Zola et la modernité
"un miracle réalisé"

   

"Je veux dans Au Bonheur des dames faire le poème de l'activité moderne. […] En un mot, aller avec le siècle, exprimer le siècle qui est un siècle d'action et de conquête, d'efforts dans tous les sens."

Au Bonheur des dames, dossier préparatoire, ébauche
  Toute l'œuvre de Zola vibre de l'aventure du capitalisme triomphant : de nouvelles fortunes naissent (La Curée), l'argent coule à flot (Au Bonheur des dames), le pouvoir facilite les échanges (Son Excellence Eugène Rougon). De nouvelles pratiques commerciales introduites par des "hommes d'exception" comme Octave Mouret, le patron du Bonheur des dames, permettent de "vendre bon marché pour vendre beaucoup" et de "vendre beaucoup pour vendre bon marché" : prix fixes et affichés, grandes "expositions" de blanc ou de nouveautés, publicité dans la presse ou sur affiches. Tout est fait pour inciter à la consommation, accrocher le regard et susciter désir et envie chez les clientes empressées. L'architecture du grand magasin est une "architecture aérienne", celle d'un "palais du rêve, d'une Babel entassant des étages, élargissant des salles, ouvrant des échappées sur d'autres étages et d'autres salles à l'infini", bref une véritable cathédrale des temps modernes. Octave Mouret est le véritable "maître" de cet "empire" qui ne rêve qu'à s'étendre, dans une fièvre boulimique d'absorption des concurrents.
Tout comme Octave Mouret, "roi despotique du chiffon", Aristide Saccard est un "poète des affaires" (L'Argent), qui engloutit des fortunes colossales pour financer ses projets au Moyen-Orient. L'argent pour prospérer doit donc "couler", s'infiltrer partout, être "le ferment de toute végétation sociale", grâce aux toutes nouvelles banques d'affaires (Crédit mobilier des frères Pereire) ou de dépôts (Crédit Lyonnais ou Société générale).
"L'espace est nécessaire à la maîtrise" (Michel Serres), et Mouret ne pense qu'à faire "passer la rue au travers de sa maison", afin de mieux maîtriser les flux, d'hommes, de marchandises, de capitaux. Le mouvement, voici ce qui fascine Zola, dans tous ses romans sur la modernité, à l'instar des Expositions universelles qui offrent un raccourci saisissant sur les richesses du monde entier et témoignent du pouvoir de l'homme et du progrès des techniques. "Le possible est dépassé, le miracle réalisé" (Les Quatre Évangiles, Travail). Même si ce progrès est parfois destructeur, comme le ressent Denise (Au Bonheur des dames), dans la pensée darwinienne de Zola, cette lutte pour la vie a du bon : "Il fallait ce fumier de misère à la santé du Paris de demain" (Au Bonheur des dames).


Les documents :
Le Palais de l'Électricité
Au bon Marché
L'Argent
Au Paradis des Dames
Vue générale de l'Exposition universelle
Les Grands magasins de La Paix