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Clément de Jonghe
4e état

Clément de Jonghe
4e état
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L'arceau est complété à l'eau-forte et, dans la partie gauche, une forme qui ressemble à des branches a été gravée. Les plis et les contours du vêtement et de la cape ont été renforcés.

Clément de Jonghe (1624 / 1625 - 1677), éditeur et marchand de cartes, livres et estampes, avait pignon sur rue à Amsterdam depuis 1646. Un inventaire de ses biens, établi en 1679, deux ans après sa mort, fait état de soixante-quatorze planches gravées par Rembrandt parmi lesquelles, curieusement, ne figure pas celle de ce portrait. Cette particularité a donné à croire que l'œuvre n'avait pas été identifiée, l'image ne comportant aucun objet qui eût permis de rattacher le personnage à sa profession. Voûte y a reconnu Jan Six, mais Hinterding a localisé en 1993 un exemplaire à la Pierpont Morgan Library (New York) portant une inscription de Mariette de 1668 qui l'identifiait comme de Jonghe et qui suggérait que la planche appartenait peut-être à la famille, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas figuré parmi les biens relevant de son commerce.
On peut considérer ce portrait comme l'opposé de celui de Jan Six. Si ce dernier était représenté debout, un peu éloigné, dans l'obscurité de son bureau, entouré de ses objets favoris et plongé dans ses réflexions, de Jonghe, lui, apparaît assis, sans aucune affectation, en plein jour, au premier plan et dans une mise en scène si dépouillée de tout détail susceptible de fournir la moindre indication sur sa personnalité, son travail ou ses goûts qu'elle a posé les problèmes d'identification signalés plus haut.
On dirait que Rembrandt a voulu montrer qu'il était possible, en travaillant à la pointe, à l'acide et au burin sur une plaque de métal, d'obtenir une image aussi vivante et aussi naturelle que s'il l'avait dessinée au crayon sur papier. En se servant de tailles très simples, et de quelques touches de pointe sèche pour accentuer les volumes et la profondeur, le maître hollandais a réalisé une nouvelle fois un chef-d'œuvre de la gravure.
Cette posture et ce cadrage, déjà utilisés dans des portraits officiels par les peintres vénitiens du 16e siècle tels que Titien, le Tintoret ou Véronèse, est peu habituelle chez Rembrandt. On peut affirmer avec une quasi-certitude que l'artiste s'est inspiré d'une estampe de l'Iconographie de Van Dyck publiée en 1646, à savoir le portrait du peintre manchot Martin Ryckaert. Sans aucun élément qui détourne l'attention du spectateur, d'une extrême sobriété, l'imposante silhouette de de Jonghe et son visage qui change selon les divers états de la planche permettent d'établir une relation unique, à la fois distante et proche, entre le personnage et le graveur, qui rappelle celle des portraits photographiques.
Le traitement des étoffes est d'une extraordinaire simplicité et l'artiste parvient à des résultats étonnants par le seul entrecroisement très libre des tailles. Ici Rembrandt n'a pas cherché d'effets picturaux de clair-obscur ni de nuances, mais il a eu recours à une technique entièrement propre au dessin, très éloignée de la manière orthodoxe des graveurs professionnels. Avec la pointe sèche, il parvient à renforcer le volume et à donner davantage de consistance aux tissus.
Les six états de la planche varient entre eux de façon notable, mais dans des zones précises. Au 1er état, de Jonghe semble esquisser un sourire à la commissure des lèvres. Les yeux sont très différents l'un de l'autre : l'oil droit regarde franchement le graveur, tandis que le gauche, mi-clos, semble l'épier avec méfiance.
Au 2e état, le regard est songeur. À l'aide du burin et de la pointe sèche, Rembrandt obscurcit le chapeau, créant ainsi une zone d'ombre sur les yeux, et il accentue le contraste des deux côtés du visage en obscurcissant la partie gauche. Il précise davantage le nez et la bouche, dont les lèvres sont maintenant plus épaisses et ne sourient plus. L'oil gauche est agrandi. Du fait de ces modifications, le visage de de Jonghe acquiert plus de personnalité, et la silhouette plus de volume grâce au renforcement des bords de la cape et à l'assombrissement du fauteuil.
Au 3e état, de Jonghe a un regard glacial. L'artiste a voulu réduire à nouveau la taille de la pupille gauche et, comme il a accentué uniformément l'ombre du côté droit du visage, celui-ci a perdu force et mystère. On voit apparaître un arc délimitant la partie supérieure.
Au 4e état, le visage s'éclaircit à nouveau sous le chapeau. Rembrandt a beaucoup accentué à la pointe sèche l'ombre sur le côté gauche de la silhouette pour donner l'impression que de Jonghe s'appuie davantage sur son bras droit. Toute la composition semble se déplacer de ce côté. On notera aussi qu'en accentuant les bords ainsi que les plis de la cape et le vêtement, il donne au corps plus de volume.
Le jeu changeant des yeux et de la bouche du personnage a incité les collectionneurs à tenter de se procurer des épreuves des divers états de la planche (ce qui était peut-être l'intention de Rembrandt), états qui, d'après l'étude des filigranes du papier, furent imprimés en un laps de temps très bref.

Bibliothèque nationale de France
 

  • Date
    Signé et daté en bas à droite Rembrandt f. 1651
  • Auteur(es)
    Rembrandt (1606-1669). Peintre, graveur et dessinateur
     
  • Description technique
    Six états.
    Eau-forte, pointe sèche et burin 207 x 161 mm.
     
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, Rés. Cb-13a

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmz5vhjxpj9w2