L'histoire de l'aleph

Il existe trois phases dans l’évolution qui mène de l’image à la lettre, du dessin à l’alphabet.

Dans un premier temps, le dessin représente le plus fidèlement possible un objet réel. Ce type d’écriture suppose qu’il existe autant de signes que d’objets.

Pour éviter la multiplicité des signes, on inventa certains procédés. Le premier consiste à permettre au dessin non seulement de signifier l’objet dessiné mais aussi certaines réalités rattachées au même objet : aussi, en Mésopotamie, pays entouré de montagnes, le signe signifie montagne mais aussi frontière et, au-delà de la frontière, l’étranger. On passe ainsi du pictogramme à l’idéogramme.

À l’étape suivante, le son du signe initial est préservé mais il ne renvoie plus à l’image ou à l’objet mais seulement au son prononcé. Le signe devient phonogramme et s’associe à d’autres signes-sons comme dans les rébus pour former des mots.

La dernière étape consiste à garder le signe en ne le référant plus ni à l’image, ni au son de l’objet désigné, juste au début du son. Par le principe de l’acrophonie naît alors l’alphabet.

C’est ainsi que le signe aleph permettant de désigner le bœuf ne signifie plus que le son " a ".

       
    Au commencement était donc le bœuf ou le taureau. Le bœuf avait une grande importance dans une civilisation rurale : force motrice, symbole d’énergie.

Chez les Égyptiens, le hiéroglyphe du taureau est un " déterminatif " permettant de préciser que le signe précédent désigne du bétail. Le taureau est alors dessiné sur pieds.

Chez les Phéniciens, le aleph ne représente plus qu’une image stylisée de la tête du taureau avec quelques variantes :
    Parallèlement, au moment où l’image se réduit, elle se met à représenter au-delà du taureau, tout ce qu’il symbolise : force, énergie, vigueur.

La troisième phase aboutit à la disparition de l’image figurative. La tête devient un simple trait sur lequel reposent les cornes :
Le signe à l’étape suivante tourne à 90° et les cornes traversent la tête :
C’est le retournement complet de cette forme qui donnera le alpha grec, d’où provient le " A " de notre alphabet :