Le développement
d’un genre littéraire

Après More, le genre littéraire utopique s’épanouit. Tantôt ce sont des traités politiques, qui empruntent la forme de la fiction pour donner de la vie au régime qu’ils décrivent ou pour se mettre à l’abri des censures ; tantôt ce sont des voyages de fantaisie, romans satiriques ou explorations de mondes extraordinaires.

De ces ouvrages se dégagent certains traits caractéristiques de la pensée utopique. La Cité du Soleil de Campanella (1623) décrit une société où, jusque dans le détail, tous les aspects de l’existence sont collectivement réglés. La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon (1627) est une cité gouvernée par la communauté des savants, grâce à qui se déploie "l’empire de l’homme sur la nature". Et si l’Oceana de Harrington (1656) propose un régime de démocratie parlementaire qui protège les biens de chacun, le Code de la nature de Morelly (1755) fait l’éloge de l’abolition de la propriété privée, condition première d’une véritable transformation sociale.

Déjà, dans cette tension entre fiction et réalité qui caractérise l’utopie, certains tentent de réaliser leurs rêves par la fondation de colonies, dont l’Amérique est la terre d’élection.
      



Tommaso Campanella   
Les Solariens se conduisent les uns envers les autres, de telle sorte qu’on les dirait les membres d’un même corps. […] Leurs lois peu nombreuses, courtes et claires sont écrites sur des tables d’airain suspendues aux portes et aux colonnes du temple.  
La Cité du Soleil, 1623.
  



Morelly
  
C’est donc en vain, sages de la terre, que vous cherchez un état parfait de liberté là où règnent de tels tyrans. Discourez tant qu’il vous plaira sur la meilleure forme de gouvernement ; trouvez les moyens de fonder la plus sage république ; faites qu’une nation nombreuse trouve son bonheur à observer vos lois : vous n’avez point coupé racine à la propriété, vous n’avez rien fait ; votre république tombera un jour dans l’état le plus déplorable.
Code de la nature, 1755.