Auguste Salzmann (1824-1872)
par Sylvie Aubenas
 

Auguste Salzmann est, avec Louis de Clercq, le plus important photographe de la période du calotype à avoir développé une œuvre qui n'ait pas l'Égypte pour centre. L'ensemble des photographies dont il fut l'auteur en 1854 ont Jérusalem pour sujet et l'archéologue Félix Caignart de Saulcy (1807-1880) pour inspirateur.

Salzmann, jeune peintre issu d'une riche famille d'industriels alsaciens, ami d'Eugène Fromentin avec qui il voyagea en Algérie en 1847, avait rencontré Auguste Mariette lors d'un séjour en Égypte en 1851 et s'était intéressé de près aux découvertes archéologiques de l'entreprenant égyptologue. En 1853, il demanda une mission au ministère de l'Instruction publique pour aller étudier à Rhodes les vestiges laissés par les chevaliers de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.

En réalité, le 12 décembre 1853, il ne partit pas pour Rhodes mais pour Jérusalem, car entre-temps son intérêt s'était reporté sur une polémique suscitée par Félix de Saulcy dans plusieurs articles publiés depuis 1851, puis en 1853 avec son livre Voyage autour de la mer Morte, concernant principalement la datation du rempart de Jérusalem. Il connaissait Saulcy et prit fait et cause pour lui : "Dans ces circonstances, je modifiai mon itinéraire, croyant rendre un vrai service à la science, en étudiant et surtout en reproduisant par la photographie tous les monuments de Jérusalem, principalement ceux dont l'origine était contestée." Il resta quatre mois à Jérusalem, et il y serait resté plus longtemps s'il n'en avait été chassé par la fièvre. Il en rapporta environ cent cinquante clichés.

Cette campagne photographique menée avec un but précis répond exactement aux recommandations faites par le même Félix de Saulcy dans son rapport sur le bien-fondé de la mission sollicitée par Salzmann à Rhodes : "S'attachant uniquement à des vues générales, [les photographes] ont fait ce qu'un dessinateur a toujours le temps d'exécuter et ils ont omis les détails si précieux que l'artiste n'a pas le loisir de prendre. M. Salzmann s'attachera donc aux points de vue rapprochés et aux détails [...] que la photographie seule peut rendre." En effet, les planches les plus étonnantes de cet album, qui en contient cent soixante-quatorze, sont sans doute les détails de construction du mur d'enceinte de Jérusalem. On y trouve aussi de très belles vues plus générales de la vallée de Josaphat, de Bethléem, de Jérusalem. Salzmann allie très harmonieusement ses qualités de peintre à ses compétences d'archéologue, ses vues de détails architecturaux sont équilibrées et composées comme des tableaux.

Publiées en album en 1856 et vendues au prix exorbitant pour l'époque de 1 422 francs, ses photographies ne connurent pas le même succès de librairie que l'album de Du Camp. La curiosité s'était émoussée, et l'ensemble était de toute manière plutôt destiné à un public d'archéologues. Pourtant, paradoxalement, il paraît aujourd'hui d'une richesse esthétique beaucoup plus grande que les vues plus classiques de Du Camp. Les clichés furent aussi reproduits, interprétés en gravure sur bois, dans la revue Le Tour du monde, en 1860.

Une autre particularité de Salzmann est de ne pas s'être contenté de cette seule expédition photographique et d'avoir poursuivi une carrière d'archéologue photographe. Il ne s'agissait pas pour lui de réussir un "coup", comme on serait tenté de qualifier le voyage de Du Camp, ni de satisfaire une curiosité momentanée, comme pour Cammas, Bartholdi ou d'autres, mais, de façon plus pragmatique, d'intégrer la photographie dans son travail. Lorsqu'il découvrit la nécropole de Camiros à Rhodes en 1859, il prit une série de photographies en vue d'une publication. Il accompagna encore Saulcy à Jérusalem en 1863 et y réalisa une nouvelle série, toujours de calotypes.

Ouvrage : Jérusalem : étude et reproduction photographique des monuments de la Ville sainte, depuis l'époque judaïque jusqu'à nos jours, Paris, Gide et Baudry, 1856, 2 volumes de planches, 1 volume de texte.