Malevitch (Kasimir)
[1878-1935]
Autres textes :

Tommaso Campanella

Thomas More

George Orwell

Zamiatine

Étienne Cabet

Charles Fourier

Robert Owen

Pierre-Joseph Proudhon

Saint Simon

Wassily Kandinsky

Kasimir Malevitch

Filippo Tommaso Marinetti

Piet Mondrian

Issu d’une famille d’origine polonaise, Malevitch quitte Kiev où il est né pour Moscou en 1902 : il y poursuit son éducation artistique et ses premières œuvres sont proches du néo-impressionnisme et du fauvisme ; il expose plusieurs fois à "l’Association des artistes de Moscou", se montre très sensible aux icônes – "tout le peuple russe m’apparaissait en elles dans toute son émotion créatrice" –, et s’inspire des tendances nouvelles, qu’il s’agisse du néo-privitivisme ou du cubo-futurisme (La femme au seau, 1912-1913). Les collections de Chtchoukine et Morozov lui permettent de découvrir les cubistes parisiens – Violon, Violon sur une table, Instruments de musique de Picasso sont acquis en 1912 et 1913 –- qui l’impressionnent durablement : ils révèlent un art dont l’objectif n’est pas de reproduire la nature mais de s’interroger sur la relation entre le signe et la réalité.
Inspirée du modèle linguistique, la période zaoum, ou alogique, de Malevitch – néologisme créé par le poète Khlebnikov pour désigner un poème jouant sur la signification du signifiant même de la langue – bouleverse la logique à travers le collage cubiste en juxtaposant des représentations de tailles différentes (Un Anglais à Moscou), ou en jouant de la fascination du public pour l’intitulé, c’est-à-dire le référent : Rixe sur le boulevard, Vol du porte-monnaie, Deux zéros sont des titres placés dans un cadre tracé sur une feuille de papier. Il crée en 1913, avec Matiouchine et Kroutchenykh, un opéra zaoum, Victoire sur le soleil, dont il signe les décors et les costumes – géométriques –- et qui annonce la "Dernière exposition futuriste : 0,10" en 1915, à Saint-Pétersbourg : dix exposants s’efforcent de découvrir le zéro des formes. Malevitch y présente le Quadrangle noir, un carré noir, dont aucun angle ne fait 90°, sur fond blanc qui subvertit la notion de composition traditionnelle et définit le suprématisme, un univers absolu au-delà de l’objet qui s’intéresse à l’origine même de l’existence, au "zéro des formes" comme source de l’être : "Quand disparaîtra l’habitude de la conscience de voir dans les tableaux la représentation de petits coins de la nature, de madones ou de Vénus impudiques, alors seulement nous verrons l’œuvre picturale. Je me suis transfiguré en zéro des formes et je me suis repêché du trou d’eau des détritus de l’Art académique", écrit-il alors. Il poursuit ensuite ses recherches sur les formes et les couleurs qui manifestent le mouvement : dans la série Carré blanc sur fond blanc, en 1918, les formes apparaissent par une différence de matité.
En 1919, Malevitch part enseigner à Vitebsk où il fonde en 1920, avec ses amis, l’Ounovis, la première école consacrée à l’art moderne dont l’objectif est de revêtir "la terre d’une forme et d’un sens nouveaux". Cette abstraction suprématiste est proche de l’utopie dans la mesure où elle s’éloigne de toute imitation du monde, où elle bouscule la figuration du donné sensible pour laisser surgir des formes nouvelles venues de nulle part et laisser espérer un monde à construire. Ainsi se comprennent les "planites" et les "architectones" des années 20 : structures abstraites et villes volantes appartenant à l’avenir.
Il rencontre des difficultés avec le pouvoir à partir de 1930 et subit des attaques de la presse stalinienne : son retour, à la fin de sa vie, au tubisme et à une forme de primitivisme pourrait en être une conséquence.