste et réaliste, d'un artiste en pleine possession de son art et de ses moyens.
Pour cette estampe, il s'inspira de deux portraits réalisés par des géants de la peinture : celui qui passait pour représenter l'Arioste, dû à Titien, auquel il emprunta l'idée de poser le bras sur une balustrade, et celui de l'auteur du très célèbre Livre du courtisan, Baldassare Castiglione, par Raphaël. Rembrandt fit une esquisse à la plume à partir de ce dernier lorsqu'il fut vendu aux enchères en 1639, à Amsterdam, et adjugé pour une somme fabuleuse au Juif portugais Alfonso López, qui possédait déjà le tableau de Titien. Marchand de bijoux et d'œuvres d'art, López s'était converti au christianisme et il était mandataire du roi de France.
Rembrandt fut certainement fasciné par ces deux peintures italiennes, même si, dans son autoportrait gravé, il introduisit des changements qui lui confèrent un caractère propre. Le plus manifeste, par rapport à celui de Titien, est qu'il est inversé et qu'au lieu de regarder le spectateur du coin de l'oil, avec hauteur, le sujet le regarde droit dans les yeux. En outre, il se trouve en plein air, car on aperçoit un peu de végétation le long de la balustrade sur laquelle il prend appui. S'écartant du portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, Rembrandt a placé le corps presque entièrement de profil et le visage de face, faisant ainsi de l'estampe une œuvre plus animée, de style totalement baroque. En modifiant la pose et la forme du couvre-chef, en inclinant le bonnet jusqu'à le rendre presque parallèle au col de la veste, il a fait riper vers la gauche la composition, qui prend une forme triangulaire, différente du rhomboïde de Raphaël. En 1640, l'artiste fit une version à l'huile, inversée, de ce portrait qui, d'une certaine manière ressemble davantage au tableau de Raphaël en ce que le bonnet est placé horizontalement et la chevelure plus courte.
La tenue de Rembrandt, digne d'un grand seigneur de la Renaissance, ainsi que ses sources, ont incité les experts à proposer diverses interprétations de cet autoportrait. Si l'on en croit Ackley et Dickey, il pourrait s'agir de la contribution de Rembrandt au débat concernant les artistes - simples artisans ou authentiques créateurs ? -, dans la même ligne que l'autoportait de Dürer qui est au Prado, à Madrid. Pour De Jongh et Chapman, l'artiste hollandais a voulu avec ce portrait prouver l'égalité, voire la supériorité de son art face à celui des grands maîtres italiens, en se prévalant des trois principes de la doctrine selon laquelle l'imitation de l'œuvre d'un artiste pris comme modèle pouvait être une translatio (imitation libre de son style), une imitatio (imitation dans le même style) ou une æmulatio (imitation améliorée du point de vue du style). Une autre hypothèse due à De Jongh, plus douteuse aux yeux de Pieter van Thiel, est qu'elle représente la position de Rembrandt sur un sujet fréquemment débattu à cette époque, la supériorité de la Peinture ou de la Littérature. L'artiste se serait ainsi comparé à l'un des plus grands poètes de la Renaissance, l'Arioste, sujet supposé du tableau de Titien. Barbara Welzel pense que cet autoportrait n'est pas seulement une représentation personnelle de Rembrandt, mais aussi celle de sa profession et de son identité d'artiste. Martín Royalton-Kisch note enfin que, si la comparaison ne semblait pas anachronique, on pourrait voir là un portrait romantique, en ce sens que Rembrandt donne de lui-même une image de fantaisie avec certaines réminiscences de ses héros de la Renaissance, non seulement les peintres italiens, mais aussi ceux des écoles du Nord, tels que Lucas de Leyde ou Dürer.
Il s'agit là d'une des meilleures pièces du fonds Rembrandt de la Biblioteca Nacional de España ; l'artiste soigna beaucoup le tirage, lavant la planche puis la revernissant de manière que l'estampe offrît de nombreuses nuances. Sur le blanc du papier se détache la figure admirablement gravée par des tailles d'une grande finesse soumises à une seconde morsure, afin d'obtenir des effets d'un noir très intense dans des zones déterminées, telles que les plis ou l'épaule. Comme c'est le cas dans tous les exemplaires que l'on connaît du 1er état de l'œuvre, l'artiste lui-même a indiqué par des traits de crayon son intention de continuer à travailler la planche à droite de la balustrade à laquelle s'appuie le sujet et il a arrondi, au crayon également, le profil trop oblique du bonnet vers la droite, lui ajoutant un pli supplémentaire.
© Biblioteca Nacional de Madrid
1er état |
© Biblioteca Nacional de Madrid
Rembrandt avait toujours une idée précise quand il s’asseyait devant une planche. Dans chaque cas, il se trouvait confronté à un problème spécifique, et le défi qu’il se lançait était de le résoudre avec les moyens variés à l’infini que lui offraient les techniques de la gravure, qu’il maîtrisait toutes à la perfection. Pour lui, chaque estampe correspondait à une nouvelle recherche, représentait une nouvelle avancée dans sa lutte incessante pour parvenir à la plus grande expressivité possible, au paroxysme de l’intensité. Voilà pourquoi chacune de ses estampes est différente, voilà pourquoi elles connurent un tel succès de son vivant, jamais démenti au cours des siècles, non seulement auprès des connaisseurs, mais aussi auprès de tous ceux qui viennent à les contempler. D’un point de vue iconographique, la plupart des images créées par Rembrandt, surtout dans sa maturité, ne ressemblent en rien à celles des graveurs de son temps, quel que soit leur genre. Nul graveur ne s’est analysé lui-même avec autant de profondeur et de sincérité que lui dans ses autoportraits, depuis les plus anciens, lorsqu’il se servait de son propre visage pour apprendre à représenter différentes expressions ou passions, jusqu’aux derniers, dans lesquels il livre avec une sincérité absolue son état d’âme du moment. Nul n’a voulu, ni su, traduire une expression aussi triste dans le regard que celle des épreuves du premier état de Rembrandt gravant ou dessinant près d’une fenêtre, œuvre de 1648. L’état suivant de cette planche montre un regard modifié, plus ferme, comme si l’artiste éprouvait une certaine honte d’avoir ainsi mis à nu son intimité, de s’être livré aux autres avec une telle sincérité. La gravure étant par définition reproduite à de nombreux exemplaires, il pouvait être préjudiciable à un artiste célèbre de laisser véhiculer l’image d’un homme triste et accablé.

Rembrandt gravant ou dessinant près d'une fenêtre
1er état
Avant la signature et la date. Seule la gravure du visage est vraiment achevée ; le corps, les mains et les papiers sur la table ne sont qu'esquissés. Les épaules et les plis de la veste ont été rehaussés à la pointe sèche très intense. On remarque le tracé antérieur, en partie effacé sous la main droite.
Réalisé neuf ans après Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre, il s'agit là de l'ultime grand autoportrait gravé de Rembrandt. Le contraste entre les deux œuvres est radical. Au lieu de se représenter dans une pose de grand seigneur afin d'impressionner le spectateur, il s'est placé dans son atelier, devant un miroir, en tenue de travail et il a gravé sur le cuivre ce qu'il voyait, de la manière la plus simple et la plus réaliste : un artiste en train de dessiner sur la planche ou sur le papier. Ce portrait permet de pénétrer au plus profond de son être. Son véritable but n'est pas de faire une œuvre d'art à visée commerciale, mais plutôt un exercice de réflexion et d'introspection. Rembrandt s'assied face à un miroir, il scrute son visage, celui d'un homme encore jeune (il est, à l'époque, âgé de quarante-deux ans), mais dont le regard et la bouche sont empreints de tristesse. Du moins apparaît-il ainsi dans les épreuves que l'on conserve du 1er état, car à partir du 2e, l'image est modifiée en vue de sa diffusion. Le portrait n'est plus uniquement destiné à son auteur, il est également pour le public : le regard devient plus intense, la bouche est fermée, volontaire. C'est là un portrait impressionnant par sa sobriété. Seule importe l'expression du visage, reflet sans doute des douloureux changements survenus dans son existence. Saskia est morte, il a un fils en bas âge ; deux autres femmes, Geertje Dirckx et Hendrickje Stoffels, s'occupent de l'enfant et jouent un rôle important dans sa propre vie. Financièrement, il est encore à l'aise, mais l'heure n'est plus au triomphe.
Stephanie S. Dickey établit une relation entre la composition de ce portrait et la représentation usuelle d'un homme d'études (écrivain, humaniste, sage, saint) en train d'écrire ou de lire dans son cabinet de travail, comme l'Érasme de Dürer. Ainsi Rembrandt mettrait en parallèle l'acte de dessiner ou graver et celui d'écrire, activités intellectuelles l'une et l'autre. L'image serait une métaphore visuelle de l'expression ut pictura poesis.
