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Les
monuments du pouvoir |
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Nombreux
sont les projets de Boullée qui s'attachent à mettre en scène l'exercice du pouvoir,
dans ses expressions les plus variées, voire complémentaires. Exalter le pouvoir
monarchique par la proposition de rénover, totalement et avec ampleur, le château de
Versailles où réside Louis XVI, fait partie de ces tentatives pour renforcer l'image de
lAncien Régime déclinant. auxquelles d'autres architectes que Boullée se sont
essayés. L'état des finances royales, d'abord, puis létablissement d'une
monarchie constitutionnelle, éteignirent toute velléité de passer à l'acte. |
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Le projet de palais
idéal pour un souverain, sur le site du château de Saint-Germain-en-Laye, lieu de
naissance de Louis XIV, ressortit à une recherche symbolique similaire. Mais le programme
de ce palais qui inclut, comme à Marly, des résidences pour les courtisans, et, surtout,
un ensemble dédifices autonomes destinés à des activités utiles à l'éducation
des princes, montre l'influence de la pensée philosophique et politique des Lumières sur
la conception du pouvoir monarchique. Ce thème de léducation, étendu aux
individus citoyens et au peuple appelé à découvrir ses droits et ses devoirs civiques,
en jouissant du bonheur qu'apportent lusage des premiers et le respect des seconds,
est le thème récurrent des édifices administratifs et législatifs que Boullée
projette avec une égale magnificence. |
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Le palais
de Justice, le palais dAssemblée Nationale et le palais Municipal expriment les
fonctions auxquelles ils sont consacrés à partir de plans, de formes et demblèmes
qui doivent parler à limagination des usagers. La symétrie, la simplicité
géométrique des volumes, le gigantisme, lintégration au site, la multiplication
des lieux de passage entre lintérieur et lextérieur, comme la sculpture
(colonnes Trajanes) ou les épigraphes (textes gravés en façade), sont commentés par
Boullée dans son Essai, comme autant dincitations à une dramaturgie progressiste
de la vie civique. |
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Tous ces projets, conçus entre 1780 et 1792 , annoncent ou préfigurent lévolution
des murs politiques qui conduiront à la Révolution. Le plus bel exemple en est
sans doute le projet de nouveau Colisée, destiné aux réjouissances et, surtout,
à la formation patriotique du peuple. Dessiné en 1782, commenté par larchitecte
à laide dun texte historico-théorique de labbé Brotier, il annonce
par sa destination le plus grand local urbain édifié durant la Révolution :
lamphithéâtre du Champs de Mars, qui ne sera réalisé qu'en madriers et en terre
battue pour la Fête de la Fédération (14 juillet 1790). Il servit près de dix ans aux
rituels civiques parisiens, accueillant jusquaux compétitions sportives. |
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La
restauration du château de Versailles Daté de 1783, le projet de rénovation du
château de Versailles est une commande de Louis XVI à laquelle répondit Boullée et
plusieurs de ses confrères. La distribution générale du Palais fait lobjet
dune réflexion très approfondie. Elle demande, selon Boullée, une marche
grande, libre et surtout noble. Les retours ou les détours à
lintérieur des appartements sont évités et le parcours qui obéit à une
progression concertée, doit offrir une démonstration éclatante de la grandeur royale :
" Cest après avoir parcouru une multitude de grandes pièces remplies des plus
brillantes productions des arts, que le spectateur, qui nattend rien de plus beau,
vient à découvrir un lieu tellement supérieur à tout ce quil a vu, quil
reste étonné et saisi dadmiration de sa grandeur et de sa magnificence ". A
lextérieur, figurent les deux colonnes Trajanes, symbole de laspiration
séculaire de la monarchie française à lEmpire européen, comme dans les projets
dAssemblée Nationale et de Cirque, scellant ainsi symboliquement lunion
patriotique souveraine du roi, des lois et du peuple. |
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À lextérieur,
figurent les deux colonnes Trajanes, symbole de laspiration séculaire de la
monarchie française à lEmpire européen, comme dans les projets dAssemblée
Nationale et de Cirque, scellant ainsi symboliquement lunion patriotique souveraine
du roi, des lois et du peuple.
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Les
aménagements intérieurs mettent en scène les rapports du souverain et de son
peuple : " En parcourant [
] ce grand nombre de pièces existantes
aujourdhui, on arrive à la galerie [des Glaces], et ce magnifique lieu est le point
de centre doù le public peut apercevoir lenfilade des appartements de Leurs
Majestés. Il peut circuler facilement dans toute la première partie du palais
jusquau moment où le monarque, sortant de son appartement, le laisse jouir de sa
présence ". |
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Le
projet d'un palais pour un souverain Un palais situé à Saint-Germain-en-Laye.
