Inscription sur les moeurs des peuples du Chili
Mœurs des peuples du Chili
Détail du globe terrestre
Vincenzo Maria Coronelli, 1681-1683.
BnF, Département des Cartes et plans, GE A 500 RES
© Bibliothèque nationale de France
Les Chilois sont fort belliqueux quand ils veulent faire quelque entreprise contre leurs ennemis, ils s'assemblent pour faire Caguin, c'est-à-dire une débauche générale où ils boivent du chica qui est une espèce de bière faite de maïs, de pommes et quelques autres fruits entre autres de ceux qu'on appelle putillas. C'est là qu'ils élisent un chef qui est ordinairement le plus robuste et le plus grand d'entre eux, qui nomme ensuite les capitaines et les autres officiers subalternes. Ils prennent un jour auquel ils se rendent tous, chacun en particulier ou au plus trois, de compagnie sur la frontière d'où ils courent ensuite sur leurs ennemis. Ils ne manquent jamais au rendez-vous, à moins d'être malades, à ne se pouvoir soutenir.

Les caciques ont ordinairement vingt ou vingt-quatre femmes qui vivent chacune dans une maison particulière où elles travaillent pour nourrir leurs enfants et leurs maris qui ne s'occupent qu'à la guerre. Elles leur donnent par an deux vestes tissées de leurs mains, font la chica ou boisson et toutes les autres choses nécessaires à la vie. Elles couchent avec eux, chacun à son tour, elles sont très fertiles, car il n'y en a guère qui n'accouchent tous les ans. Dès qu'elles sont délivrées, elles se vont laver dans quelques rivières, après quoi, elles se renferment durant 3 jours. Elles lavent pendant quelque temps leurs enfants dans l'eau froide, afin, disent-elles, de les rendre plus robustes et plus endurcis au travail. Elles ont une grande horreur de l'adultère et en font elles-même une punition très rigoureuse car si une d'entre elles a fait cet affront à son mari, elles s'accordent toutes ensemble pour l'empoisonner. Les enfants de ces femmes sont réputés infâmes et dès qu'ils ont l'usage de raison, ils ont coutume de s'en aller en quelque autre pays pour ne pas recevoir le reproche de la faute de leur mère. Elles couchent sur 4 peaux de mouton sur de la paille. Les Chilois épousent leurs soeurs de différentes mères et les veuves de leurs pères et même leurs autres parentes, excepté les soeurs de leurs mères.

Quand ils vont à quelque expédition un peu éloignée ils portent pour toute nourriture de la farine d'une sorte de blé que nous n'avons pas, et qu'ils appellent téca. Dans les autres temps, ils se nourrissent de la chair de quelques gros moutons, hauts de trois pieds qui servent à voiturer toutes sortes de denrées dans le pays. Leur laine en est fort rude, la chair assez bonne, ils portent la chica dans des cruches lorsqu'on s'assemble pour un caguin. Il y a plusieurs nations différentes parmi eux qui ont souvent la guerre ensemble, mais ils se réunissent tous quand il faut aller contre les Espagnols ; les plus aguerris sont ceux des montagnes. Lorsqu'il meurt un cacique ou quelque autre personne qualifiée, ils les enterrent dans des sépultures de pierre bien travaillées, ils font de grandes fêtes pendant huit jours qu'ils emploient à danser au son des tambours, flûte et sonnettes qu'ils font du fruit de certains arbres. Ils mettent dans le sépulcre de la viande, de la chica et les meilleurs habits qu'ils aient, parce que, disent-ils, qu'ils vont faire un grand voyage, ils mettent aussi quelquefois leurs morts dans des troncs d'arbres creusés en forme de canot qu'ils ferment ensuite et les pendent à quelques arbres, afin que les morts, disent-ils, jouissent de la fraîcheur. Une personne qui a été à la guerre contre ces sauvages dit avoir trouvé souvent de ces sortes de bières suspendues dans les bois, et croyant y trouver d'abord quelques richesses il les ouvrit, mais il n'y avait que des ossements, des hardes pourries, des broches où il y avait eu des poules rôties et des cruches vides.
 
 

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