L'analyse des épreuves des différents états permet de suivre pas à pas le travail de Rembrandt sur la planche. Dans les épreuves du 1er état, dont ne sont conservés que de rares exemplaires, on voit comment il a modelé le visage par des tailles si délicates qu'elles sont à peine visibles, suffisantes toutefois pour permettre de jouer avec l'intensité des nuances. C'est aux tonalités et non pas aux lignes que l'on doit ce visage à la peau veloutée, marqué de petits bourrelets qui semblent onduler. La composition générale du portrait montre quatre plans nettement contrastés en fonction de l'intensité de la lumière : la fenêtre, par laquelle pénètre une clarté très vive ; le premier plan de la table sur laquelle est posé le livre qui lui sert de pupitre et la planche sur laquelle il grave, ou le papier sur lequel il dessine, fortement éclairés ; le corps de Rembrandt et, en dernier, le fond très obscur de la pièce, qui crée l'atmosphère et la profondeur. Avec la pointe sèche, il donne du volume aux formes, détachant la figure du fond, et, à l'aide de tailles très audacieuses sur les manches et les épaules, modèle le haut du buste. Dans cette épreuve, on apprécie nettement la différence entre les traits que la morsure de l'eau-forte laisse sur la planche et ceux, plus larges et veloutés, obtenus grâce à l'encre accumulée dans les "barbes" qui se forment par l'attaque directe du métal avec la pointe sèche.
Au 2e état, l'artiste a renforcé l'image entière par de nouvelles tailles. Les différentes techniques qu'il a employées (ajoutant aux précédentes des traits de burin sur le cou et la chemise) sont combinées et entremêlées de façon si experte qu'on a peine à les distinguer les unes des autres, à l'exception des tracés à la pointe sèche, qu'il a brunis avec soin de façon à ne laisser que quelques lignes fines indiquant les plis de sa robe de chambre. En obscurcissant le fond de la pièce, il permet à la figure de mieux se détacher et de gagner en consistance. Le changement le plus évident, en ce qui concerne le visage de Rembrandt, réside dans le regard et dans les lèvres, qu'il serre maintenant avec force, substituant un air plus décidé et plus réfléchi à l'expression de tristesse résignée qui caractérisait le 1er état. Dans l'élaboration de ce 2e état, le vernis qui protégeait la planche a dû se fendiller par endroits et, quand il l'a trempée dans l'acide, celui-ci l'a pénétrée par les fentes, corrodant le métal et produisant de petits traits irréguliers, que l'on aperçoit nettement à l'emplacement, très blanc, de la fenêtre. Il s'agit là du meilleur état de la planche, que Rembrandt signe et date.
Les deux épreuves du 2e état conservées à la Bibliothèque nationale de France, tirées l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon, prouvent l'intérêt de Rembrandt pour les divers effets qu'il pouvait obtenir en imprimant la même planche sur des papiers de texture et de couleur différentes. La première accentue la lumière qui entre par la fenêtre, éclairant les mains et le visage de l'artiste, ainsi que l'ouvrage auquel il est occupé ; l'épreuve sur papier japon doré accentue la pénombre qui enveloppe le sujet et, du même coup, l'impression de tristesse. L'état de la planche est le même, et pourtant les deux épreuves paraissent différentes.
Au 3e état, l'artiste a continué de couvrir toute la planche de tailles extrêmement fines, obscurcissant surtout la tête. Bien que la lumière pénétrant par la fenêtre soit la même, on croirait que Rembrandt est plongé dans l'obscurité de la pièce.
Au 4e état, l'artiste a fortement retouché la fenêtre, obscurcissant l'encadrement pour mieux le distinguer de l'extérieur, où apparaît maintenant un paysage gravé - afin de dissimuler les accidents dus aux craquelures du vernis survenues au 2e état. Le paysage, à peine esquissé, adoucit le côté dramatique que conférait à l'estampe la tache de lumière à laquelle il se substitue. L'artiste a modifié le dos du livre, gravant des nerfs sur la reliure. Il a également insisté davantage sur le costume de l'artiste ainsi que sur la feuille (ou la planche) sur laquelle il travaille. La joue droite a perdu de sa rondeur. De plus en plus s'accrédite l'idée que les états postérieurs au 3e ne sont plus de Rembrandt. Au 18e siècle, les nombreux tirages ayant contribué à la détérioration de la planche, Watelet la retoucha soigneusement à l'eau-forte et à la pointe sèche jusqu'à ce qu'elle retrouve, en apparence, la fraîcheur des premiers états. Toutefois, une étude attentive montre que les yeux, trop bien soulignés, sont très différents de ceux gravés par Rembrandt et que la joue droite est moins grasse.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits d'artiste jamais gravés. C'est l'exemple même de la gravure atteignant un degré de perfection proche de la peinture, grâce au talent d'un artiste de génie.
Bibliothèque nationale de France
1er état |
Bibliothèque nationale de France

Rembrandt gravant ou dessinant près d'une fenêtre
2e état
La signature et la date sont ajoutées sur une bande de toile en haut de la fenêtre. La main gauche est ombrée et la veste, le fond, la table, et d'autres parties sont gravées au burin pour achever la gravure. Il s'agit de l'état le plus parfait.
Deux épreuves, l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon doré.
Réalisé neuf ans après Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre, il s'agit là de l'ultime grand autoportrait gravé de Rembrandt. Le contraste entre les deux œuvres est radical. Au lieu de se représenter dans une pose de grand seigneur afin d'impressionner le spectateur, il s'est placé dans son atelier, devant un miroir, en tenue de travail et il a gravé sur le cuivre ce qu'il voyait, de la manière la plus simple et la plus réaliste : un artiste en train de dessiner sur la planche ou sur le papier. Ce portrait permet de pénétrer au plus profond de son être. Son véritable but n'est pas de faire une œuvre d'art à visée commerciale, mais plutôt un exercice de réflexion et d'introspection. Rembrandt s'assied face à un miroir, il scrute son visage, celui d'un homme encore jeune (il est, à l'époque, âgé de quarante-deux ans), mais dont le regard et la bouche sont empreints de tristesse. Du moins apparaît-il ainsi dans les épreuves que l'on conserve du 1er état, car à partir du 2e, l'image est modifiée en vue de sa diffusion. Le portrait n'est plus uniquement destiné à son auteur, il est également pour le public : le regard devient plus intense, la bouche est fermée, volontaire. C'est là un portrait impressionnant par sa sobriété. Seule importe l'expression du visage, reflet sans doute des douloureux changements survenus dans son existence. Saskia est morte, il a un fils en bas âge ; deux autres femmes, Geertje Dirckx et Hendrickje Stoffels, s'occupent de l'enfant et jouent un rôle important dans sa propre vie. Financièrement, il est encore à l'aise, mais l'heure n'est plus au triomphe.
Stephanie S. Dickey établit une relation entre la composition de ce portrait et la représentation usuelle d'un homme d'études (écrivain, humaniste, sage, saint) en train d'écrire ou de lire dans son cabinet de travail, comme l'Érasme de Dürer. Ainsi Rembrandt mettrait en parallèle l'acte de dessiner ou graver et celui d'écrire, activités intellectuelles l'une et l'autre. L'image serait une métaphore visuelle de l'expression ut pictura poesis.
L'analyse des épreuves des différents états permet de suivre pas à pas le travail de Rembrandt sur la planche. Dans les épreuves du 1er état, dont ne sont conservés que de rares exemplaires, on voit comment il a modelé le visage par des tailles si délicates qu'elles sont à peine visibles, suffisantes toutefois pour permettre de jouer avec l'intensité des nuances. C'est aux tonalités et non pas aux lignes que l'on doit ce visage à la peau veloutée, marqué de petits bourrelets qui semblent onduler. La composition générale du portrait montre quatre plans nettement contrastés en fonction de l'intensité de la lumière : la fenêtre, par laquelle pénètre une clarté très vive ; le premier plan de la table sur laquelle est posé le livre qui lui sert de pupitre et la planche sur laquelle il grave, ou le papier sur lequel il dessine, fortement éclairés ; le corps de Rembrandt et, en dernier, le fond très obscur de la pièce, qui crée l'atmosphère et la profondeur. Avec la pointe sèche, il donne du volume aux formes, détachant la figure du fond, et, à l'aide de tailles très audacieuses sur les manches et les épaules, modèle le haut du buste. Dans cette épreuve, on apprécie nettement la différence entre les traits que la morsure de l'eau-forte laisse sur la planche et ceux, plus larges et veloutés, obtenus grâce à l'encre accumulée dans les « barbes » qui se forment par l'attaque directe du métal avec la pointe sèche.
Au 2e état, l'artiste a renforcé l'image entière par de nouvelles tailles. Les différentes techniques qu'il a employées (ajoutant aux précédentes des traits de burin sur le cou et la chemise) sont combinées et entremêlées de façon si experte qu'on a peine à les distinguer les unes des autres, à l'exception des tracés à la pointe sèche, qu'il a brunis avec soin de façon à ne laisser que quelques lignes fines indiquant les plis de sa robe de chambre. En obscurcissant le fond de la pièce, il permet à la figure de mieux se détacher et de gagner en consistance. Le changement le plus évident, en ce qui concerne le visage de Rembrandt, réside dans le regard et dans les lèvres, qu'il serre maintenant avec force, substituant un air plus décidé et plus réfléchi à l'expression de tristesse résignée qui caractérisait le 1er état. Dans l'élaboration de ce 2e état, le vernis qui protégeait la planche a dû se fendiller par endroits et, quand il l'a trempée dans l'acide, celui-ci l'a pénétrée par les fentes, corrodant le métal et produisant de petits traits irréguliers, que l'on aperçoit nettement à l'emplacement, très blanc, de la fenêtre. Il s'agit là du meilleur état de la planche, que Rembrandt signe et date.
