Les Épaves de Charles Baudelaire : frontispice

Félicien Rops, (Amsterdam), 1866

Eau-forte, 16 x 10,2 cm (trait carré), 19,1 x 24 (feuille)
BnF, Réserve des livres rares, RÉSERVE CC-82 (B, 2)-FOL
© Bibliothèque nationale de France
Conçu pour Les Épaves, ce frontispice est le fruit d’une collaboration sans heurt, cette fois, entre Baudelaire et Félicien Rops, artiste dont il prise tant le talent que la compagnie. En lui, Baudelaire croit avoir enfin trouvé l’artiste capable de traduire en images son esthétique. Il lui écrit le 21 février 1866 qu’il trouve le frontispice « excellent, surtout plein d’ingenium ».
Poulet-Malassis publie cette édition à Bruxelles moins de dix ans après le retentissant procès des Fleurs du Mal. Outre les six pièces condamnées, le recueil contient dix-sept poèmes que Baudelaire n’avait pas retenus pour la seconde édition des Fleurs du Mal, en 1861 – d’où le titre d’Épaves. L’édition fut limitée à un tirage de 260 exemplaires. Les quelques volumes qui arrivent en France sont immédiatement saisis et condamnés à la destruction pour outrage à la morale publique et religieuse par le tribunal correctionnel de Lille, le 6 mai 1868.
 
Parodiant les savants commentaires de frontispice des ouvrages anciens, Poulet-Malassis accompagne l’image d’une explication. Au « Pommier fatal » figuré par un squelette et aux fleurs qui, comme dans la proposition de Bracquemond, symbolisent les sept péchés capitaux, se sont ajoutés un serpent, le squelette d’un cheval – « Pégase macabre, qui ne doit se réveiller, avec ses chevaucheurs, que dans la vallée de Josaphat » – et, adaptée d’un emblème de la Renaissance de Joachim Camerarius, l’image en médaillon d’une autruche avalant un fer à cheval accompagnée de la devise Virtus durissima coquit (« la Vertu digère les matières les plus dures »). Dans le ciel, une « Chimère noire » porte en apothéose le portrait du poète.