Des villes et des hommes

Bibliothèque nationale de France
Philippe le Beau, entouré de sa cour, reçoit l’œuvre des mains de son auteur
Auteur très fécond, Olivier de La Marche est à la fois poète et chroniqueur. Son œuvre poétique inclut notamment le Débat du Cuidier et de Fortune, composé en 1477 durant sa captivité, le Chevalier délibéré, poème de 1483, le Parement et triomphe des dames, qui date de 1493-1494, et bien d’autres titres. Mais ce sont ses Mémoires et l’Introduction aux Mémoires qui comptent comme des textes de première importance pour suivre la période 1435-1488. L’Introduction (Paris, BNF, Mss, fr. 2868) est rédigée vers 1490 à l’intention du jeune Philippe le Beau. Elle raconte une histoire mythique et légendaire de la maison de Bourgogne, que l’auteur fait remonter jusqu’au roi Priam. Écrite pour la gloire de la dynastie ducale, elle montre cependant une certaine distance critique qui la distingue des autres chroniques de la cour de Bourgogne. À ces Mémoires s’adjoignent quelques autres textes à caractère historique ou documentaire, comme le Traité des noces de Charles le Téméraire en 1468, l’État de la maison du duc Charles en 1474 ou encore le Livre de l’advis du gaige des batailles en 1494.
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Des relations violentes entre les ducs et les populations urbaines
La difficile conciliation entre intérêts urbains et ducaux
L’avènement de la Maison de Bourgogne en Flandre avait eu lieu dans un contexte marqué par une violente révolte, dirigée contre le pouvoir princier, d’une certaine frange des populations urbaines, notamment à Gand. Philippe le Hardi, faisant preuve tout autant de sens de la diplomatie que de réalisme politique, était parvenu à apaiser le conflit et, par la Paix de Tournai de décembre 1385, avait ouvert une période de calme dans les relations du prince et des villes. Cependant, ce calme était précaire car la politique ducale tendait à la centralisation tandis que les communautés urbaines défendaient leurs privilèges et leurs intérêts locaux.
Les ducs de Bourgogne ne recherchèrent pas systématiquement l’affrontement, d’autant que les populations urbaines ne leur étaient pas unanimement défavorables. Les élites qui dominaient le gouvernement des villes et qui comptaient dans leurs rangs des nobles, des bourgeois, des marchands, soutenaient généralement le parti du prince, estimant que la soumission à l’autorité ducale et la coopération avec elle garantissaient la paix et, partant, la prospérité. Les ducs de Bourgogne, pour leur part, s’efforçaient de se concilier les villes en les associant aux fastes de la cour, en les choisissant pour cadre des grandes fêtes et des grandes cérémonies, en résidant en leurs murs. Mais par ailleurs, ils entendaient aussi qu’elles leur fussent soumises. Les moyens ordinaires mis en œuvre pour assurer leur obéissance passaient par le contrôle étroit des administrations municipales et c’est pourquoi en Flandre, comme dans le reste des Pays-Bas bourguignons, la désignation des membres des Lois des villes, c’est-à-dire de leur échevinage, se faisait sous la surveillance de commissaires ducaux. Les finances urbaines étaient également très encadrées. Le prince se souciait surtout de prélever une part des « assises », taxes levées avec son autorisation sur le commerce, et d’obtenir du corps municipal et de la communauté des villes des prêts importants. Enfin, la centralisation passait nécessairement aussi par des restrictions apportées aux pouvoirs judiciaires des villes au profit des cours de justice princières.

Jean de Heyle et les Gantois
Le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, frère du roi de France Charles V, a épousé l’unique héritière du comte de Flandre Louis de Male. Il devient lui-même comte de Flandre à la mort de Louis en 1384. La guerre, qui dure en Flandre depuis sept ans, laisse un pays désolé. Les Anglais y ont pris part en soutenant les villes contre le comte de Flandre. Le duc s’empresse de conclure la paix et proclame sa clémence aux Gantois.
Les Anglais se retirent de Gand. Les métiers se tiennent sur la place, en armes et avec à leur tête Roger Evrwyn et Jacques d’Ardembourg, favorables à la paix. Ils y écoutent Jean de Heyle faisant lecture d’une lettre scellée où le duc de Bourgogne propose son pardon en échange de la paix. François Ackerman, capitaine du château de Gavre, vient donner son aval.
