La troupe équestre de Charles Hughes à Florence (Italie)
Au lieu dit Reale Cavallerizza di San Marco
Estampe, avril 1775
Collection Jacob/William. CNAC, Châlons-en-Champagne ; La Tohu, Cité du cirque Montréal, Québec
© Centre national des arts du cirque, collection Jacob/William
Cette estampe, qui fait fonction d’avis et d’autorisation officielle, annonce les exercices équestres de Charles Hughes et de son épouse, originaires de Grande-Bretagne, dans la carrière du manège royal de la place San Marco, à Florence, en avril 1775. Florence est une étape dans une tournée qui le conduit à se produire dans plusieurs villes de la péninsule et se termine à Naples en octobre de la même année. Classiquement ornée de petits bois gravés, souvent repris d’une troupe à l’autre, cette affichette détaille les éléments de la représentation et en précise la date et l’heure. Ici, une main maladroite, peut-être celle de Hughes lui-même, a biffé la mention initialement imprimée pour ajouter la date d’un spectacle supplémentaire, le dimanche 30 avril, pour éviter de produire une nouvelle affiche.
Excellent écuyer, employé puis rival malheureux de son compatriote Astley, Charles Hughes est l’un des pionniers du cirque moderne. Entrepreneur maladroit, il connaît plusieurs revers de fortune, mais la fondation du Royal Circus en 1782 lui assure une place de choix dans l’histoire des arts de la piste. Si Philip Astley en a posé les bases, c’est bien Charles Hughes et son associé Charles Dibdin qui ont baptisé une forme artistique inédite en inscrivant pour la première fois le mot « circus » au fronton de leur établissement londonien.
Cadet de quelques années de Philip Astley, son premier employeur, Charles Hughes est né en Angleterre en 1747. Rapidement repéré pour ses talents d’écuyer, il se produit régulièrement devant un public toujours fasciné par la voltige et les exercices d’agilité. En 1771, Hughes est engagé à l’Amphithéâtre Astley installé à Westminster Bridge Road. Un an plus tard, il quitte son emploi, publie un traité d’équitation The Complete Horseman, or, the Art of Riding Made Easy. Illustrated by Rules drawn from Nature et ouvre son propre établissement le 23 avril 1772 à Blackfriars Road, The Hughes Riding School. En marge des leçons données quotidiennement, il y présente des spectacles où s’illustrent les écuyères Sobieska Clementina – sa sœur – et Miss Huntly, accompagnées de Mme Hughes et d’un jeune homme de bonne naissance capable de sauter 40 fois sans pause par dessus un cheval. En 1773, il crée The British Horse Academy à Blackfriars Bridge, mais en juillet de la même année, il quitte l’Angleterre avec sa troupe et voyage à travers l’Europe pendant huit ans. Il se produit devant de multiples têtes couronnées, parcourant les royaumes de France, d’Italie, de Sardaigne, de Naples, d’Espagne et du Portugal. Il se produit également devant l’Empereur d’Allemagne et le Sultan du Maroc. À l’issue d’une tournée en Espagne, il rentre en Angleterre à la fin de l’année 1781 (ou au début de 1782). Sa famille compte désormais une petite fille, Wilhelmina. Il s’associe alors avec un auteur de pantomimes, Charles Dibdin (1745-1814) avec lequel il fonde un nouvel établissement. Sur un terrain loué au Colonel West, fils du Vice Amiral Temple West, les deux hommes élaborent un bâtiment doté d’une piste et d’une scène qu’ils baptisent Royal Circus. C’est un espace rendu hybride par la présence d’un vaste plateau juxtaposé à la piste circulaire, mais c’est surtout la première fois que le terme circus est inscrit au fronton d’un lieu où sont présentés des exercices équestres et acrobatiques. Le Royal Circus and Equestrian Philarmonic Academy ouvre ses portes le 4 novembre 1782 et offre une soirée composite où sont présentés la troupe de Hughes et un ballet et une pantomime de Dibdin, Admetus et Mandarina or the Refusal of Harlequin. Les relations entre les deux associés ne sont pas bonnes : Dibdin juge Hughes comme un personnage faible, instable et une « absurde créature … » La première saison s’achève après 14 représentations et un succès mitigé. Charles Dibdin abandonne l’affaire en 1785 et Hughes, seul aux commandes, en modifie régulièrement l’affectation. Il obtient une licence pour vendre de l’alcool et transforme la salle en un « lieu de débauche et d’orgies ». En 1787, Hughes fusionne sa compagnie d’écuyers avec The Royal Troop, riche de 80 personnes, qui offre à Hughes l’opportunité de prendre la première place dans l’éventail des divertissements présentés à Londres.
