Architectures
des Lumières

Les architectes visionnaires du XVIIIe siècle néoclassique, Boullée (1728-1799), Ledoux (1736-1806) ou Lequeu (1757-1825), imaginent des cités et des édifices qui, avant de répondre à des besoins, incarnent des valeurs et des vertus. Ce sont de grandioses fictions architecturales. À leurs travaux s’applique l’analyse que développe Tocqueville à propos des hommes de lettres à la veille de la Révolution : “Au-dessus de la société réelle, dont la Constitution était encore traditionnelle, confuse et irrégulière, où les lois demeuraient diverses et contradictoires, les rangs tranchés, les conditions fixes et les charges inégales, il se bâtissait ainsi peu à peu une société imaginaire, dans laquelle tout paraissait simple et coordonné, uniforme, équitable et conforme à la raison. Graduellement, l’imagination de la foule déserta la première pour se retirer dans la seconde. On se désintéressa de ce qui était, et l’on vécut enfin par l’esprit dans cette cité idéale qu’avaient construite les écrivains” (L’Ancien Régime et la Révolution, 1856).
     

Claude Nicolas Ledoux
Est-il quelque chose que l’Architecte doive ignorer, lui qui est né au même instant que le soleil, lui qui est le fils de la terre, lui qui est aussi ancien que le sol qu’il habite ? […] J’aurais rempli à peine la moitié de mon but, si l’Architecte, qui commande à tous les arts, ne commande à toutes les vertus. Le projet est vaste sans doute ; mais ce que l’homme veut dans ce genre, les dieux le veulent aussi.
L’Architecture considérée sous le rapport des arts, des mœurs et de la législation, 1804.