Les deux épreuves du 2e état conservées à la Bibliothèque nationale de France, tirées l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon, prouvent l'intérêt de Rembrandt pour les divers effets qu'il pouvait obtenir en imprimant la même planche sur des papiers de texture et de couleur différentes. La première accentue la lumière qui entre par la fenêtre, éclairant les mains et le visage de l'artiste, ainsi que l'ouvrage auquel il est occupé ; l'épreuve sur papier japon doré accentue la pénombre qui enveloppe le sujet et, du même coup, l'impression de tristesse. L'état de la planche est le même, et pourtant les deux épreuves paraissent différentes.
Au 3e état, l'artiste a continué de couvrir toute la planche de tailles extrêmement fines, obscurcissant surtout la tête. Bien que la lumière pénétrant par la fenêtre soit la même, on croirait que Rembrandt est plongé dans l'obscurité de la pièce.
Au 4e état, l'artiste a fortement retouché la fenêtre, obscurcissant l'encadrement pour mieux le distinguer de l'extérieur, où apparaît maintenant un paysage gravé - afin de dissimuler les accidents dus aux craquelures du vernis survenues au 2e état. Le paysage, à peine esquissé, adoucit le côté dramatique que conférait à l'estampe la tache de lumière à laquelle il se substitue. L'artiste a modifié le dos du livre, gravant des nerfs sur la reliure. Il a également insisté davantage sur le costume de l'artiste ainsi que sur la feuille (ou la planche) sur laquelle il travaille. La joue droite a perdu de sa rondeur. De plus en plus s'accrédite l'idée que les états postérieurs au 3e ne sont plus de Rembrandt. Au 18e siècle, les nombreux tirages ayant contribué à la détérioration de la planche, Watelet la retoucha soigneusement à l'eau-forte et à la pointe sèche jusqu'à ce qu'elle retrouve, en apparence, la fraîcheur des premiers états. Toutefois, une étude attentive montre que les yeux, trop bien soulignés, sont très différents de ceux gravés par Rembrandt et que la joue droite est moins grasse.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits d'artiste jamais gravés. C'est l'exemple même de la gravure atteignant un degré de perfection proche de la peinture, grâce au talent d'un artiste de génie.
Bibliothèque nationale de France
2e état |
Bibliothèque nationale de France

Rembrandt gravant ou dessinant près d'une fenêtre
3e état
La main droite a été ombrée et l'ombre de la partie droite du vêtement intensifiée par des tailles parallèles.
Réalisé neuf ans après Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre, il s'agit là de l'ultime grand autoportrait gravé de Rembrandt. Le contraste entre les deux œuvres est radical. Au lieu de se représenter dans une pose de grand seigneur afin d'impressionner le spectateur, il s'est placé dans son atelier, devant un miroir, en tenue de travail et il a gravé sur le cuivre ce qu'il voyait, de la manière la plus simple et la plus réaliste : un artiste en train de dessiner sur la planche ou sur le papier. Ce portrait permet de pénétrer au plus profond de son être. Son véritable but n'est pas de faire une œuvre d'art à visée commerciale, mais plutôt un exercice de réflexion et d'introspection. Rembrandt s'assied face à un miroir, il scrute son visage, celui d'un homme encore jeune (il est, à l'époque, âgé de quarante-deux ans), mais dont le regard et la bouche sont empreints de tristesse. Du moins apparaît-il ainsi dans les épreuves que l'on conserve du 1er état, car à partir du 2e, l'image est modifiée en vue de sa diffusion. Le portrait n'est plus uniquement destiné à son auteur, il est également pour le public : le regard devient plus intense, la bouche est fermée, volontaire. C'est là un portrait impressionnant par sa sobriété. Seule importe l'expression du visage, reflet sans doute des douloureux changements survenus dans son existence. Saskia est morte, il a un fils en bas âge ; deux autres femmes, Geertje Dirckx et Hendrickje Stoffels, s'occupent de l'enfant et jouent un rôle important dans sa propre vie. Financièrement, il est encore à l'aise, mais l'heure n'est plus au triomphe.
Stephanie S. Dickey établit une relation entre la composition de ce portrait et la représentation usuelle d'un homme d'études (écrivain, humaniste, sage, saint) en train d'écrire ou de lire dans son cabinet de travail, comme l'Érasme de Dürer. Ainsi Rembrandt mettrait en parallèle l'acte de dessiner ou graver et celui d'écrire, activités intellectuelles l'une et l'autre. L'image serait une métaphore visuelle de l'expression ut pictura poesis.
L'analyse des épreuves des différents états permet de suivre pas à pas le travail de Rembrandt sur la planche. Dans les épreuves du 1er état, dont ne sont conservés que de rares exemplaires, on voit comment il a modelé le visage par des tailles si délicates qu'elles sont à peine visibles, suffisantes toutefois pour permettre de jouer avec l'intensité des nuances. C'est aux tonalités et non pas aux lignes que l'on doit ce visage à la peau veloutée, marqué de petits bourrelets qui semblent onduler. La composition générale du portrait montre quatre plans nettement contrastés en fonction de l'intensité de la lumière : la fenêtre, par laquelle pénètre une clarté très vive ; le premier plan de la table sur laquelle est posé le livre qui lui sert de pupitre et la planche sur laquelle il grave, ou le papier sur lequel il dessine, fortement éclairés ; le corps de Rembrandt et, en dernier, le fond très obscur de la pièce, qui crée l'atmosphère et la profondeur. Avec la pointe sèche, il donne du volume aux formes, détachant la figure du fond, et, à l'aide de tailles très audacieuses sur les manches et les épaules, modèle le haut du buste. Dans cette épreuve, on apprécie nettement la différence entre les traits que la morsure de l'eau-forte laisse sur la planche et ceux, plus larges et veloutés, obtenus grâce à l'encre accumulée dans les « barbes » qui se forment par l'attaque directe du métal avec la pointe sèche.
Au 2e état, l'artiste a renforcé l'image entière par de nouvelles tailles. Les différentes techniques qu'il a employées (ajoutant aux précédentes des traits de burin sur le cou et la chemise) sont combinées et entremêlées de façon si experte qu'on a peine à les distinguer les unes des autres, à l'exception des tracés à la pointe sèche, qu'il a brunis avec soin de façon à ne laisser que quelques lignes fines indiquant les plis de sa robe de chambre. En obscurcissant le fond de la pièce, il permet à la figure de mieux se détacher et de gagner en consistance. Le changement le plus évident, en ce qui concerne le visage de Rembrandt, réside dans le regard et dans les lèvres, qu'il serre maintenant avec force, substituant un air plus décidé et plus réfléchi à l'expression de tristesse résignée qui caractérisait le 1er état. Dans l'élaboration de ce 2e état, le vernis qui protégeait la planche a dû se fendiller par endroits et, quand il l'a trempée dans l'acide, celui-ci l'a pénétrée par les fentes, corrodant le métal et produisant de petits traits irréguliers, que l'on aperçoit nettement à l'emplacement, très blanc, de la fenêtre. Il s'agit là du meilleur état de la planche, que Rembrandt signe et date.
Les deux épreuves du 2e état conservées à la Bibliothèque nationale de France, tirées l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon, prouvent l'intérêt de Rembrandt pour les divers effets qu'il pouvait obtenir en imprimant la même planche sur des papiers de texture et de couleur différentes. La première accentue la lumière qui entre par la fenêtre, éclairant les mains et le visage de l'artiste, ainsi que l'ouvrage auquel il est occupé ; l'épreuve sur papier japon doré accentue la pénombre qui enveloppe le sujet et, du même coup, l'impression de tristesse. L'état de la planche est le même, et pourtant les deux épreuves paraissent différentes.
Au 3e état, l'artiste a continué de couvrir toute la planche de tailles extrêmement fines, obscurcissant surtout la tête. Bien que la lumière pénétrant par la fenêtre soit la même, on croirait que Rembrandt est plongé dans l'obscurité de la pièce.
Au 4e état, l'artiste a fortement retouché la fenêtre, obscurcissant l'encadrement pour mieux le distinguer de l'extérieur, où apparaît maintenant un paysage gravé - afin de dissimuler les accidents dus aux craquelures du vernis survenues au 2e état. Le paysage, à peine esquissé, adoucit le côté dramatique que conférait à l'estampe la tache de lumière à laquelle il se substitue. L'artiste a modifié le dos du livre, gravant des nerfs sur la reliure. Il a également insisté davantage sur le costume de l'artiste ainsi que sur la feuille (ou la planche) sur laquelle il travaille. La joue droite a perdu de sa rondeur. De plus en plus s'accrédite l'idée que les états postérieurs au 3e ne sont plus de Rembrandt. Au 18e siècle, les nombreux tirages ayant contribué à la détérioration de la planche, Watelet la retoucha soigneusement à l'eau-forte et à la pointe sèche jusqu'à ce qu'elle retrouve, en apparence, la fraîcheur des premiers états. Toutefois, une étude attentive montre que les yeux, trop bien soulignés, sont très différents de ceux gravés par Rembrandt et que la joue droite est moins grasse.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits d'artiste jamais gravés. C'est l'exemple même de la gravure atteignant un degré de perfection proche de la peinture, grâce au talent d'un artiste de génie.
