Le temple de Martand

par Mme Ujfalvy-Bourdon

Pour se rendre à Martand, il faut traverser une des extrémités de la ville, qui est assez étendue. Près de ce faubourg se trouve un charmant petit lac dont le nom, Anant-Nag, fut dans l'antiquité celui de la ville même à laquelle les conquérants musulmans ont donné son nom moderne de Ville de la Foi. Ce petit lac, dont les eaux sont légèrement sulfureuses, est consacré à Vichnou et considéré par les Hindous comme un des lieux les plus saints de la terre. Sur la berge qui l'entoure sont rangés de nombreux et élégants petits pavillons.
L'antique temple de Martand s'aperçoit de loin : il est situé au pied d'une montagne, et une immense plaine s'étend devant lui. C'est le plus beau spécimen qui nous reste de l'architecture ancienne du Cachemire ; cependant, d'après Fergusson, il est loin d'avoir l'antiquité qu'on lui a souvent attribuée, et il ne date probablement que du dix-huitième siècle. Nous voilà loin des appréciations des premiers voyageurs qui, frappés par quelques curieuses analogies, faisaient de ce temple l’œuvre d’ouvriers laissés dans l’Inde par Alexandre le Grand.
Il y a une autre particularité curieuse qu’il convient de signaler : le temple de Martand reproduit exactement, au moins par sa disposition sinon par sa forme, le plan du temple de Jérusalem. Il se composait d’un édicule central, encore debout, placé au milieu d’une cour carrée dont l’enceinte, formée d’une colonnade d’un beau style, a presque complètement disparu.
À mesure que nous avancions au milieu de ces débris, je regrettais de ne pouvoir emporter quelques unes de ces magnifiques sculptures. Que d’élégants chapiteaux gisaient là sur le sol ! Quel bel ornement pour les musées ! Mais, regrets superflus, il n’y fallait pas songer ; tous ceux qui avaient pu être transportés avaient été enlevés par les Anglais. Nous avions beau regarder, chercher, scruter, aucune pierre travaillée ne s’était dérobée aux regard avides des rares visiteurs.
Madame Ujfalvy-Bourdon, "Voyage d'une parisienne dans l'Himalaya occidental", Le Tour du Monde, 1883, t. 45, p. 254.
Texte intégral sur Gallica
 
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