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Entrée solennelle de Philippe le Bon à Gand
Moine de l’abbaye de Saint-Denis, Jean Chartier fut, à partir de 1437, l’historiographe officiel de Charles VII, roi de France. Le religieux proposa lui-même une traduction française, revue et augmentée, de sa chronique latine (1422-1461). Amateur de chroniques, Louis de Gruuthuse disposa, peu après la rédaction de l’oeuvre, de son propre exemplaire. La page frontispice (f. 11) comporte son emblème (la bombarde sur un affût) et un phylactère à sa devise (Plus est en vous). Ses armoiries ont en revanche été recouvertes par celles de France, quand Louis XII acquit l’ensemble de ses livres. Le manuscrit figure donc dans les inventaires de la Bibliothèque royale de Blois dès 1518.
Le volume s’ouvre avec une image fidèle du cortège funèbre de Charles VI, d’autant plus remarquable que le recours à l’effigie du roi, lors du cérémonial funèbre, s’établit effectivement à cette occasion, en 1422. La pompe cérémonielle n’est pourtant pas décrite à cet endroit du manuscrit, il faut se reporter à la fin de l’ouvrage, c’est-à-dire aux obsèques de son successeur, Charles VII, en 1461, pour trouver des éléments textuels correspondants. Le peintre s’est certainement aidé de cette description, à moins que, parisien, il ne fût lui-même témoin de cet autre cortège avant de venir s’installer à Bruges. Le mannequin du roi, au visage et aux mains de cire, figure sur la litière couverte d’un drap mortuaire écarlate. Celui-ci recouvre le cercueil contenant la dépouille royale soutenue par les officiers de l’hôtel en tenue noire de deuil. Les quatre présidents du parlement de Paris portent chacun un coin du drap. Ils sont revêtus de leur costume de fonction, celui qu’ils exhibent dans la salle du tribunal : une toque de fourrure (le mortier) et la tenue royale rouge doublée d’hermine. Ils représentent la justice royale et sa pérennité. Pareillement vêtu, le duc de Bedford, régent de France, chevauche un cheval blanc portant une housse bleue fleurdelisée. À défaut d’une couronne, il a un diadème et tient tout de même un sceptre. Deux sergents d’armes le précèdent, d’autres hommes à cheval exhibent l’épée, le casque et l’écu du roi. La procession sort de l’hôtel Saint-Paul à proximité de la Seine pour se diriger vers Notre- Dame où la dépouille devra être exposée. Au loin, l’île de la Cité avec les silhouettes de la cathédrale et de la Sainte-Chapelle qui se font face.
Plusieurs autres images montrent une attention au cérémonial de cour, au sujet duquel Philippe de Mazerolles semble en savoir un peu plus que ses confrères : couronnement de Charles VII (f. 43), entrée royale du souverain à Caen (f. 209 vo) ou de ses représentants à Bordeaux (f. 243 vo). Ses connaissances s’étendent aussi au domaine héraldique. Selon les événements qu’il a à illustrer, il peint les armoiries de Charles Ier de Bourbon (f. 27 vo), d’Arthur de Bretagne, connétable de Richemont, et de John Talbot (f. 38), de l’amiral de Coëtivy (f. 122) ou du comte de Saint-Pol (f. 131). La dernière miniature du manuscrit montre l’entrée triomphale de Philippe le Bon à Gand, là aussi selon un ordre établi (f. 289). Tous les emblèmes bourguignons sont démultipliés, présents sur le harnachement du cheval ducal, sur les cottes d’armes des archers et sur les étendards. À elles seules, les deux images situées en début et en fin d’ouvrage résument le parcours de l’artiste commençant sa carrière à Paris, l’achevant dans les Pays-Bas méridionaux au service des ambitions bourguignonnes.
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Affrontements et révoltes
Il n’en reste pas moins que l’histoire des relations des ducs de Bourgogne avec les villes des Pays-Bas bourguignons après 1385 fut ponctuée d’épisodes violents et d’épreuves de force. Tous s’achevèrent par la victoire de l’État princier et par l’affaiblissement du pouvoir urbain. Dans ce phénomène, le heurt de la politique centralisatrice des ducs et du particularisme urbain n’était pas le seul facteur. Des causes économiques et sociales complexes eurent également leur part dans les différentes « commotions » qui agitèrent les « Pays de par-deçà » et, spécialement, le comté de Flandre.