Bibliothèque nationale de France
3e état |
Bibliothèque nationale de France

Rembrandt gravant ou dessinant près d'une fenêtre
4e état
Un paysage dans la fenêtre a été rajouté et des traits croisés ajoutés sur l'encadrement. La veste a été retouchée, y compris à la pointe sèche. La signature a été effacée
Réalisé neuf ans après Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre, il s'agit là de l'ultime grand autoportrait gravé de Rembrandt. Le contraste entre les deux œuvres est radical. Au lieu de se représenter dans une pose de grand seigneur afin d'impressionner le spectateur, il s'est placé dans son atelier, devant un miroir, en tenue de travail et il a gravé sur le cuivre ce qu'il voyait, de la manière la plus simple et la plus réaliste : un artiste en train de dessiner sur la planche ou sur le papier. Ce portrait permet de pénétrer au plus profond de son être. Son véritable but n'est pas de faire une œuvre d'art à visée commerciale, mais plutôt un exercice de réflexion et d'introspection. Rembrandt s'assied face à un miroir, il scrute son visage, celui d'un homme encore jeune (il est, à l'époque, âgé de quarante-deux ans), mais dont le regard et la bouche sont empreints de tristesse. Du moins apparaît-il ainsi dans les épreuves que l'on conserve du 1er état, car à partir du 2e, l'image est modifiée en vue de sa diffusion. Le portrait n'est plus uniquement destiné à son auteur, il est également pour le public : le regard devient plus intense, la bouche est fermée, volontaire. C'est là un portrait impressionnant par sa sobriété. Seule importe l'expression du visage, reflet sans doute des douloureux changements survenus dans son existence. Saskia est morte, il a un fils en bas âge ; deux autres femmes, Geertje Dirckx et Hendrickje Stoffels, s'occupent de l'enfant et jouent un rôle important dans sa propre vie. Financièrement, il est encore à l'aise, mais l'heure n'est plus au triomphe.
Stephanie S. Dickey établit une relation entre la composition de ce portrait et la représentation usuelle d'un homme d'études (écrivain, humaniste, sage, saint) en train d'écrire ou de lire dans son cabinet de travail, comme l'Érasme de Dürer. Ainsi Rembrandt mettrait en parallèle l'acte de dessiner ou graver et celui d'écrire, activités intellectuelles l'une et l'autre. L'image serait une métaphore visuelle de l'expression ut pictura poesis.
L'analyse des épreuves des différents états permet de suivre pas à pas le travail de Rembrandt sur la planche. Dans les épreuves du 1er état, dont ne sont conservés que de rares exemplaires, on voit comment il a modelé le visage par des tailles si délicates qu'elles sont à peine visibles, suffisantes toutefois pour permettre de jouer avec l'intensité des nuances. C'est aux tonalités et non pas aux lignes que l'on doit ce visage à la peau veloutée, marqué de petits bourrelets qui semblent onduler. La composition générale du portrait montre quatre plans nettement contrastés en fonction de l'intensité de la lumière : la fenêtre, par laquelle pénètre une clarté très vive ; le premier plan de la table sur laquelle est posé le livre qui lui sert de pupitre et la planche sur laquelle il grave, ou le papier sur lequel il dessine, fortement éclairés ; le corps de Rembrandt et, en dernier, le fond très obscur de la pièce, qui crée l'atmosphère et la profondeur. Avec la pointe sèche, il donne du volume aux formes, détachant la figure du fond, et, à l'aide de tailles très audacieuses sur les manches et les épaules, modèle le haut du buste. Dans cette épreuve, on apprécie nettement la différence entre les traits que la morsure de l'eau-forte laisse sur la planche et ceux, plus larges et veloutés, obtenus grâce à l'encre accumulée dans les « barbes » qui se forment par l'attaque directe du métal avec la pointe sèche.
Au 2e état, l'artiste a renforcé l'image entière par de nouvelles tailles. Les différentes techniques qu'il a employées (ajoutant aux précédentes des traits de burin sur le cou et la chemise) sont combinées et entremêlées de façon si experte qu'on a peine à les distinguer les unes des autres, à l'exception des tracés à la pointe sèche, qu'il a brunis avec soin de façon à ne laisser que quelques lignes fines indiquant les plis de sa robe de chambre. En obscurcissant le fond de la pièce, il permet à la figure de mieux se détacher et de gagner en consistance. Le changement le plus évident, en ce qui concerne le visage de Rembrandt, réside dans le regard et dans les lèvres, qu'il serre maintenant avec force, substituant un air plus décidé et plus réfléchi à l'expression de tristesse résignée qui caractérisait le 1er état. Dans l'élaboration de ce 2e état, le vernis qui protégeait la planche a dû se fendiller par endroits et, quand il l'a trempée dans l'acide, celui-ci l'a pénétrée par les fentes, corrodant le métal et produisant de petits traits irréguliers, que l'on aperçoit nettement à l'emplacement, très blanc, de la fenêtre. Il s'agit là du meilleur état de la planche, que Rembrandt signe et date.
Les deux épreuves du 2e état conservées à la Bibliothèque nationale de France, tirées l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon, prouvent l'intérêt de Rembrandt pour les divers effets qu'il pouvait obtenir en imprimant la même planche sur des papiers de texture et de couleur différentes. La première accentue la lumière qui entre par la fenêtre, éclairant les mains et le visage de l'artiste, ainsi que l'ouvrage auquel il est occupé ; l'épreuve sur papier japon doré accentue la pénombre qui enveloppe le sujet et, du même coup, l'impression de tristesse. L'état de la planche est le même, et pourtant les deux épreuves paraissent différentes.
Au 3e état, l'artiste a continué de couvrir toute la planche de tailles extrêmement fines, obscurcissant surtout la tête. Bien que la lumière pénétrant par la fenêtre soit la même, on croirait que Rembrandt est plongé dans l'obscurité de la pièce.
Au 4e état, l'artiste a fortement retouché la fenêtre, obscurcissant l'encadrement pour mieux le distinguer de l'extérieur, où apparaît maintenant un paysage gravé - afin de dissimuler les accidents dus aux craquelures du vernis survenues au 2e état. Le paysage, à peine esquissé, adoucit le côté dramatique que conférait à l'estampe la tache de lumière à laquelle il se substitue. L'artiste a modifié le dos du livre, gravant des nerfs sur la reliure. Il a également insisté davantage sur le costume de l'artiste ainsi que sur la feuille (ou la planche) sur laquelle il travaille. La joue droite a perdu de sa rondeur. De plus en plus s'accrédite l'idée que les états postérieurs au 3e ne sont plus de Rembrandt. Au 18e siècle, les nombreux tirages ayant contribué à la détérioration de la planche, Watelet la retoucha soigneusement à l'eau-forte et à la pointe sèche jusqu'à ce qu'elle retrouve, en apparence, la fraîcheur des premiers états. Toutefois, une étude attentive montre que les yeux, trop bien soulignés, sont très différents de ceux gravés par Rembrandt et que la joue droite est moins grasse.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits d'artiste jamais gravés. C'est l'exemple même de la gravure atteignant un degré de perfection proche de la peinture, grâce au talent d'un artiste de génie.
Bibliothèque nationale de France
4e état |
Bibliothèque nationale de France

Rembrandt gravant ou dessinant près d'une fenêtre
5e état
Le profil de la joue droite a été modelé par des tailles verticales. Les retouches de l'état précédent se distinguent encore mais elles sont plus ténues. Le ton du visage a été éclairci au brunissoir.
Réalisé neuf ans après Rembrandt appuyé sur un rebord de pierre, il s'agit là de l'ultime grand autoportrait gravé de Rembrandt. Le contraste entre les deux œuvres est radical. Au lieu de se représenter dans une pose de grand seigneur afin d'impressionner le spectateur, il s'est placé dans son atelier, devant un miroir, en tenue de travail et il a gravé sur le cuivre ce qu'il voyait, de la manière la plus simple et la plus réaliste : un artiste en train de dessiner sur la planche ou sur le papier. Ce portrait permet de pénétrer au plus profond de son être. Son véritable but n'est pas de faire une œuvre d'art à visée commerciale, mais plutôt un exercice de réflexion et d'introspection. Rembrandt s'assied face à un miroir, il scrute son visage, celui d'un homme encore jeune (il est, à l'époque, âgé de quarante-deux ans), mais dont le regard et la bouche sont empreints de tristesse. Du moins apparaît-il ainsi dans les épreuves que l'on conserve du 1er état, car à partir du 2e, l'image est modifiée en vue de sa diffusion. Le portrait n'est plus uniquement destiné à son auteur, il est également pour le public : le regard devient plus intense, la bouche est fermée, volontaire. C'est là un portrait impressionnant par sa sobriété. Seule importe l'expression du visage, reflet sans doute des douloureux changements survenus dans son existence. Saskia est morte, il a un fils en bas âge ; deux autres femmes, Geertje Dirckx et Hendrickje Stoffels, s'occupent de l'enfant et jouent un rôle important dans sa propre vie. Financièrement, il est encore à l'aise, mais l'heure n'est plus au triomphe.
