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Dès lors que la connaissance
de la contrée parcourue cesse d'être l'attrait principal
des récits de voyage, des écrivains célèbres
s'emparent de ce genre non pour lui donner des lettres de noblesse,
mais pour s'offrir un surcroît de liberté aux marges
de la littérature. Ce faisant, ils en subvertissent le code.
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À en juger par les nombreuses
préfaces des récits avant le XIXe siècle,
la question du style pose problème. Le voyageur est volontiers
accusé de mensonge. Tel Ulysse ou Hermès, le dieu
des Voyageurs, il est le rusé qui séduit son public
par son discours et falsifie la vérité. Pour lever
ce soupçon, il lui faut être sobre, voire aride :
"5 mars. Toujours bon vent. Je n'ai vu que de l'eau ; et si
les aventures ne viennent, le Journal sera bien sec", confie ingénument
l'abbé de Choisy dans son Journal du voyage de Siam (1686).
Mais cette écriture devient, au XVIIIe
siècle, l'objet d'une critique. Les rééditions
de recueils de voyages étrangers montrent que les traducteurs
s'enhardissent à éliminer longueurs et répétitions
et à agrémenter le style afin de plaire. Les auteurs,
désormais, s'excusent de la simplicité de leur
style. Ainsi La Hontan, explorateur du Canada, récuse l'identité
d'auteur : "Je raconte mes Aventures en Voyageur, et non point
en Auteur qui ne cherche qu'à plaire."
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Cette conception nouvelle met au jour
une opposition entre l'écrivain-voyageur et le voyageur-écrivain,
le premier se réservant un public élargi, le second
un public de spécialistes. À l'un reviendraient les compétences
de l'écriture, une vision qui s'offre par la médiation
de l'artifice littéraire. À l'autre est échue une
perception immédiate exprimée dans un style simple
et naïf. Cependant, cette opposition ne fait que souligner
l'ambiguïté inhérente au genre. La relation du
voyage est toujours, à des degrés divers, une reconstruction
du réel, et la simplicité peut résulter d'une
maîtrise consommée de l'artifice. Plus les auteurs
clament la spontanéité, plus le soupçon de
fausseté augmente. Au XIXe
siècle, les écrivains résolvent cette tension
en biaisant et en fondant le genre sans le définir :
"Ce n'est ni un livre, ni un voyage", avertit Lamartine
dans son Voyage en Orient (1835). Les auteurs revendiquent
leur dilettantisme, voire leur ignorance, et tournent ainsi le dos
à une tradition érudite qui instruit avant de plaire.
Mais, en affectant d'écrire une œuvre indigne d'être
publiée et de la livrer au public par hasard, ils règlent
aussi la question du style et se créent un nouvel espace
d'écriture.
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suite : la confluence de plusieurs genres
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