L’utopie et
ses sources


Les emprunts aux philosophes de l’Antiquité
L’apparition du thème de l’utopie à la Renaissance correspond à un renouveau de la philosophie politique en Europe occidentale, renouveau qui se nourrit de lectures des textes grecs et latins. De nombreux utopistes font explicitement référence, par exemple, à La République de Platon ou à La Politique d’Aristote. On retrouvera souvent, au XVIIIe siècle, des réminiscences de la cité de Sparte, telle que l’évoque Platon ou la décrit Plutarque : cette oligarchie antique, dont Lycurgue aurait été le législateur mythique, fournit l’exemple majeur d’une élite vertueuse et austère, qui forme une collectivité égalitaire où l’individu est entièrement au service de la cité, celle-ci prenant complètement à sa charge l’éducation de ses membres.
  

Les mythes, la littérature et la poésie de l’Antiquité fournissent également de nombreux motifs à l’utopie : l’âge d’or ou l’Arcadie offrent le modèle d’une proximité fusionnelle avec la nature, d’une simplicité primitive à laquelle il conviendrait de revenir, modèle qui alimentera les représentations du "bon sauvage" et inspirera de nombreuses expériences communautaires. Des romans grecs, construits comme des récits de voyage dont les héros parviennent, au hasard de leurs aventures, dans des pays fabuleux, sont des constructions narratives dont de nombreuses utopies littéraires porteront la trace.
   
Les emprunts à la littérature médiévale
La littérature chrétienne médiévale constitue aussi un creuset de formes dont les utopies tireront des modèles. C’est en particulier le cas de la "littérature de la quête", où la recherche du paradis perdu, allégorie de la vie humaine ou processus d’initiation, peut être considérée comme une matrice significative de la littérature utopique.

Les emprunts à la tradition biblique
Mais surtout, on a pu se demander si les utopies du XIXe et du XXe siècle, celles qui représentent la société idéale comme la fin vers laquelle, tôt ou tard, l’histoire doit nous conduire, ne peuvent être interprétées comme des versions laïcisées, terrestres, de l’eschatologie judéo-chrétienne. La continuité entre d’une part la tradition biblique de la promesse du salut et de l’attente de la rédemption, et d’autre part l’utopie moderne d’un avenir radieux où régneront justice et liberté, serait plus forte qu’il n’y paraît.