Le roman d’Alexandre
Alexandre de Bernay
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De bon matin, dès l'aube, les barons montent en selle
et leur guide les mène tout droit à l'Océan.
Ils virent une merveille que je vais vous conter.
Sur la rive de l'eau, dans le sable et les roseaux
leur apparaissent des femmes, venues on ne sait d'où :
à plus de cinq journées de marche
on n'aurait pas trouvé la moindre maison,
ni château, ni cité, ni tout autre logis.
Elles vivent dans l'eau comme des poissons,
entièrement nues, et, de la tête aux pieds,
on peut voir tous les dons que leur a faits la nature.
Leur chevelure brille comme les plumes du paon :
c'est leur seul vêtement, rien d'autre ne les couvre.
Elles sont si belles et si gracieuses
que je n'arrive pas à traduire leur beauté

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Les soldats les voient merveilleusement belles,
sans peur des hommes, sans désir de se cacher :
quand ils viennent trop nombreux, elles se mettent dans l'eau,
mais dès qu'ils s'éloignent, les petites compagnes
reviennent à la surface pour les attendre.
Ils s'empressent alors de s'unir à elles
et pleins de désir, ne veulent plus les quitter.
Mais quand ils sont si las qu'ils ne peuvent plus rien faire
et qu'ils voudraient repartir, elles les tiennent bien :
elles se redressent et les entraînent dans l'eau,
les serrant contre elles jusqu'à les étouffer.

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Quatre rescapés viennent conter au roi
la conduite des femmes, qu'ils ont bien vue :
leurs compagnons sont prisonniers
et ne reviendront jamais ; ils sont morts noyés.
Les autres, en entendant le récit. des quatre témoins,
sont si émus par la beauté des femmes
qu'ils iraient les rejoindre, si on ne les retenait.
Mais Alexandre jure sur tout le monde présent et passé
que s'il voit des soldats les rejoindre,
il s'empressera de les faire pendre :
après cette défense, plus personne n'y alla.

Alexandre de Bernay, Le roman d’Alexandre, vers 1185