L’invention du
Nouveau Monde
Dès sa découverte, l’Amérique représente un monde sur lequel se projette massivement l’imaginaire utopique, avec ses attentes, ses espérances et ses rêves. Territoire d’un âge d’or préservé, lieu de l’accomplissement des prophéties, Atlantide redécouverte, terre de missions pour des communautés régénérées, elle peut d’autant plus jouer ces rôles qu’on comprend, peu à peu, qu’elle forme un véritable continent jusqu’ici inconnu, un monde nouveau.
     

Christophe Colomb est convaincu d’approcher du paradis terrestre. Vasco de Quiroga, un missionnaire lecteur de l’Utopie de More, considère en 1535 qu’on a raison d’appeler cette terre le Nouveau Monde, "non parce qu’on vient de la trouver, mais parce que, par ses habitants et par presque tout, elle est comme les premiers temps de l’âge d’or".

Quant aux habitants, ils sont représentés tantôt comme de "bons sauvages" proches de l’innocence naturelle, tantôt comme des "cannibales" à peine humains. Cette rencontre, de même que la découverte des civilisations aztèque et inca, est pour l’Europe une expérience décisive de l’altérité.

  



  

  
Christophe Colomb   
Du nouveau ciel et de la nouvelle terre dont parlait Notre Seigneur à travers Jean dans l’Apocalypse après l’avoir mis dans la bouche d’Isaïe, Celui-ci me fit le messager et me montra cette région.
Lettre à dona Juana de la Torre, 1500.


  
P. Martyre d’Anghiera
  
Il est établi que chez eux, la terre, comme le soleil et l’eau, appartient à tout le monde, et que les termes “mien” et “tien”, sources de tous les maux, n’y ont pas cours. Ils se contentent de tellement peu que les terres sont trop vastes pour qu’ils manquent de quoi que ce soit. C’est pour eux l’Âge d’or.
De orbe novo, 1493-1494.

Amerigo Vespucci
Nous nous aperçûmes que cette terre n’était pas une île, mais un continent, parce qu’elle est bordée de très longs rivages qui n’en font pas le tour, et qu’elle regorge d’une infinité d’habitants. Nous y découvrîmes des nations et des peuples innombrables, toutes les races d’animaux sauvages qu’on trouve dans nos régions, et bien d’autres choses que nous n’avions jamais vues auparavant.
Mundus novus, septembre 1502.

William Shakespeare   
                                           O, wonder !
How many goodly creatures are there here !
How beauteous mankind is ! O brave new world,
That has such people in’t !
                                           Ô, merveille !
Combien de belles créatures vois-je ici assemblées !
Que l’humanité est admirable !
Ô splendide nouveau monde qui compte de pareils habitants !
La Tempête, acte V, scène I.