Éléphants
Sud de l'Afrique et inscription sur le Nil
Des nègres du royaume d'Angola
Le Nil
Détail du globe terrestre
Vincenzo Maria Coronelli, 1681-1683.
BnF, Département des Cartes et plans, GE A 500 RES
© Bibliothèque nationale de France
Le Nil est une des plus grandes et des plus fameuses rivières du monde et la plus célèbre qu'il y ait en Afrique.

Elle est nommée Albawi par les Abyssins, c'est-à-dire le père des eaux. Les Amiens en ont parlé dans leurs écrits, principalement pour ses inondations annuelles mais ils ont tous ignoré ses sources, quoique plusieurs grands princes aient fait beaucoup de diligence pour les pouvoir découvrir. Nous apprenons que Sésotris, roi d'Égypte et Cambyse, roi de Perse ont envoyé des gens en Ethiopie pour tâcher de reconnaître la source du Nil ; ce que firent aussi après eux Alexandre le Grand et Ptolémée Philadelphe, roi d'Égypte et même Néron qui y envoya deux de ses officiers, mais tout cela fut inutile, car quelque diligence que les uns et les autres pussent faire, ils n'en purent rien apprendre de certain, et ils rapportèrent seulement qu'après avoir voyagé dans l'intérieur de l'Afrique, ils avaient pénétré dans de grands marais dont les gens du pays même ne connaissaient pas l'étendue et qui étaient tellement embarrassés d'herbes et si fort remplis de limon que l'on n'y pouvait naviguer qu'avec un très petit bateau dans lequel il ne pouvait tenir qu'un homme.

Ptolémée, l'un des plus fameux géographes de l'Antiquité a cru que cette montagne avait sa source dans les montagnes de la Lune par delà la ligne équinoxiale et cette opinion a été suivie par la plupart des Anciens et par les modernes qui ont estimé que cette rivière avait sa source dans ces montagnes au delà de la ligne équinoxiale et vers le 12e degré de latitude méridionale, qu'elle courait pendant l'espace de plus de 40 degrés de latitude du sud au nord et qu'elle faisait plus de 1000 lieues en ligne directe et près de 2000 en ses détours.

La plupart des géographes modernes ont marqué le Nil sur leurs cartes traversant un grand lac auquel ils donnent les noms de Zembre et de Zaïr, ils le font passer ensuite par divers royaumes et provinces de l'empire des Abyssins.

Cette fameuse rivière est grossie par plusieurs autres qui s'y déchargent, celle qui sort du lac de Zafflan tombe dans le Nil vers le 2e degré de latitude septentrionale, la rivière de Tacaze ou Tagasi s'y rend vers le 12e degré de latitude nord, après cela le Nil se divisant en deux branches, forme la grande île de Gueguere, fameuse autrefois sous le nom de Méroé. Ayant traversé la Nubie, il reçoit sur les confins d'Égypte et sous le tropique du Cancer, la rivière de Nubia. Ces trois rivières sont les principales qui se jettent dans le Nil. Voilà l'opinion qui a été universellement reconnue ci-devant.

Les géographes avaient fait dans cet endroit des fautes considérables sur leurs cartes, ils ne les pouvaient corriger, n'ayant pas eu des mémoires plus exacts jusqu'alors.

Il est donc certain qu'on a toujours ignoré la Source du Nil et sa véritable étendue jusqu'au commencement de ce siècle que quelques Portugais s'étant établis dans l'empire des Abyssins en y conduisant des secours des vice-rois des Indes, cela donna moyen à des pères jésuites de leur nation qui y avaient des résidences de rechercher fort soigneusement la source de cette grande rivière, en quoi les pères Alfonse Mendez, qui fut depuis patriarche d'Ethiopie, Manuel Almeide, Pero Payz et Jeronimo Lobo y ont apporté tant de soins qu'ils sont enfin venus heureusement à bout de cette découverte que l'on avait tant désirée et dont ils ont donné des relations fort exactes que l'on voit dans le livre du père Balthazar Tellez. C'est sur les relations et sur les cartes de ces pères, que l'on a représenté ici le cours du Nil et l'empire des Abyssins.

Entre les choses qui rendent cette rivière plus remarquable, il y en a trois fort considérables. La première est que passant entre des sables et des déserts, elle est néanmoins fort limoneuse, mais exempte des vapeurs et du mauvais air qui causent les maladies. La deuxième est que ses bords ne sont point couverts de verdure comme sont ordinairement ceux des autres rivières et la troisième est son inondation. Plusieurs de ceux qui en ont écrit les causes, se sont éloignés de la vérité à cause que ces sources leur restaient inconnues et qu'ils ne savaient rien de particulier de l'Abyssinie, mais le père Jeronimo Lobo, portugais, qui a voyagé dans tout ce pays nous apprend que l'hiver ou le temps des pluies y commence vers les premiers jours du mois de juin et comme la plus grande partie de l'Éthiopie est couverte de montagnes et que le Nil qui prend son cours dans les vallées de ces montagnes, ramasse et charrie la plus grande partie des pluies qui font enfler cette rivière qui arrose ainsi et engraisse toute l'Égypte qui n'a point d'autres eaux, et les années y sont fertiles ou stériles à proportion de la hauteur à laquelle l'eau du Nil monte. Cette inondation commence d'ordinaire vers le 17e de juin et croît l'espace de 40 jours et décroît aussi pendant 40 jours.

Il y a proche du Caire une colonne dans une petite île nommée MIKIAS où sont marquées les diverses hauteurs jusqu'où l'eau a monté par le passé et c'est sur ce pieu que les habitants jugent de la bonne ou mauvaise récolte de l'année ; quand l'eau n'atteint que le 16e degré de cette colonne les habitants ont sujet d'appréhender la famine, quand elle monte jusqu'au 23e degré ils espèrent une pleine année, mais quand elle va plus haut, ils ont sujet de craindre qu'elle ne leur ôte le moyen de semer, ou celui de faire leur moisson.

Les géographes avaient tellement éloigné les sources du Nil de leur véritable position, qu'ils remplissaient du cours de cette rivière une grande partie de l'Éthiopie qui demeure à présent vide, c'est pourquoi nous avons cru le devoir remplir de ce discours.
 
 

> partager
 
 
 

 
> copier l'aperçu
 
 
> commander