Abraham Bosse | ||||
La Fortune de la France, v. 1635-1637 | ||||
Eau-forte. 261 x 315 (coup de planche) ; 258 x 313 (trait carré). | ||||
BNF Est., Ed 30, rés.*, épr. légèrement rognée, 1er état sur 2 | ||||
Au milieu d'un ciel chargé de nuées sombres à droite, qui s'éclaircissent vers la gauche, la Fortune (ou du moins l'Occasion, chauve par-derrière, chevelue par-devant) se dresse d'un pied sur une sphère ; autour d'elle flotte un drap brodé de fleurs de lis ; de cette figure semblent émaner des caducées, des palmes, des couronnes d'or ou de laurier, des sceptres, qui tombent du côté français. En effet, au premier plan s'opposent deux groupes de personnages. À gauche, des Français, parmi lesquels on peut supposer que se trouvent le roi et la reine, ainsi que, à cheval et tenant un bâton de commandement fleurdelisé, Gaston d'Orléans. Un chien aux pieds du roi aboie en direction des Espagnols, qui se trouvent du côté droit : l'un a la jambe gauche remplacée par un pilon, un autre est monté sur un âne, un troisième considère avec surprise les spectacles des batailles que l'on aperçoit au fond de la planche ; une femme chargée d'enfants les accompagne. Au second plan, une charge de la cavalerie française chasse les Espagnols reconnaissables à leurs hauts chapeaux. Au dernier plan se déroule une bataille navale. L'image est encadrée par une bordure de feuilles de laurier, avec dans l'angle supérieur gauche une fleur de lis symbolisant la France, et dans l'angle supérieur droit une tour symbolisant la Castille. La datation de cette pièce est délicate. Sa présence à l'arrière-plan de la planche des Graveurs en taille-douce datée de 1643 ne nous aide pas. Grâce à l'adresse de l'éditeur, Leblond le Jeune, soit Roland Leblond (sur le pont Notre-Dame, au Pélican, de novembre 1631 jusqu'en 1637, puis de 1639 à sa mort entre 1651 et 1656), on peut réduire l'écartement de 1631 à 1637, étant entendu qu'aucune allusion n'est faite à un dauphin né en septembre 1638. Comme Gaston est présent, cela signifie qu'il est réconcilié avec son frère Louis XIII, ce qui ne peut être avant octobre 1634. Nous nous contenterons d'une fourchette 1635-1637. Le dédicataire, Michel Le Blon, graveur d'ornement puis marchand d'art, fut l'agent de la reine Christine de Suède en Angleterre de 1632 à 1642. On trouve dans l'ouvre gravé de Michel Le Blon ses propres armoiries, qui correspondent à celles que Bosse a placées dans sa dédicace. Originaire d'Allemagne, où il est né à Francfort en 1587 (il était le cousin de Joachim von Sandrart, qui parle de lui dans sa Teutsche Akademie), il apprend son métier de graveur avec les de Bry, à Amsterdam, de 1612 à 1625. Son portrait a été gravé par Theodor Matham d'après un tableau de van Dyck aujourd'hui à Toronto. Il meurt à Amsterdam en 1656. On n'a pas de témoignage de son passage à Paris, bien qu'il faille supposer au moins une rencontre avec Bosse. | ||||
Au centre de la bordure supérieure, le titre : LA FORTVNE / DE / LA FRANCE. En bas de l'image, vers la gauche : le Blond le jeune exc. Auec Priuilege du Roy. Tout en bas de la planche sur un espace réservé, la dédicace : Jllustri Viro Michaeli Blondo Sacræ Regiæ Suecorum Majestatis et Coronæ - ad Serenissimum MagnæBritanniæ Regem Legato, Abrahamus Bosse D. D. Entre l'image et la dédicace, un poème de 24 vers sur 4 col., gravé sur une draperie feinte : Nos Ennemis meurent de voir, / Qu'ils n'ont ny force, ny pouuoir, / Sur la Fortune de la France ; / Et que l'Jnuincible Louys, / Dont elle entreprend la defence, / Rend leurs projets esvanouys. // Sur ce Chef des plus grands Guerriers, / Elle fait fleurir les Lauriers, / Dont la Victoire le Couronne ; / Et soustient si bien ses dessains, / Que les sceptres qu'elle luy donne, / Sont tousjours fermes dans ses mains. // - Ce Caualier estropié, / Reduit au train des Gens de pié, / Et cet autre sur sa Bourrique, / Font des voux inutilement / A celle qui leur fait la nicque, / et qui les joüe à tout moment. // La Fortune, qui dans les Cieux / les fuit, et qu'ils suivent des yeux, / Auec une mine hypocrite ; / Se mocque d'eux dans les combats ; / Et plus leur vanité l'irrite, / Plus elle aime à les mettre bas. | ||||