La vue verticale

La vue verticale est une autre originalité de l'art médiéval, redécouverte seulement dans les années 1930, par Xaudaro, grâce à l’aviation. Les premières tentatives sont précoces, mais se soldent par une difficulté irréductible à représenter chaque élément de l'image selon cette perspective unique : aux XIe-XIIe siècles, les Apocalypses figurent systématiquement la Jérusalem céleste comme vue d'en haut mais selon une perspective éclatée, les tours aplaties de profil sur le sol. En revanche, la maîtrise de la vue verticale s'affirme au XIIIe siècle, même si deux perspectives se télescopent encore sur une seule image. Dans le Livre de la chasse aux oiseaux de l'empereur Frédéric II, on observe, comme vu d'avion, un chasseur nageant dans une mare ou un lac. Quant aux faucons qui attendent leur maître autour de la pièce d'eau en achevant leur proie, ils sont figurés à la limite de la vue en plongée et de la représentation de profil. Au XIVe siècle, en Angleterre, la maîtrise de cet angle de vue est totale : le Psautier de Luttrell offre une vue d'avion parfaite d'une barque à quatre rameurs hâlée par deux marcheurs, ou encore, en plus gros plan, celle d’un mort dans son cercueil ouvert. En France, en revanche, on marie encore la perspective frontale et la vue plongeante.

 

Une maîtrise parfaite de la vue verticale est acquise en Italie au XIVe siècle. On en trouve des expressions jusque dans les illustrations foisonnantes de livres juridiques, par exemple dans un Décret de Gratien, où les artistes n'hésitent pas à figurer un moine et sa tonsure vue de dessus - image comique tout à fait comparable aux expériences graphiques d'un Crépax qui, dans Becky Lee (Comic Art, octobre 1988), croque un prélat chapeauté vu d'en haut et de près.