Gabriel Foigny,
La Terre australe connue ...
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Travail

De la constitution des Australiens, et de leurs coutumes.

CHAPITRE V

Tous les Australiens ont les deux sexes, et s’il arrive qu’un enfant naisse avec un seul, ils l’étouffent comme un monstre, ils sont fort légers et fort actifs, leur chair est d’une couleur qui tire plus sur le rouge que sur le vermeil, leur hauteur est communément de huit pieds, ils ont le visage médiocrement long, le front large, les yeux à fleur de tête, la bouche très petite, les lèvres plus rouges que le corail, le nez plus rond, la barbe et les cheveux toujours noirs, et qu’ils ne coupent jamais, parce qu’ils croissent très peu ; leur menton est tendu et recourbé, leur cou délié, et leurs épaules grosses et élevées ; ils ont des mamelles fort petites, et fort bas placées, plus rouges que vermeilles, leurs bras sont nerveux, leurs mains larges et longues ; ils ont la poitrine fort élevée, le ventre plat, et qui ne paraît que très peu en leur grossesse, les hanches hautes, les cuisses larges, et les jambes longues. Ils sont si accoutumés à aller tout nus, qu’ils croient qu’on ne peut parler de se couvrir, sans se déclarer ennemi de la nature, privés de raison.
Ils sont obligés de présenter au moins un enfant au Heb, mais ils les produisent d’une manière si secrète que c’est un crime parmi eux de parler de la conjonction nécessaire à la propagation des hommes.
Dans tout le temps que j’y ai été, je n’ai pu venir à bout de connaître comment la génération s’y fait. J’ai seulement remarqué qu’ils s’aiment tous d’un amour cordial, et qu’ils n’aiment personne l’une plus que l’autre. Je puis assurer qu’en trente ans que j’ai été parmi eux, je n’y ai remarqué ni querelle, ni animosité. Ils ne savent ce que c’est que le mien et le tien, tout est commun entre eux, avec une bonne foi, et un désintéressement qui me charmait d’autant plus que je n’avais jamais rien vu de semblable en Europe.

Gabriel Foigny, La Terre australe connue, c’est-à-dire la description de ce pays inconnu jusqu’ici, de ses moeurs et de ses coutumes
1re édition en 1676, Paris : C. Barbin, 1692 (Gallica) p. 81/89