A la suite de Perrault

Le conte de Perrault possède les caractéristiques du genre : rapidité du récit, anonymat des personnages dépourvus de réalisme physique – même si on sait que notre héroïne est "cent fois plus belle que ses sœurs"– mais caractérisés par quelques qualificatifs d’ordre moral, mondain ou psychologique : la belle-mère est "la plus hautaine et la plus fière qu’on eût jamais vue" tandis que Cendrillon est "d’une douceur et d’une bonté sans exemple".
Tout comme le sadisme du conte populaire, les connotations sexuelles sont très allégées par Perrault : c’est un gentilhomme de la cour qui fait l’essai de la pantoufle !
La langue est fluide, policée et élégante, comme le récit, sans le moindre heurt, où le merveilleux semble aller de soi. Une petite touche d’humour et un "gros plan" sur la transformation de la citrouille en carrosse …, d’un rat "en un gros cocher, qui avait les plus belles moustaches qu’on ait jamais vues"… Les vilaines sœurs sont à peine méchantes et racontent fort civilement à Cendrillon la présence d’une merveilleuse princesse à la cour dont elles ne semblent tirer aucune amertume. Les connotations sexuelles sont très allégées : c’est un gentilhomme de la cour qui fait l’essai de la pantoufle !

   

Cousine des contes licencieux du XVIIIe siècle, la Cendrillon de Louis Anseaume (1759), première adaptation théâtrale dans le temps de notre conte, baigne dans un érotisme galant. Point de souffrance au coin du feu, d’annonce de bal à la cour. Le début de la pièce se passe au lendemain du bal où la jeune fille n’ose avouer à sa marraine, ce qu’elle a perdu dans la nuit…
La Cendrillon des frères Grimm, postérieure d’un siècle et demi à celle de Perrault, est âpre, populaire et poétique. Pas de description physique des personnages (Cendrillon est " pieuse et bonne "), mais des scènes réalistes, rapidement brossées, entrecoupées de dialogues, montrant, par exemple, les sœurs se mutilant les pieds, qui saignent dans la chaussure de Cendrillon.
Même cruauté dans le féerique : Cendrillon plante une branche qu’elle arrose de ses larmes. Devenue un arbre, celle-ci attire des oiseaux blancs qui remplissent les tâches impossibles imposées par la marâtre. Ils jetteront à notre héroïne ses robes de bal et, à la fin du conte, crèveront les yeux des méchantes sœurs.