Le prestige du calligraphe
   
  L’art du livre en Perse, enraciné dans la tradition islamique, est très étroitement lié à l’art de la calligraphie. Dès le Xe siècle, les caractères arabes sont utilisés pour transcrire le persan. L’Iran restera fortement attaché à la tradition de la calligraphie : jusqu’au XIXe siècle, toutes les tentatives d’introduction de l’imprimerie se solderont par des échecs.

Le prestige de l’écriture confère au calligraphe (kâteb) un statut social important. Il remplit souvent le rôle de bibliothécaire (ketâbdâr) et dirige les activités de l’atelier-bibliothèque (ketâbkhâneh) d’un sultan ou d’un prince. Même les plus humbles copistes signent leur travail dans le colophon final. Les plus célèbres sont suffisamment influents pour édicter des normes et développer des styles d’écriture : c’est à eux que l’on doit d’avoir défini six styles canoniques pour l’écriture arabe.


Le nasta’liq

Vers 1375, à Tabriz, apparaît un nouveau style calligraphique, le nasta’liq -dont le nom signifierait la combinaison du naskh et du ta’liq, « écriture suspendue »-, caractérisé par des formes arrondies et la présence de ligatures entre les signes. La tradition attribue son invention à Mir ‘Ali Tabrizi, qui en aurait fixé les règles, mais il s’agit plus certainement d’une création collective. Tabriz est alors une ville cosmopolite, où se côtoient des hommes de cultures et de religions diverses, et les réflexions sur le phénomène de l’écriture passionnent les milieux savants. On a pu supposer que le nasta’liq a été mis au point par des membres de la chancellerie (divân), soucieux de disposer d’un style graphique plus adapté au persan. Les calligraphes de Bagdad, l’ayant rapidement adopté, assurent sa diffusion lorsqu’ils vont travailler dans les ateliers de Chirâz, d’Ispahan et de Hérât. Des souverains comme Eskandar Soltân ou Bâysonqor, très intéressés par la question car ils pratiquent eux-mêmes la calligraphie, contribuent également à son succès. Très vite, le nasta’liq s’imposera dans la plupart des manuscrits ; il restera longtemps le style le plus apprécié pour la copie des poèmes et l’exercice de l’art calligraphique.


Les « six styles »

Chacun de ces styles se voit attribuer, en principe, un emploi spécifique : le reqâ’ et le tawqi’ sont utilisés pour la copie des documents officiels ; le mohaqqaq, le rayhâni et le thoulouth sont réservés au Coran ; le naskh et les écritures qui en sont dérivées (dites naskhi) servent à la copie des textes profanes. Ces « six styles » classiques constituent un répertoire où le calligraphe puise à son gré, selon la surface dont il dispose et l’effet esthétique recherché. Plusieurs styles peuvent se trouver juxtaposés dans un même manuscrit.

rayhâni
Ligne inférieure en rayhâni dans une copie de 1499-1500 des Quarante Hadiths traduits par Djâmi.
Mss or., Suppl. persan 1961, détail du fo 7 vo.

naskh
Exemple d’écriture naskh dans un coran copié en 1289 par Yâqout al-Mosta’semi.
Mss or., Arabe 6716, détail du fo 14 vo.

reqâ’
Écriture reqâ’ dans un colophon signé de ‘Abd al-Haqq Sabzavâri et daté de 1499-1500 des Quarante Hadiths traduits en vers persans par Djâmi.
Mss or., Suppl. persan 1961, détail du fo 9 vo.

tawqi’
Écriture tawqi’ dans le Coran de Bost (1111-1112).
Mss or., Arabe 6041, détail.

thoulouth
Écriture thoulouth dans un Coran du XIIIe siècle.
Mss or., Arabe 5949, détail du fo 38 vo.

mohaqqaq
Écriture mohaqqaq dans un Coran avec commentaire persan de Neychâbouri, fin du XIIIe siècle.
Mss or., Suppl. persan 57, détail du fo 283 vo.



Recueil des pièces lyriques
Recueil des pièces
lyriques
L’art du grand calligraphe Soltân-‘Âli Machhadi

Ce manuscrit en écriture nasta’liq, copiée en biais, porte la signature de l’un des calligraphes persans les plus connus, Soltân-‘Ali Machhadi, auteur d’un traité sur la manière de calligraphier le nasta’liq. Il a été réalisé pour la bibliothèque du sultan Badi’ al-Zamân, fils aîné de Hoseyn Mirzâ Bayqarâ.

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