Apocalypse et millénarisme :
la promesse d'un bonheur futur

Avec la tradition prophétique et messianique, l’idée d’un monde débarrassé du mal n’est plus située au temps passé des origines ; elle est l’avenir promis par le Dieu d’Israël au peuple des justes, l’avenir après l’exil. Ce sera un bonheur inouï et un temps de justice, le jour où, comme prophétise Isaïe, le Seigneur "essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre, effacera l’humiliation de son peuple ; c’est Lui qui l’a promis".
  
Au début de l’ère chrétienne, cette méditation prophétique sur la fin des temps trouve une expression renouvelée dans l’Apocalypse de saint Jean : d’abord sera établi sur la terre un royaume de mille ans de prospérité, où les justes connaîtront une première résurrection ; puis, après un nouvel assaut de Satan, viendra le temps de la seconde résurrection, du Royaume des cieux, décrit, dans la vision de Jean, sous la forme de la Cité sainte, la Jérusalem céleste.
  

Les courants millénaristes sont ceux qui, dans la mouvance chrétienne, prennent au sens propre l’annonce d’un royaume terrestre de mille ans de bonheur ; ils se développent à partir du XIIe siècle, par un retour aux traditions eschatologiques des premiers chrétiens. Dans ce contexte, l’abbé Joachim de Flore élabore une division de l’histoire de l’humanité en trois âges : après celui du Père (Ancien testament), puis celui du Fils (Nouveau testament), il annonce l’imminence de l’âge de l’esprit, qui sera comme un été de la sagesse.
  

Apocalypse de saint Jean, XX, 1-2, 4
Puis je vis un ange descendre du ciel, tenant à la main la clef de l’Abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon, l’antique Serpent – c’est le Diable, Satan – et l’enchaîna pour mille années. […].
Puis je vis des trônes, sur lesquels ils s’assirent, et on leur remit le jugement ; et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image. Ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années.

Apocalypse de saint Jean, XXI, 1-2, 9
Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – le premier ciel en effet, et la première terre ont disparu, et de mer il n’y en a plus ; et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. […] L’un des sept anges aux sept coupes remplis des sept derniers fléaux vint me dire : "Viens, que je te montre l’épouse de l’agneau."

Joachim de Flore
Après le temps du Père, ou de la Loi, puis celui du Fils, ou de la Grâce, viendra celui de l’Esprit, un temps tel qu’il n’y en a pas eu depuis que les hommes ont existé sur la terre. […] Ce sera un temps de bonheur, de joie et de repos. […] Le peuple du troisième état, comparable à Salomon le fils de David, sera rempli de l’Esprit, sage, pacifique, digne d’amour, adonné à la contemplation, et la domination de la terre entière lui sera accordée.
Concordia veteris et Novi Testamenti, fin du XIIe s.