Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Saint-Genet comédien et martyr

Édition originale : Gallimard, 1952.
BNF, Philosophie, Histoire, Sciences de l'homme, 8- Z- 31373 (1)

De la première version – à l'origine une simple préface aux Œuvres complètes de Jean Genet –, six fragments sont publiés de juillet à novembre 1950 dans Les Temps modernes ; ils seront remaniés et augmentés deux ans après pour devenir une grande biographie, Saint Genet comédien et martyr, publiée par Gallimard en 1952. Commencé pendant la guerre froide, un an environ après que Sartre a abandonné la Morale, entre Baudelaire et Flaubert, entre L'Être et le Néant et la Critique de la raison dialectique, Saint Genet, biographie psychanalytique, est une charnière dans l'œuvre de Sartre "qui peut passer comme intermédiaire entre la philosophie et la littérature" (La Cérémonie des adieux, p. 350). À la fin du volume, Sartre insère une "Prière pour le bon usage de Genet" qui est un manifeste d'intention : "Montrer les limites de l'interprétation psychanalytique et de l'explication marxiste et que seule la liberté peut rendre compte d'une personne dans sa totalité, faire voir cette liberté aux prises avec le destin, d'abord écrasée par ses fatalités puis se retournant sur elles pour les digérer peu à peu, prouver que le génie n'est pas un don mais l'issue qu'on invente dans les cas désespérés, retrouver le choix qu'un écrivain fait de lui-même, de sa vie et du sens de l'univers jusque dans les caractères formels de son style et de sa composition, jusque dans la structure de ses images, et dans la particularité de ses goûts, retracer en détail l'histoire d'une libération : voilà ce que j'ai voulu." Œuvre de première importance, elle ne fut pas du goût de l'intéressé : "Quand j'ai eu fini, je lui ai donné le manuscrit, il l'a lu, et une nuit, il s'est levé, il est allé jusqu'à une cheminée et il a pensé le jeter au feu. Je crois même qu'il a jeté des feuilles et qu'il les a reprises. Ça le dégoûtait parce qu'il se sentait bien tel que je l'avais décrit [...]. Il se prenait pour le poète et il me prenait pour le philosophe." (La Cérémonie des adieux, p. 350.)