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Le récit de voyage rassemble
donc une infinité de discours et s'accorde avec une esthétique
du fragment et du discontinu. Certes, les titres, les dates, les
motifs récurrents jouent un rôle de liaison entre les
différentes séquences du texte. Taine adopte, dans
ses Carnets de voyage (1863-1865), une alternance régulière
entre la ville et la nature. Après leur voyage en Bretagne,
Flaubert et Maxime Du Camp se répartissent les chapitres
pairs et impairs de Par les champs et par les grèves (1886).
Mais ce souci de composition est de plus en plus souvent abandonné.
Tantôt notes jetées spontanément sur un carnet,
tantôt lettres griffonnées à la hâte ou
journal épousant l'expérience de l'instant, le récit
de voyage, pour satisfaire le pacte de sincérité,
juxtapose des impressions diverses. Même dans les récits
qu'il écrit à son retour, l'écrivain voyageur
adopte une organisation spatio-temporelle souvent brisée.
Hugo rassemble dans ses Lettres du Rhin (1842) "des idées,
des chimères, des incidents, des visions, des fables, des
raisonnements, des réalités, des souvenirs".
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Cette désinvolture à
l'égard de la composition ou de la perfection stylistique
s'explique en partie par le caractère privé des écrits.
Flaubert écrivit l'un des récits de voyage les plus
achevés, qu'il accomplit en Bretagne, mais renonça
finalement à le publier, jugeant "le genre impossible". La
plupart des écrivains du XIXe siècle prenaient
leurs notes de voyage comme des réserves d'images susceptibles
de nourrir une œuvre ultérieure ou comme un espace d'écriture
en marge de l'œuvre. Flaubert expérimente en Orient les ébauches
du récit, une description abstraite, presque géométrique,
des grossissements de plans sur un détail. Il transpose ensuite
certaines scènes notées dans ses nouvelles :
les Bédouins buvant à plat ventre l'eau d'une flaque
évoquent déjà la Félicité d'Un
cœur simple buvant dans la même posture l'eau croupie
d'une mare.
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Dans un style proche de l'impressionnisme
alors en vogue, des écrivains comme les frères Goncourt
réalisent le rêve de l'œil qui transcrit et abolit
la distance entre le mot et la chose. La syntaxe elliptique, souvent
nominale, la suppression des articles, la parataxe offrent par bribes
des sensations passagères et créent chez le lecteur
une impression d'inachèvement. Les vides, les blancs l'invitent
à être plus actif. Son œil peut sauter de paragraphe
en paragraphe, musarder dans les brèches.
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suite : les
nouveaux horizons
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