Après la Paix de Tournai, on relève des révoltes mineures à Bruges en 1387 et 1390 et à Gand en 1392. Mais tout à son œuvre de reconstruction, le duc Philippe le Hardi ne chercha pas à envenimer les choses. En 1400-1401, lorsque le souverain-bailli de Flandre entra en conflit avec les Gantois, Philippe préféra le destituer et l’envoyer en pèlerinage expiatoire à Jérusalem, plutôt que d’affronter la ville avec laquelle il avait fait la paix quinze ans plus tôt. Par la suite, le duc Jean sans Peur tenta lui aussi d’éviter les chocs frontaux. La crise la plus grave qu’il eut à surmonter fut une révolte armée de Bruges, en 1411, qui fut désamorcée par des concessions, notamment fiscales, et par la révocation d’un acte daté de 1407 désigné de façon péjorative comme le calfvel, par laquelle le Magistrat de Bruges avait solennellement accepté des réformes imposées par le prince qui restreignait les privilèges urbains.
Si, sous le principat des deux premiers ducs de Bourgogne de la Maison de Valois, les grands affrontements furent évités, il n’en alla pas de même sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire. Ceux-ci, tenant en leurs mains ou dans leur aire d’influence la quasi-totalité des principautés des Pays-Bas, et décidés à imposer leur politique centralisatrice, ne furent plus enclins à tolérer les manifestations de particularisme récurrentes des villes. Or, dans les années 1420-1430, dans une conjoncture économique défavorable, plusieurs insurrections éclatèrent et cette période de troubles fut un prélude à la grande révolte qui secoua Bruges en 1437-1438. Les événements prirent une tournure dramatique et le duc Philippe le Bon lui-même faillit périr dans une émeute, le 22 mai 1437. À la suite de cette affaire, Bruges subit un blocus sévère et au mois de mars 1438, les révoltés durent se soumettre. La ville fut frappée d’une amende de 200 000 ridders (une pièce d’or frappée à l’image du duc de Bourgogne à cheval) et perdit une bonne partie de ses privilèges. Dans l’aventure, l’économie urbaine avait grandement souffert et il est révélateur que les « nations » de marchands étrangers aient tenté, durant le conflit, de jouer les intercesseurs entre le duc de Bourgogne et les rebelles ; la révolte et le blocus avaient porté un lourd préjudice à leur activité.
Quinze ans plus tard, ce fut au tour de Gand de se révolter et de subir les conséquences d’une attitude intransigeante face à la politique princière. Depuis 1385, la ville avait été particulièrement ménagée par les princes bourguignons. Son autonomie administrative était plus grande que celle des autres villes des Pays-Bas bourguignons et les prélèvements fiscaux opérés au profit du duc y étaient moins importants. Depuis Jean sans Peur, Gand était la résidence des enfants de la famille ducale et le siège du Conseil de Flandre, la grande cour de justice compétente pour l’ensemble du comté. Mais les tensions sociales et économiques et une certaine tradition de la contestation, sensible dans une partie du monde des métiers, créèrent dans les années 1440-1450 les conditions d’une nouvelle rébellion, d’autant que les bonnes dispositions du duc Philippe le Bon à l’égard des Gantois commencèrent à s’émousser quand ces derniers s’opposèrent à un projet de réforme fiscale qui lui tenait à cœur.La révolte éclata en 1451 et fut marquée, en ses débuts, par des violences exercées contre les partisans du duc. La guerre éclata au printemps de 1452. Philippe le Bon mobilisa d’amples moyens militaires pour venir à bout des rebelles. Ceux-ci furent partout battus et, finalement, leur armée fut écrasée le 23 juillet 1453, lors de la bataille de Gavere. Quelques jours après ce désastre, Gand dut faire sa soumission. La cérémonie de capitulation fut spectaculaire et le châtiment ne le fut pas moins : la ville fut frappée d’une amende de 350 000 ridders et vit ses privilèges restreints. La situation favorable dont elle jouissait depuis 1385 ne fut plus qu’un souvenir.
Le dernier sursaut du particularisme urbain marqua l’avènement de Charles le Téméraire. À la mort de son père, survenue le 15 juin 1467, il devint duc et, quelques jours plus tard, il commençait la tournée des bonnes villes des Pays-Bas bourguignons pour y faire sa Joyeuse Entrée. À cette occasion, à Gand, des incidents éclatèrent et le nouveau duc, surpris et courroucé, ne put sauver la situation qu’en accordant aux révoltés le rétablissement des privilèges perdus en 1453. Naturellement, dès qu’il retrouva sa liberté de manœuvre, il annula cette concession arrachée sous la contrainte et, au mois de janvier 1469, à Bruxelles, les représentants de Gand vinrent devant leur prince pour faire amende honorable et assister à la lacération solennelle de leurs privilèges. D’autres villes, comme Malines, par exemple, qui avait été le cadre de troubles lors de l’avènement du duc Charles, furent également punies par la suppression de leurs privilèges. Le prince put ensuite gouverner sans être menacé d’une nouvelle révolte. Mais les tendances particularistes n’étaient que tenues en respect. Dès l’annonce de la mort de Charles le Téméraire, tué sous les murs de Nancy le 5 janvier 1477, elles purent de nouveau reprendre de la vigueur.
