Dans la rue de la Michodière, Bourras était debout, planté
sur le trottoir, en face de sa maison, dont on l'avait expulsé
la veille, à la suite d'un joli tour, une trouvaille de l'avoué
: comme Mouret possédait des créances, il venait d'obtenir
aisément la mise en faillite du marchand de parapluies, puis
il avait acheté cinq cents francs le droit au bail, dans la vente
faite par le syndic ; de sorte que le vieillard entêté
s'était laissé prendre pour cinq cents francs ce qu'il
n'avait pas voulu lâcher pour cent mille. D'ailleurs, l'architecte,
qui arrivait avec sa bande de démolisseurs, avait dû requérir
le commissaire pour le mettre dehors. Les marchandises étaient
vendues, les chambres déménagées ; lui, s'obstinait
dans le coin où il couchait, et dont on n'osait le chasser, par
une pitié dernière. Même les démolisseurs
attaquèrent la toiture sur sa tête. On avait retiré
les ardoises pourries, les plafonds s'effondraient, les murs craquaient,
et il restait là, sous les vieilles charpentes à nu, au
milieu des décombres. Enfin, devant la police, il était
parti. Mais, dès le lendemain matin, il avait reparu sur le trottoir
d'en face, après avoir passé la nuit dans un hôtel
meublé du voisinage.
(Extrait du chapitre XIV)
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