Du temps des révolutions
à l'aube du XXe siecle

L’utopie met au jour une relation particulière entre littérature et politique, plus précisément entre fiction et action : elle est d’une part projection imaginaire dans l’espace fictif institué par le texte du récit, d’autre part projet de réalisation qui tend à passer dans l’expérience historique, projet qui, en même temps, doit se nourrir de fiction. Pour cette raison, à partir des ébranlements révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle, l’utopie doit être analysée à la fois dans le champ littéraire et dans le champ politique et social.

Ainsi, dans la première moitié du XIXe siècle, tout se passe comme si l’utopie se retirait du terrain de la littérature pour s’investir massivement du côté du réel ou de ce qui aspire à l’être. Expériences locales et perspective globale deviennent, pour deux siècles, les deux visages de l’utopie en acte, selon qu’il s’agit d’inventer de nouveaux rapports sociaux en fondant des communautés à la marge du monde majoritaire, ou d’inscrire toutes les luttes actuelles dans l’horizon de l’émancipation humaine, dans la grande promesse du règne de la liberté.