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Historiquement, la féerie est une marraine consubstantielle du roman. Les
premiers "romans" médiévaux, tels ceux du cycle arthurien ou
des légendes familiales comme Mélusine, autant que les lais de Marie de France
mettent en scène des
fées (Viviane, Morgane, Mélusine) et des enchanteurs (Merlin). De même,
bien des romans de chevalerie courtoise des XVe et XVIe
siècles ou le Gargantua
de Rabelais convoquent motifs et personnages de la féerie. Cervantes s’en
moque dans son Don Quichotte, et le siècle de Voltaire produit des
contes mais ne met pas les fées dans ses romans.
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Des créateurs d’univers
C’est à partir de 1785, avec les
Aventures du baron de Münchausen, que le merveilleux rejoint le
roman, avec la reprise du motif des Six Serviteurs. Il n’existe
ni genre ni école du roman féerique, mais une série d’œuvres ou d’univers
isolés, créés par des auteurs férus de contes de fées, dans cet âge
d’or du roman que fut le XIXe siècle. Alors que les contes
réduits à des drames réalistes n’avaient jamais cessé d’être
employés sous la Révolution et l’Empire, la mode médiévale et
fantastique du romantisme explique sans doute la réinsertion des thèmes
merveilleux dans les œuvres de Nodier (La Fée aux miettes) et de
ses contemporains.
En Angleterre, si La Rose et l’Anneau de Thackeray, paru en 1855,
est un long conte, les Waterbabies de Kingsley, en 1863, sont un
grand roman clairement qualifié de fairy-tale. Le succès de cette
fairy donne naissance à deux univers particulièrement originaux,
celui de Lewis Carroll avec Alice’s Adventures in Wonderland et Through
the Looking Glass et celui de James Matthew Barrie, Peter Pan in
Kensington Gardens et Peter Pan. En Italie, Collodi, adaptateur
de Perrault en 1875, publie en 1881 la Storia di un burratino,
devenue par la suite Pinocchio.
En France, c’est un auteur parfaitement classique, Anatole France,
qui fait planer l’ombre des fées sur Le Crime de Sylvestre Bonnard.
Il écrit Les Sept Femmes de Barbe-Bleue et donne une synthèse
remarquable sur la nature des contes de fées dans le "Dialogue sur
les contes de fées" qui clôt Le Livre de mon ami.
Aux Etats-Unis, L.F. Baum publie en 1900 The Wonderful Wizard of Oz.
Cette production de chefs-d’œuvre romanesques situés dans des univers
de féerie semble alors se tarir, peut-être sous l’influence de la
crise générale naissante du roman. En un sens, les œuvres de J.R.R.
Tolkien, The Hobbit et The Lord of the Rings, avec leur cortège
de nains, dragons, elfes et magiciens, referment avec éclat la
parenthèse merveilleuse du roman féerique. Après lui, des épigones
produisent quantité de romans qualifiés d’heroic-fantasy, bien
pâles reflets de ces alchimies. Rowling et Harry Potter ouvre
aujourd’hui une autre voie : la parodie du roman merveilleux
destinée aux enfants.
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