Voyages au
pays de nulle part
 
Où est "nulle part" ? Évidemment, les avis divergent sur la localisation de ce monde autre que représente l’utopie, et sur
les espaces qu’il faut franchir pour s’y rendre.

L’île fascine, parce qu’elle est un monde à elle seule, coupée du monde ; mais aussi l’intérieur de la Terre, où s’enfoncent certains explorateurs ; ou bien la Lune, où la folie devient raison ; ou encore ces régions australes, confins méridionaux du monde connu qui, au XVIIIe siècle, font figure d’une nouvelle Atlantide.

Des machines improbables sont nécessaires pour franchir l’espace qui nous sépare de l’utopie, et, parfois, on y découvre d’autres façons d’aimer. Mais ne s’agit-il que de voyager dans l’espace, fût-il fictif ?
  


Au XVIIIe siècle apparaît une autre forme de récit utopique, où l’on voyage dans le temps, où la société idéale se découvre à la faveur d’un saut dans l’histoire hors du présent. La foi dans le progrès va bientôt s’emparer de ce motif pour faire de l’utopie la promesse d’une réalité à venir.
 

Condorcet
Il arrivera donc, ce moment où le soleil n’éclairera plus, sur la terre, que des hommes libres, et ne reconnaissant d’autre maître que leur raison ; où les tyrans et les esclaves, les prêtres et leurs stupides ou hypocrites instruments n’existeront plus que dans l’histoire ou sur les théâtres.   
Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, 1794.