En 1791, fort de son amitié avec Sir John Dick, Hughes est invité par le comte Orlov à acheter des chevaux pour l’Impératrice de Russie. Il remplit si bien sa mission qu’il est invité à convoyer lui-même les bêtes jusqu’à Saint-Pétersbourg. Lors de son séjour, il donne des cours d’équitation à plusieurs membres de l’aristocratie russe. Hughes regagne Londres quelques mois plus tard pour résoudre un conflit pressant avec son bailleur, Lady Mary West. Entretemps, l’un de ses meilleurs écuyers, John Bill Ricketts s’est embarqué pour le Nouveau Monde ou il va implanter les jeux équestres et fonder le cirque américain. En 1793, alors que Ricketts ouvre les portes de son premier établissement à Philadelphie, un convoi d’animaux exotiques, chèvres, moutons et chameaux, ramené d’Alger à Londres par Sir John Dick, constitue une « ménagerie » imprévue, vite offerte à la curiosité des spectateurs du Royal Circus. Habitué à louer des chevaux aux différents théâtres londoniens, Hughes fournit également des renards, des chiens de meute et des chevaux pour une chasse à courre à Covent Garden.
Finalement écarté des affaires du Royal Circus, il s’éteint le 7 décembre 1797, à l’âge de 50 ans.
Voir aussi :
- Charles Hughes, The Compleat Horseman or the Art of Riding Made Easy, London printed for F. Newberry and sold at Hughes’s Riding School, 1772.
Sources :
- Philip H. Highfill, Kalman A. Burnim, Edward A. Langhans, A Biographical Dictionary of Actors, Actresses, Musicians, Dancers, Managers & Other Stage Personnel in London, 1660-1800, SIU Press 1973, p. 19-22.
- The Memoirs of Jacob Decastro, Comedian, London, R. Humphreys, 1824, chapitre « The History of the Royal Circus », p. 117-166.
- William Harrison Ainsworth, Ainsworth’Magazine, Chapman and Hall, 1844, chapitre « The Elliston Papers », p. 254.
- S.-L. Kotar , J. E. Gessler, The Rise of the American Circus 1716-1899, p. 10, 21, 23…
- Gazzetta universale : o sieno notizie istorice, politiche, di scienze, n°36, vol.2, p. 11 : 9e représentation de Hughes, le dimanche 7 mai 1775 ; n°33 du 25 avril 1775, p. 95 et n°45 du 6 juin 1775, vol. 2, p. 353.
- Gazzeta Toscana, vol. 9, mai 1775, n°19, Livorno 4 de maggio (1775), p. 76 : Invitation à venir voir ses exercices équestres pour la dernière fois le dimanche 14 mai à 6 heures au Manège royal de San Marco.
Excellent écuyer, employé puis rival malheureux de son compatriote Astley, Charles Hughes est l’un des pionniers du cirque moderne. Entrepreneur maladroit, il connaît plusieurs revers de fortune, mais la fondation du Royal Circus en 1782 lui assure une place de choix dans l’histoire des arts de la piste. Si Philip Astley en a posé les bases, c’est bien Charles Hughes et son associé Charles Dibdin qui ont baptisé une forme artistique inédite en inscrivant pour la première fois le mot « circus » au fronton de leur établissement londonien.