Stephanie S. Dickey établit une relation entre la composition de ce portrait et la représentation usuelle d'un homme d'études (écrivain, humaniste, sage, saint) en train d'écrire ou de lire dans son cabinet de travail, comme l'Érasme de Dürer. Ainsi Rembrandt mettrait en parallèle l'acte de dessiner ou graver et celui d'écrire, activités intellectuelles l'une et l'autre. L'image serait une métaphore visuelle de l'expression ut pictura poesis.
L'analyse des épreuves des différents états permet de suivre pas à pas le travail de Rembrandt sur la planche. Dans les épreuves du 1er état, dont ne sont conservés que de rares exemplaires, on voit comment il a modelé le visage par des tailles si délicates qu'elles sont à peine visibles, suffisantes toutefois pour permettre de jouer avec l'intensité des nuances. C'est aux tonalités et non pas aux lignes que l'on doit ce visage à la peau veloutée, marqué de petits bourrelets qui semblent onduler. La composition générale du portrait montre quatre plans nettement contrastés en fonction de l'intensité de la lumière : la fenêtre, par laquelle pénètre une clarté très vive ; le premier plan de la table sur laquelle est posé le livre qui lui sert de pupitre et la planche sur laquelle il grave, ou le papier sur lequel il dessine, fortement éclairés ; le corps de Rembrandt et, en dernier, le fond très obscur de la pièce, qui crée l'atmosphère et la profondeur. Avec la pointe sèche, il donne du volume aux formes, détachant la figure du fond, et, à l'aide de tailles très audacieuses sur les manches et les épaules, modèle le haut du buste. Dans cette épreuve, on apprécie nettement la différence entre les traits que la morsure de l'eau-forte laisse sur la planche et ceux, plus larges et veloutés, obtenus grâce à l'encre accumulée dans les « barbes » qui se forment par l'attaque directe du métal avec la pointe sèche.
Au 2e état, l'artiste a renforcé l'image entière par de nouvelles tailles. Les différentes techniques qu'il a employées (ajoutant aux précédentes des traits de burin sur le cou et la chemise) sont combinées et entremêlées de façon si experte qu'on a peine à les distinguer les unes des autres, à l'exception des tracés à la pointe sèche, qu'il a brunis avec soin de façon à ne laisser que quelques lignes fines indiquant les plis de sa robe de chambre. En obscurcissant le fond de la pièce, il permet à la figure de mieux se détacher et de gagner en consistance. Le changement le plus évident, en ce qui concerne le visage de Rembrandt, réside dans le regard et dans les lèvres, qu'il serre maintenant avec force, substituant un air plus décidé et plus réfléchi à l'expression de tristesse résignée qui caractérisait le 1er état. Dans l'élaboration de ce 2e état, le vernis qui protégeait la planche a dû se fendiller par endroits et, quand il l'a trempée dans l'acide, celui-ci l'a pénétrée par les fentes, corrodant le métal et produisant de petits traits irréguliers, que l'on aperçoit nettement à l'emplacement, très blanc, de la fenêtre. Il s'agit là du meilleur état de la planche, que Rembrandt signe et date.
Les deux épreuves du 2e état conservées à la Bibliothèque nationale de France, tirées l'une sur papier européen et l'autre sur papier japon, prouvent l'intérêt de Rembrandt pour les divers effets qu'il pouvait obtenir en imprimant la même planche sur des papiers de texture et de couleur différentes. La première accentue la lumière qui entre par la fenêtre, éclairant les mains et le visage de l'artiste, ainsi que l'ouvrage auquel il est occupé ; l'épreuve sur papier japon doré accentue la pénombre qui enveloppe le sujet et, du même coup, l'impression de tristesse. L'état de la planche est le même, et pourtant les deux épreuves paraissent différentes.
Au 3e état, l'artiste a continué de couvrir toute la planche de tailles extrêmement fines, obscurcissant surtout la tête. Bien que la lumière pénétrant par la fenêtre soit la même, on croirait que Rembrandt est plongé dans l'obscurité de la pièce.
Au 4e état, l'artiste a fortement retouché la fenêtre, obscurcissant l'encadrement pour mieux le distinguer de l'extérieur, où apparaît maintenant un paysage gravé - afin de dissimuler les accidents dus aux craquelures du vernis survenues au 2e état. Le paysage, à peine esquissé, adoucit le côté dramatique que conférait à l'estampe la tache de lumière à laquelle il se substitue. L'artiste a modifié le dos du livre, gravant des nerfs sur la reliure. Il a également insisté davantage sur le costume de l'artiste ainsi que sur la feuille (ou la planche) sur laquelle il travaille. La joue droite a perdu de sa rondeur. De plus en plus s'accrédite l'idée que les états postérieurs au 3e ne sont plus de Rembrandt. Au 18e siècle, les nombreux tirages ayant contribué à la détérioration de la planche, Watelet la retoucha soigneusement à l'eau-forte et à la pointe sèche jusqu'à ce qu'elle retrouve, en apparence, la fraîcheur des premiers états. Toutefois, une étude attentive montre que les yeux, trop bien soulignés, sont très différents de ceux gravés par Rembrandt et que la joue droite est moins grasse.
Il s'agit là d'un des meilleurs autoportraits d'artiste jamais gravés. C'est l'exemple même de la gravure atteignant un degré de perfection proche de la peinture, grâce au talent d'un artiste de génie.
Bibliothèque nationale de France
5e état |
Bibliothèque nationale de France
En changeant l’expression de ses yeux, en intensifiant la force du regard, en rendant plus énergique son visage qui se détache sur le fond obscur de la pièce, Rembrandt donne au spectateur une image de lui-même très différente de l’état précédent, ainsi que de son autoportait réalisé neuf ans plus tôt, où il apparaissait rayonnant, fort et sûr de lui. Son visage aux traits ordinaires, sinon grossiers, sa tenue négligée et le dépouillement du décor indiquent un homme solitaire qui travaille enfermé dans son univers intérieur. Ce changement subtil dans l’expression des yeux qui modifie l’essence même du portrait ne se remarque que si l’on compare avec la plus grande attention les épreuves des deux premiers états de la planche à partir d’épreuves d’aussi excellente qualité que celles de la Bibliothèque nationale de France. Cela suppose également un exercice de concentration et de réflexion de la part du spectateur qui le conduit à s’identifier à l’artiste et, d’une certaine façon, participer au processus de création de l’œuvre en reconnaissant les étapes qui l’ont formée et transformée. Toutefois, cela ne concerne pas uniquement le cas de l’autoportrait ici mentionné. En effet, si l’on étudie les états successifs des portraits d’autres personnages, on constate un phénomène similaire. Au premier état, pour lequel Rembrandt commençait souvent à dessiner directement sur la planche sans qu’apparemment il y eût un dessin antérieur, l’expression des visages, et surtout des yeux, est beaucoup plus sincère et révélatrice que celle de l’état définitif.

Pieter Haaringh le Jeune
1er état
Avant la tringle du rideau au-dessus de la fenêtre, rajoutée au 2e état, et le tableau représentant un paysage, rajouté au 3e état et qui sera effacé au 4e état. La planche, découpée au 5e état, sera conservée en deux parties, celle de la zone centrale, comportant le buste, et celle qui comporte le chapeau et les mains.
Pieter Haaringh (1609-1685), dit Haaringh « le Jeune » pour le différencier de son cousin Thomas Jacobsz, « l'Ancien », était responsable des ventes aux enchères privées à Amsterdam et, pour cette raison, il supervisa celles que Rembrandt lui-même organisa en décembre 1655 et janvier 1656 lorsqu'il décida de vendre ses biens afin de d'éviter la ruine totale pour insolvabilité. Le résultat escompté n'ayant pas été obtenu, ses collections d'œuvres d'art et la quasi-totalité de ses biens furent mis aux enchères dans les années qui suivirent, mais cette fois sous le marteau de Haaringh « l'Ancien ».
Différant totalement, dans sa conception, du portrait européen traditionnel, le portrait de Pieter Haaringh est l'un des plus impressionnants du maître hollandais. Le visage, triste et austère, admirablement modelé, se détache de l'obscurité ambiante de la pièce, éclairé par un jour timide qui filtre à travers la résille de plomb d'une fenêtre.
Le col blanc de la chemise, qui se détache avec force du fond presque noir de l'estampe, concentre et renvoie la lumière sur la partie droite du visage. Les traits fins, le grand front, la petite bouche, le menton étroit et les yeux tristes dénotent un personnage sensible, manquant d'assurance, qui semble se protéger du monde extérieur ou, peut-être, se sentir prisonnier.
En la gravant exclusivement à la pointe sèche et au burin, sans recourir à l'eau-forte, Rembrandt a obtenu une estampe pratiquement noire dans les premières épreuves, sur lesquelles on distingue à peine le corps de Haaringh. Dans le portrait de Jan Six, il était parvenu à créer cette même atmosphère d'obscurité profonde en se servant pour base de l'eau-forte, retouchée au burin et à la pointe sèche. Cette fois, il a recours à la pointe sèche, très appréciée pour ses effets veloutés, comme technique principale. Rembrandt participa activement à la recherche de moyens permettant de reproduire l'obscurité ambiante dans les estampes, en combinant les différentes techniques qu'il connaissait. Il ne se servit sans doute pas de la manière noire, que l'on avait pourtant déjà commencé à utiliser, parce qu'elle exigeait un travail préparatoire consistant à « bercer » entièrement la planche, tâche à la fois délicate et ennuyeuse.