Le projet dun Palais pour un Souverain date de 1785. À cette époque le château de
Saint-Germain appartenait au comte dArtois, dont larchitecte Bélanger
proposait des plans de reconstruction grandiose. Encore plus idéal, le projet de Boullée
pour le même site, est avant tout une démonstration théorique sur larchitecture
royale. |
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Destiné à lhabitation du souverain, entourée des palais de ses
courtisans, ce gigantesque projet prévoit également des bâtiments pour
léducation des princes et trace à travers le village de Nanterre et les bois du
Vésinet un large canal qui " formerait un miroir magnifique où se
reproduiraient, de mille et mille manières différentes, toutes les richesses de la
nature ". Inspiré
par les pensées de Montaigne sur léducation, Boullée veut créer une familiarité
entre les élèves et leurs maîtres et accompagne les résidences de locaux destinés aux
académies des arts et des sciences. Il établit des bâtiments pour " former la
jeunesse aux exercices du corps ". Linstruction du prince se termine dans
un " Temple de Thémis ", Boullée jugeant " quil
était de la dignité du souverain détablir près du trône celui de la
justice " |
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Un palais
auquel sont réunis les palais des grands qui forment sa cour.
Boullée a justifié de la manière suivante son choix de situer un palais royal à
Saint-Germain-en-Laye :
" Il ma semblé quen France cette habitation serait parfaitement
située à Saint-Germain-en-Laye. Je me suis déterminé à choisir ce lieu dautant
plus volontiers quen le préférant, je remplissais un des points les plus
essentiels et que Vitruve avec raison recommande expressément aux architectes.
Cest-à-dire que je massurais de la salubrité, car il est de fait quon
respire à Saint Germain lair le plus pur. Il est de fait encore que cest dans
ce beau séjour que lon jouit des grandes beautés de la nature. Cest donc sur
le vaste et magnifique amphithéâtre formé par la montagne de Saint-Germain-en-Laye que
jai établi ce palais. Je lai placé de manière quil parût appartenir
aux cieux. Quoique très élevée, la superbe enceinte formée par les palais des grands
est encore dominée par lhabitation du monarque. Placé à une distance convenable,
le spectateur peut dun seul coup dil apercevoir et embrasser tous les
bâtiments qui forment ce grand ensemble ". |
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Palais
de Justice Le projet de Palais de Justice, vraisemblablement daté de 1782, coïncide avec
le sujet du Grand Prix proposé par lAcadémie royale darchitecture et de
violentes polémiques sur la reconstruction en cours du Palais de Justice de Paris. La
dimension et la portée de ce programme à la fin de lAncien Régime sont
particulièrement symboliques de la volonté de réformer la justice pour la rendre plus
équitable et plus accessible. Il nen reste pas moins " que le lieu où réside
le trône de la justice doit être très imposant " afin de façonner son "
caractère ". Boullée impose la symétrie parfaite dune monumentale
composition qui domine " tout ce qui lenvironne ". La vue sur langle
du bâtiment met en valeur labsence de hiérarchie des façades qui soffrent
toutes égales aux citoyens.
La dialectique palais de justice - prison est respectée afin de désigner spécifiquement
la destination du bâtiment public. Lartiste propose " cet auguste palais
élevé sur lantre ténébreux du crime " pour mettre en valeur "
dune manière métaphorique le tableau imposant des vices accablés sous le poids de
la justice ". La disposition au ras du sol des entrées de prison, figure " le
sépulcre précaire des criminels " face à " la noblesse majestueuse de
larchitecture " .
De plan carré, lédifice se décompose dans une symétrie parfaite à partir
dun point central de forme circulaire, qui abrite la cour du Parlement . De ce point
rayonnent les différentes juridictions qui sarticulent autour de cours carrées.
Une galerie enserre cet ensemble quelle sépare dune série de salles annexes
qui souvrent sur les portiques monumentaux des façades. Les rapports
déchelle que proposent ce " tableau " participent à limage de
justice voulu par Boullée. La succession descaliers pharaoniques intime une
allégeance aux valeurs de la justice qui simposent par leurs gravité. Ces effets
sont relégués par un gigantesque autodafé autour duquel se tient une assemblée de
citoyens. |
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Palais Municipal
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Le projet de palais municipal imaginé en 1792, présente beaucoup de similitudes
avec le palais de justice au-delà de son angle de représentation. De plan carré, il
offre quatre façades identiques et est disposé sur un socle tenu aux angles par des
corps de gardes sur lesquels repose métaphoriquement " la société ". Conçu
comme un lieu destiné aux magistrats de la commune et aussi comme " la maison de
tous ", son accessibilité est mise en évidence par la réduction des perrons et le
percement continu de son pourtour tel " une fourmilière " . En effet "
c'est dans cette maison que les citoyens font entendre leurs réclamations et qu'ils
assistent aux délibérations les plus importantes ". À ses yeux cependant, " la
ruche humaine " qu'envisage Boullée pour son palais municipal doit rester une
architecture " républicaine ", " mâle et fière " révélée par
" les corps lisses ", c'est-à-dire des façades nues dont la valeur expressive
n'est pas amoindrie par de trop nombreuses fenêtres. Lhorizontalité de
lédifice est renforcée par le large bandeau formé par lalignement des deux
étages. La hiérarchisation des différents niveaux selon des critères sociaux rigides,
illustre la volonté utopique de Boullée, qui veut ici rationaliser les espaces. Les
partie hautes sont réservées aux magistrats car selon lauteur de lEssai :
" cest à une certaine hauteur que les images extérieures ont de
létendue et que nous jouissons de ce quon appelle une belle vue ". La
vaste salle de délibération placée au cur de l'édifice reçoit un éclairage
zénithal sur le modèle antique tout comme les galeries supérieures. Un large attique
circulaire englobe les parties hautes et dissimule le dôme central depuis l'extérieur.