Cadet de quelques années de Philip Astley, son premier employeur, Charles Hughes est né en Angleterre en 1747. Rapidement repéré pour ses talents d’écuyer, il se produit régulièrement devant un public toujours fasciné par la voltige et les exercices d’agilité. En 1771, Hughes est engagé à l’Amphithéâtre Astley installé à Westminster Bridge Road. Un an plus tard, il quitte son emploi, publie un traité d’équitation The Complete Horseman, or, the Art of Riding Made Easy. Illustrated by Rules drawn from Nature et ouvre son propre établissement le 23 avril 1772 à Blackfriars Road, The Hughes Riding School. En marge des leçons données quotidiennement, il y présente des spectacles où s’illustrent les écuyères Sobieska Clementina – sa sœur – et Miss Huntly, accompagnées de Mme Hughes et d’un jeune homme de bonne naissance capable de sauter 40 fois sans pause par dessus un cheval. En 1773, il crée The British Horse Academy à Blackfriars Bridge, mais en juillet de la même année, il quitte l’Angleterre avec sa troupe et voyage à travers l’Europe pendant huit ans. Il se produit devant de multiples têtes couronnées, parcourant les royaumes de France, d’Italie, de Sardaigne, de Naples, d’Espagne et du Portugal. Il se produit également devant l’Empereur d’Allemagne et le Sultan du Maroc. À l’issue d’une tournée en Espagne, il rentre en Angleterre à la fin de l’année 1781 (ou au début de 1782). Sa famille compte désormais une petite fille, Wilhelmina. Il s’associe alors avec un auteur de pantomimes, Charles Dibdin (1745-1814) avec lequel il fonde un nouvel établissement. Sur un terrain loué au Colonel West, fils du Vice Amiral Temple West, les deux hommes élaborent un bâtiment doté d’une piste et d’une scène qu’ils baptisent Royal Circus. C’est un espace rendu hybride par la présence d’un vaste plateau juxtaposé à la piste circulaire, mais c’est surtout la première fois que le terme circus est inscrit au fronton d’un lieu où sont présentés des exercices équestres et acrobatiques. Le Royal Circus and Equestrian Philarmonic Academy ouvre ses portes le 4 novembre 1782 et offre une soirée composite où sont présentés la troupe de Hughes et un ballet et une pantomime de Dibdin, Admetus et Mandarina or the Refusal of Harlequin. Les relations entre les deux associés ne sont pas bonnes : Dibdin juge Hughes comme un personnage faible, instable et une « absurde créature … » La première saison s’achève après 14 représentations et un succès mitigé. Charles Dibdin abandonne l’affaire en 1785 et Hughes, seul aux commandes, en modifie régulièrement l’affectation. Il obtient une licence pour vendre de l’alcool et transforme la salle en un « lieu de débauche et d’orgies ». En 1787, Hughes fusionne sa compagnie d’écuyers avec The Royal Troop, riche de 80 personnes, qui offre à Hughes l’opportunité de prendre la première place dans l’éventail des divertissements présentés à Londres.
En 1791, fort de son amitié avec Sir John Dick, Hughes est invité par le comte Orlov à acheter des chevaux pour l’Impératrice de Russie. Il remplit si bien sa mission qu’il est invité à convoyer lui-même les bêtes jusqu’à Saint-Pétersbourg. Lors de son séjour, il donne des cours d’équitation à plusieurs membres de l’aristocratie russe. Hughes regagne Londres quelques mois plus tard pour résoudre un conflit pressant avec son bailleur, Lady Mary West. Entretemps, l’un de ses meilleurs écuyers, John Bill Ricketts s’est embarqué pour le Nouveau Monde ou il va implanter les jeux équestres et fonder le cirque américain. En 1793, alors que Ricketts ouvre les portes de son premier établissement à Philadelphie, un convoi d’animaux exotiques, chèvres, moutons et chameaux, ramené d’Alger à Londres par Sir John Dick, constitue une « ménagerie » imprévue, vite offerte à la curiosité des spectateurs du Royal Circus. Habitué à louer des chevaux aux différents théâtres londoniens, Hughes fournit également des renards, des chiens de meute et des chevaux pour une chasse à courre à Covent Garden.
Finalement écarté des affaires du Royal Circus, il s’éteint le 7 décembre 1797, à l’âge de 50 ans.
Voir aussi :
- Charles Hughes, The Compleat Horseman or the Art of Riding Made Easy, London printed for F. Newberry and sold at Hughes’s Riding School, 1772.
Sources :
- Philip H. Highfill, Kalman A. Burnim, Edward A. Langhans, A Biographical Dictionary of Actors, Actresses, Musicians, Dancers, Managers & Other Stage Personnel in London, 1660-1800, SIU Press 1973, p. 19-22.
- The Memoirs of Jacob Decastro, Comedian, London, R. Humphreys, 1824, chapitre « The History of the Royal Circus », p. 117-166.
- William Harrison Ainsworth, Ainsworth’Magazine, Chapman and Hall, 1844, chapitre « The Elliston Papers », p. 254.
- S.-L. Kotar , J. E. Gessler, The Rise of the American Circus 1716-1899, p. 10, 21, 23…
- Gazzetta universale : o sieno notizie istorice, politiche, di scienze, n°36, vol.2, p. 11 : 9e représentation de Hughes, le dimanche 7 mai 1775 ; n°33 du 25 avril 1775, p. 95 et n°45 du 6 juin 1775, vol. 2, p. 353.
- Gazzeta Toscana, vol. 9, mai 1775, n°19, Livorno 4 de maggio (1775), p. 76 : Invitation à venir voir ses exercices équestres pour la dernière fois le dimanche 14 mai à 6 heures au Manège royal de San Marco.
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BnF, Éditions multimédias, 2021