Sartre et Genet


Quand Sartre et Simone de Beauvoir lurent en avril 1944 dans la revue L'Arbalète, dirigée par Marc Barbezat, libraire et éditeur à Lyon, le début de Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet, dont ils avaient entendu parler par Cocteau, ils furent enthousiasmés : "Ces pages nous découvraient à neuf les pouvoirs des mots. Cocteau avait vu juste : un grand écrivain venait d'apparaître." Aussi Sartre connaît-il déjà cet écrivain sulfureux lorsqu'il est abordé au Flore, de façon bourrue, par "un boxeur poids léger", et il est déjà conquis. Genet fera partie de leurs proches : Journal du voleur est dédié "à Sartre et au Castor" et les pages consacrées au poète maudit Baudelaire sont en retour dédiées par Sartre à celui qu'il appelle "le Saint-Simon de la cour des miracles". Enfin Sartre écrira Saint-Genet, comédien et martyr. Ce qui ne devait être qu'une préface devient une énorme biographie, une biographie psychanalytique, jalon essentiel dans la série de toutes celles qui suivront, des Mots à L'Idiot de la famille, pour tenter de répondre à la question que pose toute l'œuvre de Sartre. Comment comprendre un homme, son moi, son imaginaire, comment à partir de lui appréhender son époque et au-delà de lui tout l'homme, s'il est vrai que chaque homme est un universel singulier ?