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Il était tard, mais la petite sirène
ne put se lasser d'admirer le vaisseau et le beau prince. Les lanternes
ne brillaient plus, et les coups de canon avaient cessé; toutes
les voiles furent successivement déployées et le vaisseau
s'avança rapidement sur l'eau. La princesse le suivit, sans détourner
un instant ses regards de la fenêtre. Mais bientôt la mer commença
à s'agiter ; les vagues grossissaient, et de grands nuages noirs
s'amoncelaient dans le ciel. Dans le lointain brillaient les éclairs,
un orage terrible se préparait. Le vaisseau se balançait
sur la mer impétueuse, dans une marche rapide. Les vagues, se dressant
comme de hautes montagnes, tantôt le faisaient rouler entre elles
comme un cygne, tantôt l'élevaient sur leur cime. La petite
sirène se plut d'abord à ce voyage accidenté; mais,
lorsque le vaisseau, subissant de violentes secousses, commença
à craquer, lorsque tout à coup le mât se brisa comme
un jonc, et que le vaisseau se pencha d'un côté tandis que
l'eau pénétrait dans la cale, alors elle comprit le danger,
et elle dut prendre garde elle-même aux poutres et aux débris
qui s'en détachaient.
Par moments il se faisait une telle obscurité, qu'elle ne distinguait
absolument rien ; d'autres fois, les éclairs lui rendaient visibles
les moindres détails de cette scène. L'agitation était
à son comble sur le navire ; encore une secousse ! il se fendit
tout à fait, et elle vit le jeune prince s'engloutir dans la mer
profonde. Transportée de joie, elle crut qu'il allait descendre
dans sa demeure ; mais elle se rappela que les hommes ne peuvent vivre
dans l'eau, et que par conséquent il arriverait mort au château
de son père. Alors, pour le sauver, elle traversa à la nage
les poutres et les planches éparses sur la mer, au risque de se
faire écraser, plongea profondément sous l'eau à plusieurs
reprises, et ainsi elle arriva jusqu'au jeune prince, au moment où
ses forces commençaient à l'abandonner et où il fermait
déjà les yeux, près de mourir. La petite sirène
le saisit, soutint sa tête au-dessus de l'eau, puis s'abandonna avec
lui au caprice des vagues.
Le lendemain matin, le beau temps était revenu, mais il ne restait
plus rien du vaisseau. Un soleil rouge, aux rayons pénétrants,
semblait rappeler la vie sur les joues du prince ; mais ses yeux restaient
toujours fermés. La sirène déposa un baiser sur son
front et releva ses cheveux mouillés. Elle lui trouva une ressemblance
avec la statue de marbre de son petit jardin, et fit des vœux pour
son salut. Elle passa devant la terre ferme, couverte de hautes montagnes
bleues à la cime desquelles brillait la neige blanche. Au pied de
la côte, au milieu d'une superbe forêt verte, s'étendait
un village avec une église ou un couvent. En dehors des portes s'élevaient
de grands palmiers, et dans les jardins croissaient des orangers et des
citronniers ; non loin de cet endroit, la mer formait un petit golfe s'allongeant
jusqu'à un rocher couvert d'un sable fin et blanc. C'est là
que la sirène déposa le prince, ayant soin de lui tenir la
tête haute et de la présenter aux rayons du soleil. |