Illustrations
    


Le Livre d'Alexandre
Enrichissement du répertoire iconographique

Le bouddhisme était jadis largement répandu dans la Perse orientale et il existait déjà un attrait pour l’esthétique « sinisante », entretenu par l’importation régulière de produits chinois (étoffes, vaisselle) et les échanges d’ambassades. Au XIIIe siècle, cependant, l’arrivée des Mongols accentue l’ampleur du phénomène et fournit de nouveaux motifs décoratifs : montagnes, nuages, oiseaux… Les canons de la beauté humaine s’inspirent du Bouddha, considéré comme un modèle de perfection, ce qui explique que les personnages ont des traits extrême-orientaux.

À partir de 1300, les manuscrits illustrés se multiplient. L’art djalâyeride réalise la fusion des apports extrême-orientaux et de la tradition persane : l’espace, toujours dépourvu de perspective, est découpé en différents plans où les personnages, de taille réduite, figurent comme sur une scène de théâtre. Si à Chirâz le style des peintures rappelle encore celui des fresques des palais (fonds rouges, bleus ou jaunes, forme conique des montagnes, traits stylisés des personnages), les peintres commencent à s’affranchir de ces modèles et à réaliser de véritables tableaux dans les livres. Ces derniers sont considérés comme un tout homogène, où doivent s’harmoniser calligraphie, enluminure, illustration et reliure.

Une mise en pages sophistiquée

Au XVe siècle, les éléments décoratifs perdent la place qu’ils occupaient dans les peintures au profit de détails plus réalistes, chargés d’émotion. On voit apparaître des scènes sans rapport direct avec le texte. La mise en pages fait l’objet de nombreuses recherches : tout en s’appuyant sur des principes géométriques rigoureux, la composition joue de la dissymétrie qui rompt la monotonie, et le dessin déborde dans les marges. Dans un même ouvrage alternent des papiers de couleurs différentes : à côté du papier teinté (saumon, ocre, jaune, violet…), on note des essais de papier « coulé », annonçant le papier marbré. L’usage du papier sablé d’or fin se généralisera au début du siècle suivant. À Hérât se répand la technique consistant à monter les pages calligraphiées sur un papier de couleur différente, orné de pochoirs dorés et parfois sablé d’or ; le montage est soigneusement dissimulé par l’encadrement.

Le déclin de l’illustration

Au XVIe siècle, l’intérêt pour l’illustration proprement dite tend à décliner : au début et à la fin des manuscrits, eux-mêmes non illustrés, figurent des peintures sur double page présentant souvent peu de rapport avec le texte. Les amateurs de peintures, de dessins à la plume et de calligraphies destinés à être montés en albums (moraqqa’) sont de plus en plus nombreux. L’école de Qazvin, notamment, accorde au dessin une importance croissante : portraits de jeunes gens aux traits idéalisés, portraits de derviches ou d’ascètes, scènes bucoliques, représentations de fêtes ou de combats. Les silhouettes s’allongent, les détails des visages et des vêtements font l’objet de beaucoup de soins.

Avec audace l’image se marie au texte

Les sept peintures illustrant cette copie du Roman de Mehr et Mochtari de ‘Assâr (voir p. 24) se rattachent à l’école turkmène de Chirâz. Mehr, l’un des deux héros, affronte le roi Kayvân au jeu de polo. Les jambes postérieures de son cheval sont fondues en une seule, comme dans plusieurs manuscrits réalisés à Hérât. Le procédé qui consiste à faire déborder la peinture dans la marge existe déjà à l’époque mozaffaride (seconde moitié du XIVe siècle) ; il est ici employé systématiquement.

Le Roman de Mehr et Mochtari

Le Roman de Mehr et Mochtari
‘Assâr Tabrizi, Le Roman de Mehr et Mochtari (Mehr va Mochtari)
Le Roman de Mehr et Mochtari

Le roi Kayvân était d’une agilité telle
Qu’il déroba à Mehr la balle en pleine course.
Son coursier arabe n’était pas embarrassé
Par son semblable au cours de la partie.
Le roi se mit d’un côté et Mehr se mit de l’autre.
Ils jetèrent la balle devant eux.
En jouant, Mehr faisait preuve de prudence,
Il manifestait des égards envers Kayvân.

© Bibliothèque nationale de France