Narcisse
Roman de la rose
Guillaume de Lorris et jean Meun, Paris, fin du XIVe s. s..
BNF, Manuscrits, français 380, f. 10 vo
© Bibliothèque nationale de France
Arrivé à une fontaine, à l’ombre d’un pin, l’Amant y découvre, gravée dans le marbre, l’inscription suivante : « Icy dessus se mourust ly biaux Narcisus. » Cette fontaine est le « miroir perilleux », où Narcisse fut pris au piège de son propre reflet (v. 1568-1575) :
C’est li miroers perilleus
Ou Narcisus li orgueilleus
Mira sa face et ses yauz vers,
Dont il jut puis morz toz envers.
Qui enz ou mireor se mire
Ne puet avoir garant ne mire
Que tel chose a ses ieulz, ne voie
Qui d’amor l’a tout mis an voie…
(C’est le miroir périlleux, dans lequel Narcisse l’orgueilleux mira son visage et ses yeux brillants : pour l’avoir fait, il tomba à la renverse et resta étendu, mort. Celui qui se regarde dans le miroir ne peut trouver de protecteur ni de médecin pour éviter à ses yeux de voir ce qui l’a mis sur les voies de l’Amour…)
Là, l’Amant, sera pris lui aussi au piège de l’amour, en découvrant le reflet du rosier. C’est à ce moment même où se met en place le « drame » de la passion amoureuse, que naît l’écriture du Roman de la rose (v. 1585-1586 et 1592-1599)… pour raconter « la vérité de la matière » du songe :
Car Cupido li filz Venus
Sema ici d’amors la graine,
[…]
Por la graine qui fu semee,
Fu ceste fontaine clamee
La fontaine d’amors par droit,
Dont plusor ont en maint endroit
Parlé en romanz et en livre :
Mes jamés n’orrez meus descrivre
La verité et la matiere,
Quant j’aurai espont le mistere.
(Car Cupidon le fils de Vénus a semé ici la graine d’amour […]. À cause de la graine qu’on a semée, cette fontaine fut appelée à juste titre la fontaine d’amour, et plusieurs en ont parlé en maint endroit dans des romans et des livres, mais jamais vous n’entendrez mieux exposer la vérité de la matière que lorsque j’aurais explicité le mystère.)