Cet exemplaire du portrait de Pieter Haaringh de la Bibliothèque nationale de France, tiré sur papier japon de ton doré, est d'une qualité exceptionnelle. Il s'agit d'une des toutes premières épreuves du 1er état, dans laquelle les petites barbes de métal, déterminées par l'attaque à la pointe, sont encore presque intactes et ont retenu beaucoup d'encre, donnant, à l'impression, une image d'un noir uniforme, intense et velouté. À cela vient s'ajouter la qualité du papier japon, qui retient l'encre d'une façon différente de celle du papier européen, produisant un effet peut-être moins brillant et moins contrasté, mais beaucoup plus mystérieux. Ce portrait est un autre des chefs-d'œuvre de l'histoire du portrait gravé dans lequel la technique est mise au service de la représentation psychologique du personnage, le sondant avec une étonnante profondeur.
Au 2e état, non seulement l'artiste rajoute une tringle de rideau à mi-hauteur de la fenêtre pour mieux intégrer sa forme allongée, mais encore il éclaircit le jour qui pénètre par celle-ci, éclairant davantage le visage du sujet. Il modifie également l'expression de Haaringh, qui a les yeux plus sombres et le regard plus ferme.
Au 3e état, dans lequel la planche était déjà très usée, Rembrandt a gravé un tableau avec un paysage à l'arrière-plan. Un exemplaire de la Biblioteca nacional de España porte, au verso, l'inscription den afslager Haring myn Outoom A°1662 (le marchand Haring, mon oncle, année 1662).
La planche, déjà très abîmée, se scinda en plusieurs fragments qui furent imprimés séparément. Le plus connu est celui du buste de Haaringh, mais il reste aussi des impressions du coin inférieur gauche où apparaît la main qui tient le chapeau et, sur cette main, le profil d'un personnage.
L'épreuve est signée et datée à droite, dans la fenêtre, de manière à peine lisible, « Rembrandt f. 1655 » (le 6 inversé).
Bibliothèque nationale de France
1er état |
Bibliothèque nationale de France
À cet égard, un exemple pourrait être celui de Pieter Haaringh, dit Le Jeune Haaringh, un des portraits gravés les plus impressionnants du 17e siècle, tant dans sa conception que par son exécution. Le personnage est plongé dans une obscurité presque totale, de sorte que toute l’attention se porte sur son visage aux traits délicats, éclairé en partie par la lumière provenant d’une fenêtre grillagée. Les yeux et la bouche dénotent une grande mélancolie, en harmonie avec l’obscurité de la pièce. La texture particulière et le ton doré du papier japon de l’épreuve contribuent à ce que l’encre des barbes du cuivre, laissées par la pointe sèche sur la planche, crée une image d’un noir intense et velouté, d’une troublante profondeur. Cette sensation se perd dans les épreuves des états suivants, à mesure que le travail à la pointe sèche s’émousse jusqu’à disparaître. Non seulement l’image s’éclaircit, rendant plus visible le schématisme de la composition, mais les yeux, qui avaient dû souffrir des tirages successifs, ont dû être retravaillés et changent d’expression. Ils fixent désormais le spectateur avec plus de fermeté, mais sans doute moins de sincérité.
Regards

Clément de Jonghe
1er état
Eau-forte pure. Les traces de polissage de la planche produisent un effet de ton semblable au ton de surface.
Clément de Jonghe (1624 / 1625 - 1677), éditeur et marchand de cartes, livres et estampes, avait pignon sur rue à Amsterdam depuis 1646. Un inventaire de ses biens, établi en 1679, deux ans après sa mort, fait état de soixante-quatorze planches gravées par Rembrandt parmi lesquelles, curieusement, ne figure pas celle de ce portrait. Cette particularité a donné à croire que l'œuvre n'avait pas été identifiée, l'image ne comportant aucun objet qui eût permis de rattacher le personnage à sa profession. Voûte y a reconnu Jan Six, mais Hinterding a localisé en 1993 un exemplaire à la Pierpont Morgan Library (New York) portant une inscription de Mariette de 1668 qui l'identifiait comme de Jonghe et qui suggérait que la planche appartenait peut-être à la famille, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas figuré parmi les biens relevant de son commerce.
On peut considérer ce portrait comme l'opposé de celui de Jan Six. Si ce dernier était représenté debout, un peu éloigné, dans l'obscurité de son bureau, entouré de ses objets favoris et plongé dans ses réflexions, de Jonghe, lui, apparaît assis, sans aucune affectation, en plein jour, au premier plan et dans une mise en scène si dépouillée de tout détail susceptible de fournir la moindre indication sur sa personnalité, son travail ou ses goûts qu'elle a posé les problèmes d'identification signalés plus haut.
On dirait que Rembrandt a voulu montrer qu'il était possible, en travaillant à la pointe, à l'acide et au burin sur une plaque de métal, d'obtenir une image aussi vivante et aussi naturelle que s'il l'avait dessinée au crayon sur papier. En se servant de tailles très simples, et de quelques touches de pointe sèche pour accentuer les volumes et la profondeur, le maître hollandais a réalisé une nouvelle fois un chef-d'œuvre de la gravure.
Cette posture et ce cadrage, déjà utilisés dans des portraits officiels par les peintres vénitiens du 16e siècle tels que Titien, le Tintoret ou Véronèse, est peu habituelle chez Rembrandt. On peut affirmer avec une quasi-certitude que l'artiste s'est inspiré d'une estampe de l'Iconographie de Van Dyck publiée en 1646, à savoir le portrait du peintre manchot Martin Ryckaert. Sans aucun élément qui détourne l'attention du spectateur, d'une extrême sobriété, l'imposante silhouette de de Jonghe et son visage qui change selon les divers états de la planche permettent d'établir une relation unique, à la fois distante et proche, entre le personnage et le graveur, qui rappelle celle des portraits photographiques.
Le traitement des étoffes est d'une extraordinaire simplicité et l'artiste parvient à des résultats étonnants par le seul entrecroisement très libre des tailles. Ici Rembrandt n'a pas cherché d'effets picturaux de clair-obscur ni de nuances, mais il a eu recours à une technique entièrement propre au dessin, très éloignée de la manière orthodoxe des graveurs professionnels. Avec la pointe sèche, il parvient à renforcer le volume et à donner davantage de consistance aux tissus.
Les six états de la planche varient entre eux de façon notable, mais dans des zones précises. Au 1er état, de Jonghe semble esquisser un sourire à la commissure des lèvres. Les yeux sont très différents l'un de l'autre : l'oil droit regarde franchement le graveur, tandis que le gauche, mi-clos, semble l'épier avec méfiance.
Au 2e état, le regard est songeur. À l'aide du burin et de la pointe sèche, Rembrandt obscurcit le chapeau, créant ainsi une zone d'ombre sur les yeux, et il accentue le contraste des deux côtés du visage en obscurcissant la partie gauche. Il précise davantage le nez et la bouche, dont les lèvres sont maintenant plus épaisses et ne sourient plus. L'oil gauche est agrandi. Du fait de ces modifications, le visage de de Jonghe acquiert plus de personnalité, et la silhouette plus de volume grâce au renforcement des bords de la cape et à l'assombrissement du fauteuil.
Au 3e état, de Jonghe a un regard glacial. L'artiste a voulu réduire à nouveau la taille de la pupille gauche et, comme il a accentué uniformément l'ombre du côté droit du visage, celui-ci a perdu force et mystère. On voit apparaître un arc délimitant la partie supérieure.
Au 4e état, le visage s'éclaircit à nouveau sous le chapeau. Rembrandt a beaucoup accentué à la pointe sèche l'ombre sur le côté gauche de la silhouette pour donner l'impression que de Jonghe s'appuie davantage sur son bras droit. Toute la composition semble se déplacer de ce côté. On notera aussi qu'en accentuant les bords ainsi que les plis de la cape et le vêtement, il donne au corps plus de volume.
Le jeu changeant des yeux et de la bouche du personnage a incité les collectionneurs à tenter de se procurer des épreuves des divers états de la planche (ce qui était peut-être l'intention de Rembrandt), états qui, d'après l'étude des filigranes du papier, furent imprimés en un laps de temps très bref.
Bibliothèque nationale de France
1er état |
Bibliothèque nationale de France

Clément de Jonghe
2e état
Eau-forte, pointe sèche et burin. Des ombres soutenues au burin et à la pointe sèche dans la partie inférieure du chapeau assombrissent les yeux et le visage. La pupille de l'oil droit est agrandie et la lèvre supérieure précisée par une ondulation. De légères touches d'ombre sur le côté droit du fauteuil ainsi que sur les plis et les bords de la cape sont ajoutés à la pointe sèche.
Clément de Jonghe (1624 / 1625 - 1677), éditeur et marchand de cartes, livres et estampes, avait pignon sur rue à Amsterdam depuis 1646. Un inventaire de ses biens, établi en 1679, deux ans après sa mort, fait état de soixante-quatorze planches gravées par Rembrandt parmi lesquelles, curieusement, ne figure pas celle de ce portrait. Cette particularité a donné à croire que l'œuvre n'avait pas été identifiée, l'image ne comportant aucun objet qui eût permis de rattacher le personnage à sa profession. Voûte y a reconnu Jan Six, mais Hinterding a localisé en 1993 un exemplaire à la Pierpont Morgan Library (New York) portant une inscription de Mariette de 1668 qui l'identifiait comme de Jonghe et qui suggérait que la planche appartenait peut-être à la famille, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas figuré parmi les biens relevant de son commerce.
