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L’Antiquité dans les dessins de la Renaissance

Cerbère avec trois têtes, de chien, de lion et de loup
Cerbère avec trois têtes, de chien, de lion et de loup

Bibliothèque nationale de France

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Le culte de l’Antiquité gréco-romaine est l’une des principales caractéristiques de l’art de la Renaissance. La référence à cette culture est prédominante, et tout jugement esthétique est déterminé par ses valeurs et ses canons artistiques. Un trait que l’on retrouve aussi bien dans le dessin de paysage que dans celui des ornements.

Les Antiquités de Rome

Des découvertes archéologiques

Vénus Médicis
Vénus Médicis |

Bibliothèque nationale de France

La redécouverte massive et systématique de la culture classique, apanage d’une minorité de clercs savants peu de temps auparavant, explique et suscite l’engouement des artistes, des érudits et des puissants pour les fouilles archéologiques menées à partir du 15e siècle à Rome, la Ville éternelle qui fascine par la majesté de ses ruines antiques. Les premiers antiquaires recherchent avec passion les vestiges de la civilisation classique, l’architecture et la sculpture en constituant des témoignages éloquents et tangibles, tandis que les humanistes se livrent à une quête effrénée des textes de la littérature gréco-romaine, que l’on redécouvre alors.


À la Renaissance, chez les érudits à la curiosité universelle, recherches archéologiques et artistiques vont souvent de pair avec les études philologiques et littéraires. Des chefs-d’œuvre, qui ornaient, dans l’Antiquité, jardins et villas romaines, restés longtemps ensevelis, sont exhumés de toute part : le groupe des Trois Grâces et l’Apollon du Belvédère sont découverts à la fin du 15e siècle, le Laocoon en 1506, sous le pontificat de Jules II, puis l’Hermès, l’Hercule Farnèse en 1540, le Taureau Farnèse en 1546, le Vase Borghèse en 1569 dans les jardins de Salluste... Pour abriter ces prestigieuses trouvailles, papes, mécènes, prélats et princes romains constituent et mettent en scène dans leurs palais de superbes collections d’antiques que des amateurs viennent visiter. À la suite de son séjour romain, ému par le spectacle grandiose des ruines antiques et par les ravages du temps, Joachim Du Bellay publie, en 1558, un recueil de sonnets les Antiquités de Rome, où il célèbre la grandeur et la gloire passées de la ville impériale.

Le voyage à Rome

Qui voudra voir tout ce qu'ont peu nature,
L'art et le ciel, Rome, te vienne voir

Joachim du Bellay, Les Antiquités de Rome, 1er livre, 1558.

Le voyage à Rome devient alors une étape obligée dans la carrière d’un artiste, qui s’exerce en copiant les monuments antiques et les sculptures que l’on met au jour. La pratique des relevés archéologiques et des dessins d’architectures et de sculptures antiques remonte à cette époque : peintres, graveurs, sculpteurs et architectes dessinent les vestiges des édifices romains, en tracent les plans, en relèvent les inscriptions, effectuent parfois même des reconstitutions.

L’arc de Constantin
L’arc de Constantin |

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L’arc de Septime Sévère, vu depuis le Forum
L’arc de Septime Sévère, vu depuis le Forum |

Bibliothèque nationale de France

Constituant un répertoire de modèles et de types pour les artistes, ces dessins des vestiges antiques et ces relevés d’inscriptions répondent aussi à une volonté de sauvegarder au moins la mémoire de monuments qui risquent de disparaître, à une époque où l’on construit des édifices en prenant leurs pierres aux anciens et où l’archéologie n’est pas encore scientifique ; on recherche avant tout dans le sol des trésors pour agrémenter des collections. Les riches amateurs et les princes d’Europe se passionnent pour les chefs-d’œuvre de l’Antiquité, qu’ils acquièrent ou font copier : François Ier rassemble ainsi, à Fontainebleau, une collection de statues antiques et fait exécuter par le Primatice quantité de moulages de marbres.

Dessins de ruines romaines

Le département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France conserve un bel ensemble de dessins d’artistes du 16e siècle figurant les vestiges de la Rome antique : monuments en ruines, sculptures, vases. La plupart de ces œuvres sont dues à des peintres des écoles du Nord. Nombreux furent en effet les artiste flamands et hollandais de la Renaissance qui allèrent chercher leur inspiration au-delà des Alpes. Parmi ceux-ci, on peut citer notamment Jan Gossaert (1478-1535), Jan Van Scorel (1495-1562), Maarten Van Heemskerck (1498-1574), Lambert Lombart (1506-1566), Jérôme Cock (1507-1570), Frans Floris (1520-1570), Hendrick Van Cleve (vers 1525-1589) et Matthijs Bril (1550-1583).

