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L’art de la Renaissance
en France est représenté par l’école
de Fontainebleau, une interprétation française
mesurée du maniérisme. L’appellation donnée
à ce mouvement artistique date du XIXe siècle,
employée la première fois en 1818 par l’historien
Adam Bartsch (1757-1821) dans ses travaux sur la gravure (1803-1821),
pour désigner les estampes réalisées par
un groupe d’artistes dans les années 1540, sous
l’influence de deux maîtres italiens œuvrant
au château de Fontainebleau : le Rosso et Primatice. Par
extension, ce terme s’est appliqué à toutes
les formes d’art qui se sont épanouies à
Fontainebleau, et un peu plus tard, dans le même esprit,
à Paris. |
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L'influence
italienne
C’est au cours des guerres d’Italie, menées
par Charles VIII dès 1494, poursuivies par Louis XII
et François Ier, que les rois
de France découvrirent la civilisation italienne de la
Renaissance et ses réalisations très différentes
du style gothique.
En 1528, François Ier, à
son retour de Madrid où il avait été le
prisonnier de Charles Quint après sa défaite à
Pavie (1525), installa sa cour dans la région parisienne,
à Fontainebleau. Très amateur de chasse, le roi
avait choisi un manoir entouré d’une forêt
giboyeuse, à soixante kilomètres de Paris, une
journée de voyage de la capitale. C’est là
que François Ier, qualifié
de père des lettres et des arts, provoqua un bouleversement
fondamental dans l’évolution de l’art français.
Il y fit venir des artistes de la péninsule : Léonard
de Vinci en 1516, mais celui-ci avait cessé de créer
et mourut en 1519, et le Florentin Andrea del Sarto en 1518,
qui ne resta qu’une année. |

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Le
Rosso et Primatice
Il fit alors appel à une génération plus
jeune, celle des maniéristes qui constituèrent
la première école de Fontainebleau. Le Rosso (1495-1540),
florentin, influencé à Rome par Michel-Ange, attiré
par l’étrange et le bizarre, recommandé
par l’Arétin à François Ier,
devint premier peintre du roi. Il conçut le décor
de la galerie François Ier,
œuvre capitale dont l’iconographie des douze fresques
à la gloire du roi est inspirée par la mythologie
et l’histoire antique et où l’ornement joue
un rôle nouveau.
Primatice (1504-1570), bolonais, élève de Giulio
Romano qui avait participé au décor du palais
du Té à Mantoue, l’un des principaux foyers
de rayonnement du maniérisme, fut aussi au service de
François Ier dès 1532.
À la mort du Rosso en 1540, il prit la direction des
travaux et resta actif sous quatre règnes, ceux de François
Ier, Henri II, François II et
Charles IX, donnant une orientation nouvelle à l’art,
notamment à l’art décoratif. Il tempéra
l’excentricité du Rosso en introduisant des formes
simples à l’élégance recherchée,
usant de la forma serpentina, et cultivant un maniérisme
précieux et poétique. Il fut envoyé plusieurs
fois à Rome par le roi avec mission d’en rapporter
des moulages de sculptures antiques des plus célèbres
œuvres de la statuaire gréco-romaine : le Laocoon,
l’Ariane du Vatican, l’Apollon du Belvédère,
la Vénus de Cnide, etc. À son retour
à Fontainebleau, des copies de bronze furent coulées
d’après les plâtres afin que les artistes
s’en inspirent.
Certains dessins de la tenture d’Artémise reflètent
ce goût des antiques. Nicolo dell’Abate (1509/1512-1571),
modénais au fait de sa célébrité,
nouveau venu au château dès 1552, œuvra avec
Primatice à l’achèvement de la galerie François
Ier. |
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Une
équipe de talent
Ces peintres s’entourèrent d’une équipe
de talent, artistes italiens, flamands et français. Parmi
ces derniers, Geoffroy Dumoûtier, dont le style reste
proche de celui du Rosso qu’il assista à Fontainebleau
de 1537 à 1540, Étienne Delaune, ornemaniste,
orfèvre et graveur, Antoine Caron, auteur de la célèbre
tenture d’Artémise, qui travailla avec Primatice
et Nicolo dell’Abate vers 1560. Ils exprimèrent
l’originalité de l’art bellifontain dans
ce lieu artistique et culturel où s’élabora
un style recomposé à partir d’apports d’outre-monts
et de talents divers, faisant de Fontainebleau, vers 1560, la
plaque tournante du maniérisme européen. |
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Des
arts variés
Au service d’une société princière
raffinée, les artistes se consacraient à des arts
variés : peinture murale, sculpture, vitrail, tapisserie,
orfèvrerie, décor monumental, émaux, projets
pour fêtes et mascarades. Le rôle de la peinture
de chevalet était réduit. Des grands décors
monumentaux de Fontainebleau ne subsistent plus que la galerie
François Ier, altérée
cependant par des restaurations, la salle de bal de Primatice
achevée sous Henri II, la chambre de la duchesse d’Estampes,
la porte dorée.