On peut considérer ce portrait comme l'opposé de celui de Jan Six. Si ce dernier était représenté debout, un peu éloigné, dans l'obscurité de son bureau, entouré de ses objets favoris et plongé dans ses réflexions, de Jonghe, lui, apparaît assis, sans aucune affectation, en plein jour, au premier plan et dans une mise en scène si dépouillée de tout détail susceptible de fournir la moindre indication sur sa personnalité, son travail ou ses goûts qu'elle a posé les problèmes d'identification signalés plus haut.
On dirait que Rembrandt a voulu montrer qu'il était possible, en travaillant à la pointe, à l'acide et au burin sur une plaque de métal, d'obtenir une image aussi vivante et aussi naturelle que s'il l'avait dessinée au crayon sur papier. En se servant de tailles très simples, et de quelques touches de pointe sèche pour accentuer les volumes et la profondeur, le maître hollandais a réalisé une nouvelle fois un chef-d'œuvre de la gravure.
Cette posture et ce cadrage, déjà utilisés dans des portraits officiels par les peintres vénitiens du 16e siècle tels que Titien, le Tintoret ou Véronèse, est peu habituelle chez Rembrandt. On peut affirmer avec une quasi-certitude que l'artiste s'est inspiré d'une estampe de l'Iconographie de Van Dyck publiée en 1646, à savoir le portrait du peintre manchot Martin Ryckaert. Sans aucun élément qui détourne l'attention du spectateur, d'une extrême sobriété, l'imposante silhouette de de Jonghe et son visage qui change selon les divers états de la planche permettent d'établir une relation unique, à la fois distante et proche, entre le personnage et le graveur, qui rappelle celle des portraits photographiques.
Le traitement des étoffes est d'une extraordinaire simplicité et l'artiste parvient à des résultats étonnants par le seul entrecroisement très libre des tailles. Ici Rembrandt n'a pas cherché d'effets picturaux de clair-obscur ni de nuances, mais il a eu recours à une technique entièrement propre au dessin, très éloignée de la manière orthodoxe des graveurs professionnels. Avec la pointe sèche, il parvient à renforcer le volume et à donner davantage de consistance aux tissus.
Les six états de la planche varient entre eux de façon notable, mais dans des zones précises. Au 1er état, de Jonghe semble esquisser un sourire à la commissure des lèvres. Les yeux sont très différents l'un de l'autre : l'oil droit regarde franchement le graveur, tandis que le gauche, mi-clos, semble l'épier avec méfiance.
Au 2e état, le regard est songeur. À l'aide du burin et de la pointe sèche, Rembrandt obscurcit le chapeau, créant ainsi une zone d'ombre sur les yeux, et il accentue le contraste des deux côtés du visage en obscurcissant la partie gauche. Il précise davantage le nez et la bouche, dont les lèvres sont maintenant plus épaisses et ne sourient plus. L'oil gauche est agrandi. Du fait de ces modifications, le visage de de Jonghe acquiert plus de personnalité, et la silhouette plus de volume grâce au renforcement des bords de la cape et à l'assombrissement du fauteuil.
Au 3e état, de Jonghe a un regard glacial. L'artiste a voulu réduire à nouveau la taille de la pupille gauche et, comme il a accentué uniformément l'ombre du côté droit du visage, celui-ci a perdu force et mystère. On voit apparaître un arc délimitant la partie supérieure.
Au 4e état, le visage s'éclaircit à nouveau sous le chapeau. Rembrandt a beaucoup accentué à la pointe sèche l'ombre sur le côté gauche de la silhouette pour donner l'impression que de Jonghe s'appuie davantage sur son bras droit. Toute la composition semble se déplacer de ce côté. On notera aussi qu'en accentuant les bords ainsi que les plis de la cape et le vêtement, il donne au corps plus de volume.
Le jeu changeant des yeux et de la bouche du personnage a incité les collectionneurs à tenter de se procurer des épreuves des divers états de la planche (ce qui était peut-être l'intention de Rembrandt), états qui, d'après l'étude des filigranes du papier, furent imprimés en un laps de temps très bref.
© Biblioteca Nacional de Madrid
2e état |
© Biblioteca Nacional de Madrid

Clément de Jonghe
3e état
Un arceau, indiqué seulement par de légers traits de pointe sèche, encadre le personnage dans la partie supérieure. Quelques ombres sont ajoutées sur le visage et la taille de l'oil, qu'il avait agrandi à l'état précédent, est à nouveau réduite. Les ombres au-dessous des pointes du col sont intensifiées.
Clément de Jonghe (1624 / 1625 - 1677), éditeur et marchand de cartes, livres et estampes, avait pignon sur rue à Amsterdam depuis 1646. Un inventaire de ses biens, établi en 1679, deux ans après sa mort, fait état de soixante-quatorze planches gravées par Rembrandt parmi lesquelles, curieusement, ne figure pas celle de ce portrait. Cette particularité a donné à croire que l'œuvre n'avait pas été identifiée, l'image ne comportant aucun objet qui eût permis de rattacher le personnage à sa profession. Voûte y a reconnu Jan Six, mais Hinterding a localisé en 1993 un exemplaire à la Pierpont Morgan Library (New York) portant une inscription de Mariette de 1668 qui l'identifiait comme de Jonghe et qui suggérait que la planche appartenait peut-être à la famille, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas figuré parmi les biens relevant de son commerce.
On peut considérer ce portrait comme l'opposé de celui de Jan Six. Si ce dernier était représenté debout, un peu éloigné, dans l'obscurité de son bureau, entouré de ses objets favoris et plongé dans ses réflexions, de Jonghe, lui, apparaît assis, sans aucune affectation, en plein jour, au premier plan et dans une mise en scène si dépouillée de tout détail susceptible de fournir la moindre indication sur sa personnalité, son travail ou ses goûts qu'elle a posé les problèmes d'identification signalés plus haut.
On dirait que Rembrandt a voulu montrer qu'il était possible, en travaillant à la pointe, à l'acide et au burin sur une plaque de métal, d'obtenir une image aussi vivante et aussi naturelle que s'il l'avait dessinée au crayon sur papier. En se servant de tailles très simples, et de quelques touches de pointe sèche pour accentuer les volumes et la profondeur, le maître hollandais a réalisé une nouvelle fois un chef-d'œuvre de la gravure.
Cette posture et ce cadrage, déjà utilisés dans des portraits officiels par les peintres vénitiens du 16e siècle tels que Titien, le Tintoret ou Véronèse, est peu habituelle chez Rembrandt. On peut affirmer avec une quasi-certitude que l'artiste s'est inspiré d'une estampe de l'Iconographie de Van Dyck publiée en 1646, à savoir le portrait du peintre manchot Martin Ryckaert. Sans aucun élément qui détourne l'attention du spectateur, d'une extrême sobriété, l'imposante silhouette de de Jonghe et son visage qui change selon les divers états de la planche permettent d'établir une relation unique, à la fois distante et proche, entre le personnage et le graveur, qui rappelle celle des portraits photographiques.
Le traitement des étoffes est d'une extraordinaire simplicité et l'artiste parvient à des résultats étonnants par le seul entrecroisement très libre des tailles. Ici Rembrandt n'a pas cherché d'effets picturaux de clair-obscur ni de nuances, mais il a eu recours à une technique entièrement propre au dessin, très éloignée de la manière orthodoxe des graveurs professionnels. Avec la pointe sèche, il parvient à renforcer le volume et à donner davantage de consistance aux tissus.
Les six états de la planche varient entre eux de façon notable, mais dans des zones précises. Au 1er état, de Jonghe semble esquisser un sourire à la commissure des lèvres. Les yeux sont très différents l'un de l'autre : l'oil droit regarde franchement le graveur, tandis que le gauche, mi-clos, semble l'épier avec méfiance.
Au 2e état, le regard est songeur. À l'aide du burin et de la pointe sèche, Rembrandt obscurcit le chapeau, créant ainsi une zone d'ombre sur les yeux, et il accentue le contraste des deux côtés du visage en obscurcissant la partie gauche. Il précise davantage le nez et la bouche, dont les lèvres sont maintenant plus épaisses et ne sourient plus. L'oil gauche est agrandi. Du fait de ces modifications, le visage de de Jonghe acquiert plus de personnalité, et la silhouette plus de volume grâce au renforcement des bords de la cape et à l'assombrissement du fauteuil.
Au 3e état, de Jonghe a un regard glacial. L'artiste a voulu réduire à nouveau la taille de la pupille gauche et, comme il a accentué uniformément l'ombre du côté droit du visage, celui-ci a perdu force et mystère. On voit apparaître un arc délimitant la partie supérieure.
Au 4e état, le visage s'éclaircit à nouveau sous le chapeau. Rembrandt a beaucoup accentué à la pointe sèche l'ombre sur le côté gauche de la silhouette pour donner l'impression que de Jonghe s'appuie davantage sur son bras droit. Toute la composition semble se déplacer de ce côté. On notera aussi qu'en accentuant les bords ainsi que les plis de la cape et le vêtement, il donne au corps plus de volume.
