Avec
un roman épistolaire "scandaleux", signé de ses seules initiales,
"Ch. de L.", Laclos s'inscrit bien dans la tradition du XVIIIe
siècle où la fiction des lettres et mémoires retrouvés
fait florès, où libertinage et anonymat vont de pair. Il
en bouleverse les fondements. Sous le double jeu de la Merteuil et de
Valmont, Tartuffe et Don Juan de leur siècle, derniers rejets de
cette société trop policée de la fin de l'Ancien
Régime, s'ourdit le piège infernal dans lequel eux-mêmes
tomberont. En une construction dramatique inéluctable, la correspondance
croisée crée la troublante ambiguïté du roman,
apologie du libertinage ou peinture d'un sentimentalisme à la Rousseau.
Les contemporains ne s'y trompèrent pas. Le succès prodigieux
des Liaisons dangereuses dès sa publication en 1782 n'avait
eu d'égal que celui de La Nouvelle Héloïse,
vingt ans plus tôt. L'écriture tendue de Laclos semble refléter
la tension du récit. Ce n'est pourtant que la copie d'un premier
jet inconnu, travaillée en deux temps et sur laquelle Laclos remanie
encore l'ordre des lettres, dont certaines portent des dates précises
entre 1778 et 1781. En poste à cette époque à l'île
d'Aix, le capitaine d'artillerie Laclos bâtissait son chef-d'œuvre.
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