Sartre et Beauvoir
  Dernière étape d'une scolarité commencée au cours Désir, puis à Sainte-Marie de Neuilly et à l'Institut catholique, Simone de Beauvoir est agrégative de philosophie à la Sorbonne depuis la rentrée de l'automne 1928. Elle est invitée par Maheu à préparer l'oral avec deux autres normaliens : Jean-Paul Sartre, recalé l'année précédente à la surprise générale, et son inséparable ami Paul Nizan, revenu d'Aden. La rencontre mémorable a lieu dans la chambre de Sartre : "Les petits camarades m'attendaient le lundi matin à la Cité universitaire ; ils comptaient sur moi pour travailler Leibniz." (Mémoires d'une jeune fille rangée) Elle écrira après coup dans son journal à la date du lundi 8 juillet : "C'est alors que tout a commencé."
   
   
   

Ce n'est pas à proprement parler un coup de foudre mais plutôt l'impression ressentie par l'un et par l'autre d'avoir trouvé son double. Très vite s'installe une relation unique : aux premières déclarations d'amour se mêlent déjà d'interminables discussions littéraires et philosophiques. Ils se sentent tout à la fois égaux et libres, ils éprouvent le même souci de transparence. Beauvoir confie dans La Force de l'âge : "Selon lui, l'écrivain, le conteur d'histoires, devait ressembler au "Baladin" de Synge ; il ne s'arrête définitivement nulle part. Ni auprès de personne. Sartre n'avait pas la vocation de la monogamie. Entre nous, m'expliquait-il en utilisant un vocabulaire qui lui était cher, il s'agit d'un amour nécessaire : il convient que nous connaissions aussi des amours contingentes [...]. D'une manière plus générale, je savais qu'aucun malheur ne viendrait jamais par lui, à moins qu'il ne mourût avant moi. Nous conclûmes un autre pacte : non seulement aucun des deux ne mentirait à l'autre, mais il ne lui dissimulerait rien".
Les lettres et les carnets publiés de l'un et de l'autre depuis leur disparition témoignent qu'ils s'attachèrent à ne pas trahir les promesses de leurs vingt ans. Mais ce jeu de la transparence devait, une fois révélé, en bouleverser plus d'un parmi leurs fidèles.