Le jeu changeant des yeux et de la bouche du personnage a incité les collectionneurs à tenter de se procurer des épreuves des divers états de la planche (ce qui était peut-être l'intention de Rembrandt), états qui, d'après l'étude des filigranes du papier, furent imprimés en un laps de temps très bref.
Bibliothèque nationale de France
3e état |
Bibliothèque nationale de France

Clément de Jonghe
4e état
L'arceau est complété à l'eau-forte et, dans la partie gauche, une forme qui ressemble à des branches a été gravée. Les plis et les contours du vêtement et de la cape ont été renforcés.
Clément de Jonghe (1624 / 1625 - 1677), éditeur et marchand de cartes, livres et estampes, avait pignon sur rue à Amsterdam depuis 1646. Un inventaire de ses biens, établi en 1679, deux ans après sa mort, fait état de soixante-quatorze planches gravées par Rembrandt parmi lesquelles, curieusement, ne figure pas celle de ce portrait. Cette particularité a donné à croire que l'œuvre n'avait pas été identifiée, l'image ne comportant aucun objet qui eût permis de rattacher le personnage à sa profession. Voûte y a reconnu Jan Six, mais Hinterding a localisé en 1993 un exemplaire à la Pierpont Morgan Library (New York) portant une inscription de Mariette de 1668 qui l'identifiait comme de Jonghe et qui suggérait que la planche appartenait peut-être à la famille, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas figuré parmi les biens relevant de son commerce.
On peut considérer ce portrait comme l'opposé de celui de Jan Six. Si ce dernier était représenté debout, un peu éloigné, dans l'obscurité de son bureau, entouré de ses objets favoris et plongé dans ses réflexions, de Jonghe, lui, apparaît assis, sans aucune affectation, en plein jour, au premier plan et dans une mise en scène si dépouillée de tout détail susceptible de fournir la moindre indication sur sa personnalité, son travail ou ses goûts qu'elle a posé les problèmes d'identification signalés plus haut.
On dirait que Rembrandt a voulu montrer qu'il était possible, en travaillant à la pointe, à l'acide et au burin sur une plaque de métal, d'obtenir une image aussi vivante et aussi naturelle que s'il l'avait dessinée au crayon sur papier. En se servant de tailles très simples, et de quelques touches de pointe sèche pour accentuer les volumes et la profondeur, le maître hollandais a réalisé une nouvelle fois un chef-d'œuvre de la gravure.
Cette posture et ce cadrage, déjà utilisés dans des portraits officiels par les peintres vénitiens du 16e siècle tels que Titien, le Tintoret ou Véronèse, est peu habituelle chez Rembrandt. On peut affirmer avec une quasi-certitude que l'artiste s'est inspiré d'une estampe de l'Iconographie de Van Dyck publiée en 1646, à savoir le portrait du peintre manchot Martin Ryckaert. Sans aucun élément qui détourne l'attention du spectateur, d'une extrême sobriété, l'imposante silhouette de de Jonghe et son visage qui change selon les divers états de la planche permettent d'établir une relation unique, à la fois distante et proche, entre le personnage et le graveur, qui rappelle celle des portraits photographiques.
Le traitement des étoffes est d'une extraordinaire simplicité et l'artiste parvient à des résultats étonnants par le seul entrecroisement très libre des tailles. Ici Rembrandt n'a pas cherché d'effets picturaux de clair-obscur ni de nuances, mais il a eu recours à une technique entièrement propre au dessin, très éloignée de la manière orthodoxe des graveurs professionnels. Avec la pointe sèche, il parvient à renforcer le volume et à donner davantage de consistance aux tissus.
Les six états de la planche varient entre eux de façon notable, mais dans des zones précises. Au 1er état, de Jonghe semble esquisser un sourire à la commissure des lèvres. Les yeux sont très différents l'un de l'autre : l'oil droit regarde franchement le graveur, tandis que le gauche, mi-clos, semble l'épier avec méfiance.
Au 2e état, le regard est songeur. À l'aide du burin et de la pointe sèche, Rembrandt obscurcit le chapeau, créant ainsi une zone d'ombre sur les yeux, et il accentue le contraste des deux côtés du visage en obscurcissant la partie gauche. Il précise davantage le nez et la bouche, dont les lèvres sont maintenant plus épaisses et ne sourient plus. L'oil gauche est agrandi. Du fait de ces modifications, le visage de de Jonghe acquiert plus de personnalité, et la silhouette plus de volume grâce au renforcement des bords de la cape et à l'assombrissement du fauteuil.
Au 3e état, de Jonghe a un regard glacial. L'artiste a voulu réduire à nouveau la taille de la pupille gauche et, comme il a accentué uniformément l'ombre du côté droit du visage, celui-ci a perdu force et mystère. On voit apparaître un arc délimitant la partie supérieure.
Au 4e état, le visage s'éclaircit à nouveau sous le chapeau. Rembrandt a beaucoup accentué à la pointe sèche l'ombre sur le côté gauche de la silhouette pour donner l'impression que de Jonghe s'appuie davantage sur son bras droit. Toute la composition semble se déplacer de ce côté. On notera aussi qu'en accentuant les bords ainsi que les plis de la cape et le vêtement, il donne au corps plus de volume.
Le jeu changeant des yeux et de la bouche du personnage a incité les collectionneurs à tenter de se procurer des épreuves des divers états de la planche (ce qui était peut-être l'intention de Rembrandt), états qui, d'après l'étude des filigranes du papier, furent imprimés en un laps de temps très bref.
Bibliothèque nationale de France
4e état |
Bibliothèque nationale de France
Les changements dans le regard deviennent presque un jeu dans les six états du portrait de Clément de Jonghe. Sous l’ombre du chapeau, le regard du marchand d’estampes varie d’un état à l’autre de la planche, comme s’il avait posé à plusieurs reprises, son humeur variant selon les jours. Au premier état, il observe franchement l’artiste / spectateur, l’air scrutateur et quelque peu méfiant ; au deuxième, il a un regard pensif ; au troisième, il a les yeux mi-clos et son regard paraît plus froid, plus distant, alors que dans les états précédents, il était fixe, direct. Dans la plupart des portraits de Rembrandt et particulièrement dans celui-ci, on remarque une nette différence entre les deux yeux, phénomène fréquent dans le visage humain, que l’artiste met à profit pour donner plus d’expression au visage. Dans le cas de de Jonghe, il grave et regrave chaque œil séparément, les agrandissant, les ouvrant, les fermant et les exposant plus ou moins à la lumière. Les subtils changements dans l’éclairage des deux côtés du visage, l’augmentation progressive de l’intensité du noir du chapeau, qui joue un rôle très important dans les variations de l’ensemble, les touches légères à la pointe sèche, en des endroits très limités mais fondamentaux, visant à donner du volume à l’imposante figure, tout témoigne de l’extraordinaire talent de Rembrandt, qui, avec une planche de cuivre, une pointe et de l’acide peut représenter d’une manière à peine perceptible, mais néanmoins réelle, les subtils changements d’humeur et d’attitude d’un personnage.

Petit buste de la mère de Rembrandt
2e état
La plaque, qui mesurait 65 x 65 mm, a été légèrement réduite en largeur, signée et datée. Le portrait, qui ne comportait que la tête et une partie du voile, est complété.
Le petit buste de 1628 est léger, lumineux. Le visage ne reflète plus la profonde tristesse du Portrait de la mère de Rembrandt à la bouche pincée et, même si la vieille femme nous donne également l'impression d'être plongée dans ses pensées, on entrevoit un sourire placide dans la commissure des lèvres. Rembrandt fait preuve d'une impressionnante maîtrise pour représenter, avec une grande économie de moyens, la légèreté du voile qui sert de coiffe à la vieille femme, ses cheveux blancs et sa peau luisante.
© Biblioteca Nacional de Madrid
2e état |
© Biblioteca Nacional de Madrid
Si l’on observe les visages qui apparaissent dans les tableaux de Rembrandt, on s’aperçoit de l’infinie variété de leurs regards. Rembrandt étudie chacun d’entre eux et en fait l’élément fondamental qui caractérise chaque personnage. Il en est de même dans ses estampes. Rembrandt fut capable, dès le début de sa carrière de graveur, de concrétiser dans ses portraits le plus profond de la personnalité qui se cache derrière le visage des êtres humains. Certains portraits, comme ceux de sa mère, montrent la sérénité que l’on atteint avec l’âge, tandis qu’on peut déceler dans ceux de son père la résignation et l’acceptation de la mort. Des premiers portraits qu’il fit de son épouse émane une sensation de sécurité, alors que dans les derniers prédomine la douleur. Dans ses autoportraits, il passe du triomphe à la tristesse, ou se montre impénétrable. Il sut aussi représenter les personnalités très diverses du milieu bourgeois dans lequel il vivait, hommes d’Église, avocats, fonctionnaires, commerçants, médecins ou simples amis. Il eut également la chance de pouvoir compter sur des collectionneurs d’estampes capables d’apprécier et d’admirer son talent exceptionnel, qui recherchaient fiévreusement ses estampes pour ne manquer aucune des subtiles variantes qu’il y introduisait.
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