Changements et continuités sous Marie de Bourgogne
Marie de Bourgogne, seule fille et unique héritière de Charles le Téméraire, avait vingt ans lorsque son père mourut sur le champ de bataille de Nancy. Elle inaugura son principat dans une situation chaotique et dans l’incertitude. Profitant de la disparition du Téméraire, le roi de France Louis XI se disposait à s’emparer d’une partie des possessions bourguignonnes. Pour obtenir les moyens de faire face à ce péril, Marie de Bourgogne convoqua, à Gand, les États généraux des « Pays de par-deçà ». La réunion des États dans une ville aux traditions séditieuses allait être l’occasion d’une remise en cause générale de la politique de centralisation menée par Charles le Téméraire. Ce duc avait mené une action qui, sur bien des points, avait été préjudiciable aux communautés privilégiées : le clergé et les détenteurs de fiefs avaient été taxés, les villes avaient vu leurs libertés et leurs franchises réduites et parfois même autoritairement supprimées. Sous son principat, la pression fiscale s’était accrue dans des proportions jusqu’alors inconnues. La création d’institutions centrales, le Parlement et la Chambre des comptes de Malines, était apparue comme une atteinte aux privilèges et aux coutumes. La situation de janvier 1477 allait donner l’occasion à ceux qui avaient pâti de la politique centralisatrice du Téméraire de prendre leur revanche.

Charles le Téméraire en tenue de deuil noire, à la mort de Philippe le Bon
Les ducs de Bourgogne commandent des chroniques pour asseoir leur légitimité et s’inscrire dans une histoire dynastique, à l’image des rois de France et d’Angleterre. Celle-ci, a été écrite par Georges Chastellain, historiographe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire. La Chronique commence avec l’assassinat de Jean sans Peur à Montereau, en 1419, et s’arrête en 1474, à la mort de l’auteur.
La miniature fait suite au récit des funérailles de Philippe le Bon : Charles, en deuil de son père, trône dans une tenue noire. Il porte la Toison d’or et appuie la tête dans sa main. Son regard, las, se tourne en direction de Chastellain, qui se tient à sa droite, les cheveux blancs, un livre sous le bras, en avant des chevaliers de la Toison d’or. Le chroniqueur du duc est en effet chancelier de l’ordre. Les deux allégories qu’il invoque à des fins consolatrices se présentent à genoux devant Charles : l’une masculine, est l’Entendement, l’autre féminine, la Connaissance de soi. À la gauche de Charles, les bourgeois à genoux sont précédés de deux femmes dont la différence d’âge laisse supposer qu’il s’agit de Marguerite d’York, la femme de Charles, et Marie de Bourgogne, sa fille unique. La scène prend place dans une galerie, dont les arcatures ouvrent sur la vue d’un palais donnant sur un vaste jardin, bordé d’une enceinte.
Le visage des femmes est rehaussé de blanc ; celui des hommes d’argent. L’image est produite bien après la mort du dernier duc de Bourgogne. Les vêtements mêlent des modes d’époques différentes. Les robes des princesses correspondent au 16e siècle. Si la coiffe de la plus jeune date des environs de 1500, celle de sa mère n’avait pas cour avant 1520. L’artiste, peut-être Simon Bening, propose un véritable tableau. Le modelé des personnages, de grande qualité, est typique de ce maître. La perspective, derrière le duc, laisse apparaître un paysage fait de bâtiments et de grands espaces vides, habités par quelques minuscules personnages.
Charles le Téméraire, le fils de Philippe le Bon, est le dernier des ducs de Bourgogne. Il meurt en 1477 sous les murs de Nancy sans parvenir à se constituer un empire allant de la mer du Nord à la Méditerranée comme il en avait l’ambition. À sa mort, le comté de Flandre et les Pays-Bas méridionaux passent dans la maison des Habsbourg tandis que la couronne de France retrouve le duché de Bourgogne.