La distribution du plan propose une vision idéale du bâtiment public : le centre abrite
le cur du dispositif dans lequel magistrats et citoyens se retrouvent en assemblée.
Des quatre côtés partent des galeries daccès séparées par des cours où le
public peut débattre préalablement. Pour le reste, larchitecte a " pratiqué
des galeries communiquant de toutes parts et des ouvertures sans nombre, en sorte qu'une
fourmilière d'hommes pût entrer et sortir librement et sans tumulte ". |
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Palais
national L'iconographie
mobilisée pour ce palais national déploie toutes les facettes de l'utopie politique de
Boullée. L'édifice projeté en 1792, fédère les nouveaux départements du pays
figurés sous la formes d'allégories disposées aux pieds de la façade. Les murs, ornés
" des tables des lois constitutionnelles " sont couronnés d'un attique "
représentant nos fêtes nationales ". L'ensemble est sommé d'un groupe sculpté
célébrant le triomphe de la Liberté. Deux colonnes Trajanes monumentales encadrent la
composition frontale, lui donnent une dignité et une majesté toute antique en racontant
au public l'épopée d'une liberté nouvellement acquise.

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Boullée
prévoit de situer le Palais national sur l'emplacement de l'ancien couvent des Capucines,
entre la place Vendôme et le boulevard. La parcelle cependant lui paraît trop exiguë
aussi l'architecte allègue-t-il " que tenir en brassière le génie d'un artiste,
c'est anéantir tous les dons qu'il tient de la nature ". Ce plan n'en est pas moins
rigoureusement symétrique et le cur du complexe (la salle d'assemblée) subordonne
tous les espaces annexes fondés sur un seul module carré, répété dix-neuf fois sur
chacun des côtés du palais.
La coupe sur la salle d'assemblée met en lumière le dispositif axial de la composition
et les systèmes constructifs qui sont autant d'emprunts à l'architecture de la Rome
antique ; en particulier la coupole apparaît directement inspirée par celle du Panthéon
inauguré en 27 av. J.-C . L'éclairage zénithal, autorisé par les innovations
techniques contemporaines permet à l'architecte de produire des effets lumineux dans les
espaces intérieurs et de limiter les ouvertures sur l'extérieur. Pour la bibliothèque
Boullée réutilise la formule du gradin de rayonnage [voir les projets de bibliothèque
royale]. L'architecte met à la disposition des députés toutes les fonctions
nécessaires à la rédactions de " lois justes ". 

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Le Cirque ou " Colisée " " Pourquoi ne saisirait-on pas des
moyens qui, loin dexiger des sacrifices, ramèneraient les bonnes murs par
lattrait du plaisir ? Le projet de cirque que je présente ici est conçu pour
remplir des vues morales et politiques ".

Ce projet colossal pour trois cents
mille personnes est lun des plus évocateur du contexte pré-révolutionnaire.
Inspiré par le Colisée de Rome dont il juge la décoration insuffisante, Boullée fait
valoir labsence dun lieu de rassemblement susceptible de contenir le peuple
pour des rassemblements patriotiques. Les événements dramatiques lors du mariage de
Louis XVI sur lactuelle place de la Concorde (1770), comme létroitesse des
places susceptibles daccueillir les foules parisiennes, conduisent lartiste à
imaginer huit ans avant la Fête de la Fédération au Champs de Mars (14 juillet 1790),
une architecture emblématique des valeurs patriotiques et citoyennes, que la Révolution
ne réalisera quen terre battue et madriers. Il sagit pour lauteur,
dun " grand moyen pour former et maintenir les bonnes murs " car,
dit-il " les plaisirs nationaux sont nobles et imposants ". Ainsi "
cest sous les yeux de tous que lâme du citoyen sélève et
sépure ". Limmense arène est placée " dans un lieu appelé
lEtoile, à la suite des Champs-Elysées ; afin de pouvoir offrir au public des
accès faciles et des débouchés convenables ". Son pourtour est ponctué de
galeries et dun " nombre infini descaliers pour arriver à
lamphithéâtre ". Lieu dostentation patriotique, Boullée limagine
" remplie dune brillante jeunesse ", où encore de cultivateurs que
lon récompenserait pour leurs exploits et leurs vertus. Chacun " ne pourrait
échapper au regard de la multitude " . Les courses, les parades militaires ou encore
la distribution des prix académiques seraient des " sujets propres à honorer la
nation et à exciter ladmiration des étrangers ".

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