Le Roman de la Rose
Fol. 17 : Le dieu d'Amour ferme à clef le coeur de l'Amant
Guillaume de Lorris et jean Meun, 1230-1280.
Parchemin. - 200 ff. - 350 x 250 x 35 mm
BNF, Manuscrits (Fr. 12595 fol. 017)
© Bibliothèque nationale de France

Lors tira de son aumônière
Amour une clef singulière
Toute de fin or épuré.
Avec elle je fermerai
Ton coeur, dit-il, et bien m'y fie,
Car mes joyaux je lui confie.
Moindre elle est que ton petit doigt,
Mais plus forte que l'on ne croit,
Car elle est de mon écrin dame.
[ L'Amant parle : Enluminure ]
Lors mon flanc touche et point n'entame,
Et clôt mon coeur si doucement
Que c'est à peine s'il le sent.
Ainsi fais sa volonté toute,
Et quand je l'ai mis hors de doute :
Sire, fais-je, grand désir ai
De faire votre volonté ;
Mais agréez tôt mon hommage,
Votre promesse vous engage.
Je ne le dis par repentir,
Car je n'ai peur de vous servir ;
Mais en vain serviteur travaille
Et ne sait rien faire qui vaille,
Lorsque le service déplaît
A celui qui en est l'objet.
Le dieu d'Amour parle :
Amour répond : Calme ta crainte.
Puisque tu t'es donné sans feinte,
Je prendrai ton service à gré
Et te veux mettre en haut degré
Si tes méfaits ne s'y opposent.
Mais de bien longs délais s'imposent ;
La fortune est lente à venir,
Et fait moult peiner et languir.
Attends et souffre la détresse
Qui maintenant te cuit et blesse ;
Je sais par quelle potion
Tu recevras la guérison.
Si ta fidélité ne cède,
Je te donnerai tel remède
Que tes blessures guérirai.
Mais, par mon chef, bien je verrai
Si tu fais de bon coeur service,
Si nuit et jour sans artifice
Accomplis les commandements
Que je commande aux fins amants.
L'Amant répond :
Pour Dieu, merci, lui dis-je, sire,
Avant partir, veuillez me dire
Ici tous vos commandements,
Je veux m'y soumettre céans.
Aussi pour ne pas m'y méprendre,
J'ai grand souci de les apprendre,
Car, si je ne les connaissais,
Sans le vouloir tôt je pourrais
M'égarer de la droite voie.
Le dieu Amour :
Adonc Amour, tout plein de joie,
Me répond : Tu parles moult bien ;
Or les entends et les retiens :
Le maître perd sa peine toute
Quand le disciple qui l'écoute
Ne s'applique à tout retenir,
———
Pour en garder le souvenir.
 
 

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