Troubler le repos des belles endormies

Au  fond d’un caveau souterrain de l’Opéra, mystérieusement incluses en la cire des disques d’un gramophone, les voix de la Patti, de Tamagno, de Caruso, celles de Mmes Calvé, Melba, Mérentié et bien d’autres encore, dormaient, silencieuses, depuis le mois de décembre 1907. Cet après-midi, le repos de ces belles endormies sera, quelques instants, troublé. Car l’enchanteur à qui elles doivent leur réclusion s’apprête à leur donner des compagnes qui, ainsi qu’elles-mêmes, n’auront pas le droit de rompre le silence avant un siècle révolu.
En présence de M. Léon Bérard, sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, des directeurs de l’Opéra et du personnel de la bibliothèque et des Archives, M. Alfred Clark, qui, en 1907, avait offert aux archives de l’Opéra une première collection de phonogrammes, procédera avec le même cérémonial que la première fois, à la remise d’une série nouvelle. Il n’est pas besoin d’insister sur l’importance que présenteront, pour les musicographes du vingt et unième siècle, ces documents précis sur le talent et le style des grands artistes de nos jours.

Sans nom, « Les voix endormies », dans le Figaro, Paris, t. 58, n° 165, jeudi 13 juin 1912, p. 1, col. d-e
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