Félix Teynard (1817-1892)
par Sylvie Aubenas

 

Félix Teynard, ingénieur civil de formation et originaire de Grenoble comme Champollion, est certainement, parmi les premiers calotypistes à avoir photographié l'Égypte, celui sur lequel nous possédons le moins de renseignements : ni mission officielle qui nous éclairerait sur ses motivations, ni correspondance, ni publication en dehors de son album. Sans doute les exemples de Champollion et de l'archéologue Emmanuel de Rougé qui professait à Grenoble dans les années 1850, la lecture de Vivant Denon, celle de Maxime Du Camp, l'arrivée d'Auguste Mariette en Égypte en 1850 lui ont-ils inspiré l'idée de cette expédition menée de fin 1851 à 1852. Il voyagea depuis Le Caire jusqu'à la seconde cataracte du Nil et prit au moins cent soixante photographies (c'est le nombre des images publiées).

La parution commença sous forme de livraisons en 1853 (trente-deux livraisons de cinq planches chacune) pour s'achever l'année suivante, puis l'ensemble fut réuni en un volume publié par Goupil en 1858. Cet ouvrage magnifique fut loin d'être un succès de librairie, si l'on en juge par le très petit nombre des exemplaires connus. Pourtant, la série de Teynard est remarquable à tous points de vue. Sa maîtrise de la technique photographique – vraisemblablement la méthode du papier ciré sec de Gustave Le Gray – est parfaite. Il tire un parti très sensible de l'esthétique particulière du calotype, bien adaptée aux lumières et aux ombres fortes de l'Afrique. Le choix de ses sujets, de ses cadrages, dénote un vrai sens artistique, d'autant plus remarquable chez un voyageur qui a uniquement une formation d'ingénieur et aucune accointance particulière avec l'art ou l'archéologie. Il est certainement plus proche de Greene que de Du Camp dans le choix des points de vue, et son intérêt marqué pour la végétation (études d'arbres), le paysage, l'architecture civile indigène montre que sa vision est ouverte aux découvertes qu'il a faites sur place.

Comme pour beaucoup d'autres, son expérience photographique se limita à cette expédition. Ses photographies furent présentées au public lors de l'Exposition universelle de 1855 à Paris. Elles y firent impression, et on se souvint de lui pour l'inviter en 1869 à l'inauguration du canal de Suez. On ignore la raison pour laquelle il ne poursuivit pas dans cet art qu'il maîtrisait si parfaitement.

Ouvrage : Égypte et Nubie : sites et monuments les plus intéressants pour l'étude de l'art et de l'histoire, atlas photographié accompagné de plans et d'une table explicative servant de complément à la grande Description de l'Égypte, Paris, Goupil et Cie ; Londres, E. Gambart and Co., 1858.