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Aussi, depuis l'entrée du chapelier dans le
ménage, le zingueur, qui fainéantait déjà pas mal, en était arrivé
à ne plus toucher un outil. Quand il se laissait encore embaucher, las de
traîner ses savates, le camarade le relançait au chantier, le blaguait
à mort en le trouvant pendu au bout de sa corde à nœuds comme un jambon
fumé, et il lui criait de descendre prendre un canon. C'était réglé,
le zingueur lâchait l'ouvrage, commençait une bordée qui durait des
journées et des semaines. Oh ! par exemple, des bordées fameuses,
une revue générale de tous les mastroquets du quartier, la soûlerie du
matin cuvée à midi et repincée le soir, les tournées de casse-poitrine
se succédant, se perdant dans la nuit, pareilles aux lampions d'une
fête, jusqu'à ce que la dernière chandelle s'éteignit avec le dernier
verre ! Cet animal de chapelier n'allait jamais jusqu'au bout. Il
laissait l'autre s'allumer, le lâchait, rentrait en souriant de son air
aimable. Lui, se piquait le nez proprement, sans qu'on s'en aperçût.
Quand on le connaissait bien, ça se voyait seulement à ses yeux plus
minces et à ses manières plus entreprenantes auprès des femmes. Le
zingueur, au contraire, devenait dégoûtant, ne pouvait plus boire
sans se mettre dans un état ignoble.
Émile Zola, L'Assommoir,
chapitre VIII.
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