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Philippe le Beau, entouré de sa cour, reçoit l’œuvre des mains de son auteur
Auteur très fécond, Olivier de La Marche est à la fois poète et chroniqueur. Son œuvre poétique inclut notamment le Débat du Cuidier et de Fortune, composé en 1477 durant sa captivité, le Chevalier délibéré, poème de 1483, le Parement et triomphe des dames, qui date de 1493-1494, et bien d’autres titres. Mais ce sont ses Mémoires et l’Introduction aux Mémoires qui comptent comme des textes de première importance pour suivre la période 1435-1488. L’Introduction (Paris, BNF, Mss, fr. 2868) est rédigée vers 1490 à l’intention du jeune Philippe le Beau. Elle raconte une histoire mythique et légendaire de la maison de Bourgogne, que l’auteur fait remonter jusqu’au roi Priam. Écrite pour la gloire de la dynastie ducale, elle montre cependant une certaine distance critique qui la distingue des autres chroniques de la cour de Bourgogne. À ces Mémoires s’adjoignent quelques autres textes à caractère historique ou documentaire, comme le Traité des noces de Charles le Téméraire en 1468, l’État de la maison du duc Charles en 1474 ou encore le Livre de l’advis du gaige des batailles en 1494.
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Les députés des États généraux reconnurent sans difficulté Marie de Bourgogne comme leur « princesse naturelle ». Fidèles à la Maison de Bourogne, ses sujets ne mettaient pas en cause la légitimité de son héritage, mais ils firent porter leurs revendications sur la question du gouvernement. Pour eux il était indispensable de rétablir dans leur plénitude les privilèges que les ducs de Bourgogne avaient réduits ou supprimés. Leurs doléances, présentées par les députés flamands dès le 3 février 1477, furent à l’origine de la rédaction d’un document solennel, connu sous le nom de Grand Privilège, que Marie de Bourgogne signa de sa main le 11 février suivant. Par cet acte, la duchesse s’engageait à confirmer tous les privilèges et toutes les coutumes de ses pays. Le Parlement et la Chambre des comptes de Malines furent supprimés et, de facto, la situation institutionnelle antérieure à 1473 fut rétablie. Le rôle, non seulement financier mais aussi politique, des États généraux était consacré et ceux-ci avaient désormais le pouvoir de se réunir spontanément en cas de nécessité sans attendre une convocation du pouvoir princier.
L’octroi du Grand Privilège, accompagné de plusieurs privilèges particuliers aux villes et aux principautés, ne préserva pas Marie de Bourgogne d’un affrontement avec ses sujets. Le mouvement de révolte, parti de Gand où deux des plus proches conseillers de la duchesse, Guillaume Hugonet, chancelier ducal, et Guy de Brimeu, seigneur de Humbercourt, furent exécutés le 3 avril 1477, gagna d’autres villes, notamment Bruges, Anvers et Bruxelles.
Face à la révolte ouverte de ses sujets et à l’entreprise de conquête menée aux dépens de son héritage par Louis XI, Marie de Bourgogne, épaulée par Marguerite d’York, troisième épouse de son père, se trouva un protecteur en la personne de l’archiduc Maximilien Ier de Habsbourg, fils de l’empereur Frédéric III. Son mariage avec ce prince, qui avait fait l’objet de longues négociations, avait été finalement décidé par Charles le Téméraire peu de temps avant sa mort brutale sur le champ de bataille de Nancy. L’union fut célébrée à Gand au mois d’août 1477 et assura la continuité dynastique de la Maison de Bourgogne : dès le 22 juin 1478, en effet, Marie de Bourgogne donna naissance, à Bruges, à un fils qui reçut le nom de Philippe, comme son bisaïeul maternel. Celui qui devait devenir plus tard l’archiduc Philippe le Beau fut à la fois un Habsbourg et un prince bourguignon, comme devait l’être après lui son fils Charles Quint.
L’année 1482 marqua un tournant dans l’histoire de l’État bourguignon. Au mois de mars, la duchesse Marie de Bourgogne fut victime d’un accident alors qu’elle chassait au faucon dans la forêt de Wijnendale, aux environs de Bruges. Son cheval ayant chuté l’écrasa sous lui. Ramenée dans sa résidence brugeoise, la fille du Téméraire mourut le 27 mars, après trois semaines d’agonie. La mort de Marie de Bourgogne, suivie par la Paix d’Arras conclue entre Maximilien Ier et Louis XI, ne marqua pas la fin de la Maison de Bourgogne, désormais unie à la Maison de Habsbourg, mais, les ambitions de ses princes allaient dépasser le seul cadre des Pays-Bas bourguignons pour englober l’Empire, l’Espagne et, bientôt, le Nouveau Monde. Des temps nouveaux commençaient.
Provenance
Cet article provient du site Minitatures flamandes (2011).
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