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Pendant quelques semaines
exaltées de 1919, André Breton et Philippe Soupault, autre "pôle"
de l’aimant et partenaire irremplaçable du fait de sa qualité exceptionnelle
de disponibilité à l’instant, vont produire l’essentiel des Champs
magnétiques. Expérience d’écriture menée à deux dans l’horizon du
freudisme, découvert par Breton en 1916, et non pas dans la mouvance des
idées de Janet sur l’automatisme, comme le prétend une légende récente
mais déjà tenace : la méthode des associations libres et les analyses
menées par Freud et Jung sur des textes littéraires sont à l’origine du
projet de cette "écriture sans sujet" et affranchie autant qu’il
se peut de la censure psychique, l’abandon à la plume devant garantir
les meilleures chances d’extraire le "minerai brut", selon les
formules consignées quelque temps après dans un carnet de Breton. Témoignage
direct de la naissance de cette prose fiévreuse et glacée au fil des écritures
alternées, le manuscrit de travail montre que des déplacements et des
corrections sont intervenus après coup. Paraissant aller à l’encontre
du parti pris d’enregistrement de la dictée intérieure, ces modifications
ont été invoquées pour instruire des procès naïfs. Rappelant que Breton
lui-même en faisait état dans le Manifeste du surréalisme, Marguerite
Bonnet a souligné avec justesse (dans l’édition de la Pléiade des Œuvres
complètes d’André Breton) que, dès ses premières manifestations, l’écriture
automatique a été une expérience ambivalente : "parole pulsionnelle,
elle reste en même temps surveillée, cet irrésistible contrôle intervenant
à des moments et à des degrés divers. C’est dire que l’automatisme est
un objectif que le poète se propose sans jamais pouvoir l’atteindre totalement
dans la durée, et que, contrairement à une autre idée reçue, Breton n’a
jamais sacralisé cette technique, tout en appuyant sur elle l’élan de
son écriture poétique."
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