Les ensembles entrepris sous Henri II et Charles IX ont, pour
la plupart, disparu, notamment la célèbre galerie
d’Ulysse détruite en 1738-1739. Cependant les nombreux
dessins et gravures préservés, les copies de Pierre
Paul Rubens et de Theodoor Van Thulden permettent d’imaginer
l’activité et la variété des réalisations
de ce chantier, dont l’ampleur, l’originalité
et l’influence dans le domaine ornemental sont incontestables.
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La
place privilégiée de la tapisserie
La tapisserie était l’une des expressions principales
de l’art de Fontainebleau. Elle tenait une place privilégiée
dans le décor intérieur des demeures princières
et des églises, où elle remplaçait les
fresques italiennes, art majeur dans la péninsule.
Les grandes compositions narratives étaient au goût
du jour. Les tentures pouvaient recouvrir entièrement
les murs des pièces en hiver. L’architecte Philibert
de l’Orme (1510-1570), surintendant des bâtiments
sous Henri II, affirmait même qu’il était
inutile de donner une structure architecturale à l’intérieur
des pièces parce qu’elle serait dissimulée
par les tentures. Celles-ci renouvelaient le décor sans
le détruire, et l’avantage était appréciable.
Des soies de couleurs rares les agrémentaient mêlées
de fils d’argent et d’or.
Les tentures étaient en grande partie importées
des Flandres, mais de nombreux lissiers travaillaient aussi
en France, et la préparation des cartons occupaient considérablement
les peintres. |
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François Ier
aurait même établi un atelier de tapisseries à
Fontainebleau vers 1540, mais celui-ci aurait eu une existence
éphémère. Ce sont encore de nombreux dessins
qui témoignent de cette production, ainsi que des tentures
qui subsistent et qui n’ont pas toujours été
tissées à l’époque de leur conception
ou qui ont connu différents tissages. L’Histoire
de la reine Artémise en offre un exemple intéressant
; le projet élaboré et dédié à
Catherine de Médicis ne semble pas avoir été
exécuté de son temps, mais sous le règne
d’Henri IV, puis sous celui de Louis XIII, et pour divers
personnages, si l’on en juge par les différents
types de bordures. Comme beaucoup d’œuvres
du XVIe siècle, ces tentures,
très personnalisées, ont une signification allégorique,
elles relèvent d’une iconographie qui exprime une
idée, fruit d’une réflexion.
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Celle de L’Histoire de la reine Artémise
est ornée de bordures emblématiques. L’emblème
qui s’exprime par des images symboliques, s’adresse
à l’intuition et déclenche une résonance
affective. Très prisé au XVIe
siècle dans toute l’Europe, il fut codifié
par Andrea Alciat, jurisconsulte des débuts de la Renaissance,
dans un ouvrage renommé, Les Emblèmes d’Alciat
(1531).
Outre la grande peinture décorative et les tentures aux
suites narratives, un art nouveau, spécifiquement français,
était apparu, celui du portrait de cour aux "trois
crayons", portrait psychologique que Jean et François
Clouet élevèrent au plus haut rang.
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Sous
le règne d’Henri IV À la fin
du siècle, sous le règne d’Henri IV, trois
peintres donnèrent un nouvel élan à l’art
bellifontain : deux artistes français, Toussaint Dubreuil
(vers 1561/1562-1602) et Martin Fréminet (1567-1619),
et un maître d’origine flamande, Ambroise Dubois
(1542/1543-1614). Ils furent à l’origine de la
seconde école de Fontainebleau, appellation justifiée,
car les peintres qui participaient au maniérisme international,
travaillaient toujours au château. L’influence de
l’Italie s’imposait encore, mais les artistes que
les peintres de Fontainebleau rencontraient maintenant à
Rome étaient les frères Zuccari et
Bartholomeus Spranger. À ces nouveaux apports d’outre-monts
se mêlaient de fortes influences nordiques provoquant
un changement stylistique. À la mort de Toussaint
Dubreuil, peintre d’Henri IV, Ambroise Dubois, l’un
des plus brillants décorateurs de la seconde école
de Fontainebleau, prit la direction des travaux. Il décora
la chambre de la Reine, le cabinet Ovale du salon Louis XIII
et la galerie de Diane détruite maintenant. Martin Fréminet
qui avait travaillé à Rome, lui succéda
en 1614. Il fut chargé de décorer la chapelle
de la Trinité (1608-1619) presque achevée à
la mort de l’artiste, l’une des plus importantes
réalisations du maniérisme européen dans
sa dernière phase, altérée par des restaurations.
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Les suites narratives, toujours
très appréciées, s’inspiraient alors
de thèmes chevaleresques issus de romans grecs, telle
l’Histoire de Théagène et Chariclée,
que Dubois peignit dans le cabinet Ovale, ou encore l’Histoire
de Coriolan qui a sa source dans les Vies
des hommes illustres de Plutarque, sujet d’une tenture
de Lerambert.
À la fin de la seconde école de Fontainebleau,
l’art bellifontain rayonnait jusqu’à Paris
où certains artistes, Caron, les Cousin, travaillaient
aussi. Les thèmes mythologiques, allégoriques
et romanesques se répandaient et cet art de cour faisait
des émules à l’étranger. Longtemps
encore, tout au long du XVIIe siècle,
l’inventivité du langage ornemental de Fontainebleau
et la créativité de l’art bellifontain inspireront
les artistes européens.
G. L. |
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ressources
iconographiques |
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