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À la fin du Moyen Âge, émerge, autour d’auteurs comme
Pétrarque en Italie ou Christine de Pisan en France, l’identité fondamentale
d’une œuvre référée à un nom propre et placée dans un livre manuscrit
qui ne comporte plus qu’elle. Jusqu’alors le manuscrit médiéval en langue
vulgaire était un "livre recueil", dans lequel des textes, de dates, de
genres et même de langues différents, étaient rassemblés par la volonté
de son propriétaire. Il n’y avait pas de "fonction-auteur" pour parler
comme Foucault, mais une "fonction-lecteur", ou une "fonction-copiste",
mais c’est à la fin du Moyen Âge que pour certains auteurs se met en place
une unité indissociable entre un objet matériel, le livre, l’œuvre définie
comme singulière ou comme un ensemble de textes formant œuvre, et le nom
propre garant du texte. Cette première étape de la construction de la
figure et de la fonction de l’auteur, marquée par la volonté d’un contrôle
sur la chaîne des copies, se traduit de manière "codicologique" par l’existence
du "livre unitaire", comme on dit en italien, qui rassemble œuvre et nom
propre dans un même objet. Une seconde étape intervient au début de l’âge
moderne, lorsque l’auteur est pour ainsi dire produit par les censures,
et son nom propre utilisé dans les index des différentes universités,
de l’Inquisition ou des polices d’État comme instrument de repérage des
textes prohibés. C’est une construction qui intéressait beaucoup Foucault,
puisqu’elle se fait à partir de l’appropriation pénale d’un discours jugé
transgressif : le nom d’auteur fonde une identité fondamentale, car c’est
lui qui permet le plus aisément la répression.
Le XVIIIe siècle constitue un troisième moment, avec la reconnaissance
de la propriété littéraire : l’œuvre est désormais considérée comme la
propriété de son auteur parce qu’elle transmet son style, son sentiment,
son langage ; si les idées appartiennent, et doivent appartenir à tout
le monde, surtout lorsqu’elles sont éclairées, en revanche tout ce qui
relève de la projection dans l’œuvre de la singularité individuelle traduite
par une manière de dire, de sentir, d’écrire, fonde la propriété littéraire.
Celle-ci peut évidemment être transmise à ceux qui éditent, les libraires
et imprimeurs, mais sa réalité première est liée à l’auteur. Ce sont ces
trois temps sédimentés (fin du Moyen Âge, début de l’âge moderne, XVIIIe
siècle) qui forment encore la conscience d’auteur aujourd’hui, identifiant
l’œuvre dans sa différence et la rapportant au sujet qui l’a créée.
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