Abraham Bosse | ||||
L'Hôtel de Bourgogne, v. 1633-1634 | ||||
Eau-forte. 250 x 330 | ||||
BNF Est., Ed 30 a | ||||
L'Hôtel de Bourgogne, dont le nom est mentionné par Bosse dans un cartouche, inscrit dans le décor architectural, fut à partir de 1548 la scène théâtrale parisienne la plus importante jusqu'à la création de la Comédie-Française. Le lieu fut d'abord utilisé par la confrérie de la Passion qui y jouait les mystères sacrés. Les comédiens italiens vinrent ensuite y présenter des pièces au caractère bien différent. Cependant, c'est à partir des années 1620, lorsque la Compagnie du roi s'y établit, que l'Hôtel de Bourgogne va devenir un véritable lieu de prestige. Ce succès est dû à la qualité et à l'originalité de certains acteurs. Bosse représente sur cette estampe les trois acteurs les plus populaires de ce théâtre entre 1620 et 1630, période durant laquelle les amis jouaient des farces qui déchaînaient les rires du public. Le nom de scène des trois compères est mentionné dans le quatrain mais leur costume seul suffit à les identifier. En effet sont ici facilement reconnaissables Turlupin en train de voler subrepticement Gaultier-Garguille, tandis qu'une femme parle avec Gros-Guillaume. Gaultier est sans conteste le plus célèbre des trois : "Grand et maigre Gaultier possède un corps manifestement constitué pour la farce [...] il imagine de s'en servir pour captiver le rire dont les troupes italiennes rivales des comédiens du roy détiennent la suprématie. À l'exemple des Scaramouche et de tous les bateleurs que Rome ou Milan éduquèrent en bouffonnerie, il cultivera désormais la fleur éclatante de la farce" (Magne). Il commence à jouer sur les planches de l'hôtel de Bourgogne vers 1606, mais c'est à partir de la rencontre avec Robert Guérin, dit La Fleur ou Gros-Guillaume, et Henri Legrand sieur de Belleville, dit Turlupin, qu'il connaîtra un immense succès. Gros-Guillaume souligne l'énormité de son ventre par une double ceinture qu'il bride en haut et en bas. Il apparaît toujours sur scène le visage blanchi de farine, la légende dit que l'acteur avait d'abord exercé la profession de boulanger, il est plus vraisemblable que la fréquentation des comédiens italiens lui ait fait adopter ce grimage qui fait de lui "une caricature d'humanité". Turlupin est physiquement l'extrême contraire de Gros-Guillaume : bel homme il est en fait le prototype des valets dont Molière, quelques années plus tard soulignera la matoiserie. Gaultier porte ici son costume de scène habituel, il couvre son visage d'un masque à chevelure grise et barbe pointue, des lunettes, qu'il tient à la main, surmontent habituellement un énorme nez en carton. Le trio badin que Gaultier forme avec ses amis entre véritablement dans la gloire. Le quatrain qui commente et décrit cette estampe fait référence à la mort récente de l'acteur Gaultier, survenue en décembre 1633. De part et d'autre de la scène, un Français et un Espagnol semblent s'épier, à moins que le Français soit en train de conseiller à Turlupin d'aller dérober de l'argent à cet ennemi héréditaire. Soulignons qu'une copie de cette gravure a été réalisée par J. Veenhüysen, pour servir d'illustration de page de titre au Roman comique de Paul Scarron. Cette ouvre picaresque consacrée aux comédiens ambulants trouvait là une iconographie de choix. | ||||
En haut au centre, dans un cartouche : Ostel / de Bourgogne ; en bas, à gauche : ABosse in et fe, et au centre : le Blond excud Auec Priuilege du Roy. Dans un espace réservé au bas, 20 vers sur 5 colonnes : Que ce Theatre est magnifique ! / Que ces Acteurs sont inuentifs ! / Et qu'ils ont de preseruatifs / Contre l'humeur melancolique ! // Jcy d'vne posture drolle // Jls nazardent le mauuais temps / Et charment tous les Escouttans, / Auec vne seule parolle. // Jcy l'ingenieux Guillaume, / Contrefaisant l'homme de Cour, / Se plaist à gourmander l'Amour, / Troussé comme vn joueur de paume. // Jcy d'vne façon hagarde / Turlupin veut faire l'Escroq ; / Et l'Espaignol de peur du choq, / Fuit le François qui le regarde. // Mais le vray Gautier les surpasse, / Et malgré la rigueur du sort, / Il nous fait rire apres sa mort, / Au souuenir de sa grimasse. Dans une bordure de rinceaux. | ||||