Le Colisée, vue extérieure prise du côté sud
Le Colisée, vue extérieure prise du côté sud |

Bibliothèque nationale de France

Cette série de ruines romaines, a été réalisée par maître flamand, qui représenta, lors d’un séjour effectué à Rome vers 1550, notamment les arcs de Septime Sévère et de Constantin, le Forum et le Colisée, monument grandiose qui exerça une influence très nette sur l’architecture de la Renaissance. Ces dessins, très fidèles, ont tour à tour été attribués à deux peintres, graveurs et dessinateurs anversois, Jérôme Cock et Hendrick Van Cleve.

Le Colisée, vue d’ensemble
Le Colisée, vue d’ensemble |

Bibliothèque nationale de France

Les dessins de la collection de sculptures que le cardinal della Valle avait réunie dans la cour intérieure de son palais rendent comptent de ces cours d’antiques qui se développaient alors à Rome et attiraient de nombreux visiteurs.

Cour des antiques du cardinal della Valle : vue de la partie gauche
Cour des antiques du cardinal della Valle : vue de la partie gauche |

Bibliothèque nationale de France

Cour des antiques du cardinal della Valle
Cour des antiques du cardinal della Valle |

Bibliothèque nationale de France

L’album du sculpteur rémois, Pierre Jacques (1520-1596), figurant les sculptures gréco-romaines qu’il avait pu voir à Rome dans les années 1572-1577, donne un aperçu des grandes collections romaines de marbres antiques constituées à la Renaissance, complété par les dessins de vases antiques que Fabri de Peiresc (1580-1637), humaniste et antiquaire, rassembla pour son cabinet de curiosités. Cet ensemble de dessins d’antiquités romaines – monuments, sculptures, objets ornementaux – permet ainsi de mettre en lumière l’une des sources d’inspiration privilégiée des artistes de la Renaissance.

Dessin d’après des sculptures des jardins Carpi : Enfant à l’oie (statue)
Dessin d’après des sculptures des jardins Carpi : Enfant à l’oie (statue) |

Bibliothèque nationale de France

Dessin d'après des sculptures des jardins Carpi : Vénus au bain (bas-relief)
Dessin d'après des sculptures des jardins Carpi : Vénus au bain (bas-relief) |

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Des ornements à l’antique

Les sources d’inspiration

La fascination de la Renaissance pour l’Antiquité et le culte qui fut alors porté aux valeurs classiques se manifestèrent notamment par l’élaboration d’un répertoire ornemental inspiré des motifs décoratifs gréco-romains. Les moulages, les dessins et les gravures des sculptures, des fresques et des vestiges que l’on mettait au jour diffusèrent la connaissance de l’art antique et permirent son imitation. À la fin du 15e siècle, lors de fouilles menées près du Colisée, on découvrit les vestiges du palais de Néron, la Domus aurea, dont les pièces, ornées de peintures et de stucs, eurent un grand retentissement, donnant naissance à un type de décoration à l’antique particulièrement répandu, appelé « grotesques » car on pensait alors que ces salles souterraines étaient des grottes. Raphaël et de nombreux artistes (Ghirlandaio, Pinturicchio, le Pérugin, Luca Signorelli, Giovanni da Udine, Perino del Vaga et Jules Romain notamment), fascinés par ces peintures murales, en copièrent les motifs sur des carnets de dessins et s’en inspirèrent librement, comme l’atteste la décoration des loges du Vatican, des salles du château Saint-Ange et de divers palais de la Renaissance.

Des interprétations pleines de fantaisie

Vase avec Bacchus enfant au milieu d’une vigne
Vase avec Bacchus enfant au milieu d’une vigne |

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Le Vase Borghèse : Triomphe de Bacchus au retour des Indes 
Le Vase Borghèse : Triomphe de Bacchus au retour des Indes  |

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Ces ornements adoptés au 16e siècle, dérivés de peintures et de bas-reliefs romains, s’organisent dans une grande fantaisie pour former des combinaisons variées de guirlandes, rinceaux, festons, draperies, candélabres, trophées, masques, cariatides, éléments d’architecture et formes hybrides, mi-humaines et mi-animales, issues du bestiaire mythologique.

Ces motifs décoratifs repris de modèles antiques et déclinés avec beaucoup de créativité par les artistes de la Renaissance maniériste vinrent ainsi orner les pièces d’orfèvrerie. Au 16e siècle, les objets utilitaires destinés à de hauts commanditaires, comme les vaisselles, services de table, plats, vases, coupes, chandeliers, ainsi que les armes et les armures d’apparat répondaient à ce goût et puisaient souvent leur décor dans le répertoire antique.

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition « Dessins de la Renaissance » présentée à la Bibliothèque nationale de France du 24 février au 4 avril 2004. 

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