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Il
y a quarante ans, Saint-Malo possédait une ruelle dite la ruelle
Coutanchez. Cette ruelle n'existe plus, ayant été comprise
dans les embellissements.
C'était une double rangée de maisons de bois penchées
les unes vers les autres, et laissant entre elles assez de place pour
un ruisseau qu'on appelait la rue. On marchait les jambes écartées
des deux côtés de l'eau, en heurtant de la tête ou
du coude les maisons de droite et de gauche. Ces vieilles baraques du
Moyen Âge normand ont des profils presque humains. De masure à
sorcière il n'y a pas loin. Leurs étages rentrants, leurs
surplombs, leurs auvents circonflexes et leurs broussailles de ferrailles
simulent des lèvres, des mentons, des nez et des sourcils. La lucarne
est l'œil, borgne. La joue, c'est la muraille, ridée et dartreuse.
Elles se touchent du front comme si elles complotaient un mauvais coup.
Tous ces mots de l'ancienne civilisation, coupe-gorge, coupe-trogne, coupe-gueule,
se rattachent à cette architecture.
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