Plainmont,
près Torteval, est un des trois angles de Guernesey. Il y a là,
à l'extrémité du cap, une haute croupe de gazon qui
domine la mer. |
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qu'une muraille. En examinant attentivement
cette façade, on y distingue une fenêtre, murée. Les
deux pignons offrent trois lucarnes, une à l'est, deux à
l'ouest, murées toutes trois. La devanture qui fait face à
la terre a seule une porte et des fenêtres. La porte est murée.
Les deux fenêtres du rez-de-chaussée sont murées.
Au premier étage, et c'est là ce qui frappe tout d'abord
quand on approche, il y a deux fenêtres ouvertes ; mais les
fenêtres murées sont moins farouches que ces fenêtres
ouvertes. Leur ouverture les fait noires en plein jour. Elles n'ont pas
de vitres, pas même de châssis. Elles s'ouvrent sur l'ombre
du dedans. On dirait les trous vides de deux yeux arrachés. Rien
dans cette maison. On aperçoit par les croisées béantes
le délabrement intérieur. Pas de lambris, nulle boiserie,
la pierre nue. On croit voir un sépulcre à fenêtre
permettant aux spectres de regarder dehors. Les pluies affouillent les
fondations du côté de la mer. Quelques orties agitées
par le vent caressent le bas des murs. À l'horizon, aucune habitation
humaine. Cette maison est une chose vide où il y a le silence.
Si l'on s'arrête pourtant et si l'on colle son oreille à
la muraille, on y entend confusément par instants des battements
d'ailes effarouchées. Au-dessus de la porte murée, sur la
pierre qui fait l'architrave, sont gravées ces lettres : ELM-PBILG,
et cette date : 1780.
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Victor Hugo, Les Travailleurs de la
mer |
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